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F1: les hôtels en mode prévention pour contrer l’exploitation sexuelle

Chaque année, la rue Crescent se remplit de Montréalais et de touristes à l'occasion du Grand Prix de Formule 1 du Canada. Photo: Pablo Ortiz, Archives Métro

Des employés des secteurs de l’hôtellerie et du tourisme sont sensibilisés à l’exploitation sexuelle par le biais de formations qui leur apprennent notamment à reconnaître les signaux d’alerte laissant entrevoir de potentielles situations de trafic humain. Si les formations sont d’abord données dans le cadre du Grand Prix de Formule 1, l’objectif est qu’elles soient offertes à l’année. 

Bien que le Grand Prix de Montréal soit surtout perçu comme un événement festif et glamour, il est aussi un «pôle d’attraction du trafic humain au Canada», selon un avis du Conseil des Montréalaises au sujet de la traite des femmes à des fins d’exploitation sexuelle pendant le Grand Prix publié en 2021. «Afin de répondre à la demande des clients, les proxénètes profitent de l’événement pour leurrer des filles et des femmes dans l’industrie du sexe, puis continuent de sévir tout au long de la saison estivale», rappelle l’organisatrice communautaire à la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES), Jennie-Laure Sully. 

Étant donné que cette problématique peut se produire dans tous les types d’établissements d’hébergement touristique, la formation appelée «Agir sans nuire» est offerte gratuitement aux hôteliers afin de les outiller dans leur rôle de prévention et d’intervention.

«On a aussi fait une séance de formation avec le SPVM où ils sont venus parler aux hôteliers de ce qu’il faut faire lorsqu’on est confronté à l’exploitation sexuelle, c’est quoi les signes pour pouvoir mieux comprendre les personnes qui en sont victimes, comment agir et comment détecter ça. Les hôteliers ont aussi parlé entre eux d’expériences qu’ils ont eues par le passé», explique le président-directeur général de l’Association hôtelière du Grand Montréal (AHGM), Jean-Sébastien Boudreault.

S’il est impossible de savoir combien de personnes ont reçu la formation à ce jour, M. Boudreault assure qu’il y a un réel engouement. «C’est quelque chose que les hôteliers prennent très à cœur», dit-il. 

D’ailleurs, des employés d’hôtels montréalais ont déjà décidé de «barrer» des clients qu’ils soupçonnaient d’être impliqués dans des activités d’exploitation sexuelle. «Ils les soupçonnaient avec de forts doutes d’utiliser les chambres d’hôtel pour faire de l’exploitation sexuelle et ils ont barré les gens, explique Jean-Sébastien Boudreault. L’hôtel demeure un endroit privé. Les hôteliers ont le droit de refuser l’accès à des gens et ils l’ont fait par le passé».

De leur côté, les policiers ont besoin d’un mandat de perquisition pour entrer dans un lieu privé, que ce soit un domicile, un logement ou une chambre d’hôtel. «Seuls des motifs raisonnables de croire qu’une infraction est en cours et qu’il est urgent d’intervenir, principalement en raison d’un danger pour la sécurité ou la vie d’une personne, peuvent amener les policières et les policiers à entrer dans un lieu privé sans l’obtention préalable d’un mandat», précise toutefois le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Toute l’industrie hôtelière et touristique prend ça très au sérieux!

Jean-Sébastien Boudreault, PDG de l’Association hôtelière du Grand Montréal

Être à l’affût

Une autre formation ayant également pour objectif de sensibiliser les employés du secteur touristique a été créée par la CLES à la demande de Tourisme Montréal. «On trouve ça vraiment positif que c’est Tourisme Montréal qui nous ait approchées, ça démontre qu’il y a une conscience et une responsabilité sociale», se réjouit Jennie-Laure Sully. 

Divisée en deux volets, en ligne et en présentiel, la formation de la CLES aborde la réalité du phénomène de l’exploitation sexuelle et répond aux questions «pratico-pratiques» des participants sur la manière d’agir. Par exemple, l’organisme propose aux employés d’établir un protocole clair d’intervention après en avoir discuté entre collègues.

Alors que plusieurs femmes qui fréquentent l’organisme la CLES témoignent avoir l’impression que «tout le monde se ferme les yeux» sur le fléau de l’exploitation sexuelle, la formation apprend surtout aux participants à «être à l’affût», précise Jennie-Laure Sully.

«Donc la formation, c’est juste de dire qu’il faut être observateur et qu’il faut se sentir concerné parce qu’on a la responsabilité, en tant que citoyen, de porter assistance à toute personne en danger. Ça, c’est un devoir citoyen, qu’on soit dans le secteur touristique ou non», explique-t-elle.

La formation explique également aux participants ce qu’ils ne doivent pas faire. «Il ne faut pas aller dans un excès où tout d’un coup les employés se sentent comme des enquêteurs ou des policiers», ajoute Mme Sully. 

L’importance d’agir à longueur d’année

Si les formations en présentiel ont été données avant le début du Grand Prix, les capsules de sensibilisation et de formation contre l’exploitation sexuelle commandées par Tourisme Montréal et offertes par la CLES seront disponibles sur le site web de la CLES à longueur d’année.

«Il est important de souligner que l’exploitation sexuelle est un problème plus large qui existe en dehors du Grand Prix. Il est donc nécessaire de prendre des mesures à long terme pour lutter contre cet enjeu», explique la porte-parole de Tourisme Montréal, Aurélie de Blois.

Même son de cloche de la part de l’ensemble des intervenants consultés. «L’exploitation sexuelle, c’est grave, mais c’est surtout présent à l’année. Il faut s’y intéresser à