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Le 8 avril 2024 se produira une éclipse totale, vue de Montréal et la Rive-Sud

Une éclipse solaire.
Photo: Istock/solarseven
Langis Michaud, Université de Montréal

Que ferez-vous dans un an, soit le 8 avril 2024, à 15h27? Certes, c’est difficile à déterminer, si longtemps à l’avance. Mais à ce moment précis se produira, à Montréal et sa Rive-Sud, une éclipse solaire totale – un phénomène rare.

En effet, si une éclipse solaire partielle peut être relativement fréquente, la disparition totale du Soleil, caché par la Lune, ne se produit que lorsque cette dernière est davantage rapprochée de notre planète ou que le Soleil en est le plus éloigné. C’est une question de taille de la Lune en comparaison à celle du Soleil. Lorsque les deux astres sont parfaitement alignés, cela crée un cône d’ombre. Les personnes qui vivent sur Terre, à l’intérieur de cette étroite bande, peuvent alors admirer le spectacle unique de l’éclipse totale.

En moyenne, un tel alignement ne se produit qu’à tous les 375 ans, mais cela peut varier. Ainsi, la dernière éclipse totale à toucher Montréal est survenue le 31 août 1932. Mais d’autres régions au Canada ne sont pas aussi choyées ! À St. John’s (Terre-Neuve), la dernière éclipse totale date du 3 février 1440 et la prochaine n’aura lieu que le 17 juillet 2205, soit une attente de 765 ans ! Le record appartient à la ville de Régina, en Saskatchewan, qui a été exposée à une éclipse totale en 54 av. J.-C., et ne le sera à nouveau que le 17 octobre 2153, soit une période de 2207 ans !

Il ne faut donc pas manquer l’éclipse totale de Montréal en 2024. Sinon, il vous faudra aller à Calgary pour la prochaine, dans 20 ans.

Ce phénomène s’accompagne toutefois de risques importants au niveau de la santé de l’œil. Comme optométriste, je suis très préoccupé par les enjeux liés à la santé oculaire. Je ne voudrais certainement pas que qui que ce soit devienne aveugle après avoir regardé une éclipse solaire sans protection adéquate !

Observer, mais se protéger

Observer une éclipse solaire totale est toujours fascinant. Durant la phase où la Lune obstrue complètement le Soleil, la lumière du jour cède la place à un ciel de crépuscule profond. L’atmosphère extérieure du Soleil (appelée couronne solaire) apparaît progressivement, brillant comme un halo autour de la Lune qui lui fait face. Les étoiles et les planètes brillantes deviennent davantage visibles dans le ciel.

En plein jour, le Soleil émet habituellement une lumière visible intense, si intense que nous ne pouvons pas la fixer directement très longtemps. Si jamais notre œil regarde directement le Soleil, nous avons immédiatement le réflexe de nous en détourner en moyenne au bout de 0,25 sec). Ce réflexe constitue une protection naturelle pour la santé oculaire contre les rayons nocifs de l’astre solaire, dont certains sont non visibles. Il est question ici des ultraviolets et des infrarouges.

Le rayonnement ultraviolet (UV)

Les UVs compte pour 7 % du rayonnement solaire. Ils sont absorbés en partie par la cornée (partie claire, en avant de l’œil) et le cristallin (lentille naturelle à l’intérieur de l’œil), sans que cela ne crée de dommages, sauf si l’exposition est trop importante.

Dans de tels cas, selon la quantité d’UVs absorbés, la cornée peut développer une inflammation, qu’on appelle kératite. De son côté, le cristallin perdra sa transparence – c’est une cataracte. D’autres impacts sont également à prévoir, comme le développement de petits kystes (pinguecula) sur la conjonctive (blanc de l’œil) ou d’une membrane envahissant la cornée (ptérygion).

Les paupières peuvent également développer des cancers de peau. La paupière supérieure, dont l’extérieur est habituellement peu exposé lorsque nos yeux sont ouverts, est particulièrement à risque quand on s’étend sur la plage, les yeux fermés, sans protection. Enfin, les UV prédisposent à la dégénérescence maculaire, soit une atteinte de nos meilleures cellules de la rétine, et qui peut se traduire par une perte plus ou moins importante de la vision.

Ces pathologies se développent par rayonnement direct, mais également lorsque les rayons du Soleil sont fortement réfléchis par des surfaces comme la neige (ophtalmie des neiges), le sable, ou l’eau. C’est pourquoi il est recommandé de porter une lunette protectrice qui coupe l’entièreté des rayons UV (protection UV400), lorsque l’on envisage une exposition de plus de quelques minutes au Soleil. Autant pour les enfants que pour les adultes, la monture doit bien envelopper les yeux, de sorte à ne pas laisser passer de rayons par le côté ou par le dessus.

enfant porte des lunettes de soleil à la plage
Autant pour les enfants que pour les adultes, la monture des lunettes de Soleil doit bien envelopper les yeux, de sorte à ne pas laisser passer de rayons par le côté ou par le dessus. (Shutterstock)

Rayonnement infrarouge (IR)

Les IRs composent la majorité des rayons émis par le Soleil, soit 54 %. Nous en ressentons les effets, car il s’agit d’un rayonnement thermal, qui s’accompagne de chaleur.

Si la cornée (brûlure) et le cristallin (cataracte) peuvent également être affectés par les IRs, c’est davantage la rétine qui peut écoper d’une exposition inappropriée à ces derniers. Encore une fois, il est question d’intensité et de durée. Comme pour les UVs, plus le rayonnement est intensif, plus l’exposition aux rayons entraînera des dommages permanents en une courte période de temps.

L’atteinte de la rétine par les IRs entraîne la destruction des cellules qui nous permettent de voir et crée ultimement un scotome, soit une tache noire permanente dans notre champ de vision. C’est une cause de cécité.

Éclipse et rayonnement

Lorsque le Soleil n’est caché qu’en partie (éclipse partielle), le rayonnement UV et IR sont aussi importants qu’en plein Soleil. Toutefois, la luminosité étant réduite, notre réflexe naturel ne s’exerce plus. Il peut alors paraître plus confortable d’observer le Soleil pendant plusieurs secondes, voire des minutes. Sans protection, ce type d’exposition peut entraîner les pathologies décrites plus haut, et contribuer à la cécité, si la rétine centrale est atteinte. C’est ce que le président Trump s’est fait rappeler en 2017, alors qu’il regardait une éclipse partielle sans protection, mettant sa vision en danger.

Lors d’une éclipse totale, il est par contre possible, durant la courte durée de l’obstruction totale du Soleil (1 min 37 sec), de regarder la couronne solaire sans protection. Il faut alors être très vigilant et penser remettre la protection en place dès que la Lune commence à se déplacer et que le rayonnement est à nouveau présent, bien que la luminosité ambiante soit encore réduite.

Les mêmes précautions doivent s’exercer si l’on regarde directement l’éclipse à travers des jumelles, un télescope, une caméra ou un autre moyen optique. Par exemple, ne regardez pas l’écran de votre téléphone à l’œil nu en tentant de prendre des photos de l’éclipse ! Les rayons ne sont pas bloqués par ces instruments et peuvent causer des dommages oculaires importants.

Une question de protection

De quelle protection parle-t-on ? Il s’agit de filtres solaires qui peuvent être montés en lunettes ou encore dans des lunettes temporaires, en carton, mais couvrant parfaitement toute la surface de l’œil. Encore une fois, il convient d’éviter de laisser un espace entre l’œil et l’écran de protection par lequel des rayonnements nocifs pourraient se faufiler. Les filtres autorisés doivent répondre à la norme ISO-12312-2.

Avant de porter de tels filtres, il faut bien s’assurer de suivre les instructions fournies avec ce matériel. Il est très important que les parents s’assurent que les enfants portent adéquatement les filtres et ne jouent pas avec. Lorsque l’observation est terminée, il ne faut pas les enlever en continuant à regarder le Soleil : détourner le regard, faites dos au Soleil et enlevez les filtres. Puis, ne regardez plus vers le ciel !

Si jamais…

Les dommages à la cornée et à la rétine peuvent apparaître quelques heures après l’exposition ; ils ne sont pas toujours immédiats. Si jamais vous avez été exposés, par inadvertance ou insouciance, observez votre vision durant les heures suivant l’éclipse. Tout embrouillement ou changement à votre vision devrait vous inciter à consulter le plus rapidement un optométriste ou un médecin ophtalmologiste.

Plusieurs activités entoureront l’arrivée de l’éclipse totale. Afin de profiter au maximum de cet événement unique, surveillez les annonces d’organismes comme l’Espace pour la Vie, d’institutions comme l’Université de Montréal, ou de vos clubs locaux d’astronomie. Ces organisations diffuseront de l’information, peuvent fournir les lunettes/filtres de protection et, surtout, vous permettront de mieux apprivoiser le phénomène.

C’est un rendez-vous dans un an ! Mais en attendant, petits et grands, dès à présent, protégeons nos yeux adéquatement.

Un texte de Langis Michaud, Professeur Titulaire. École d’optométrie. Expertise en santé oculaire et usage des lentilles cornéennes spécialisées, Université de Montréal

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

La Conversation

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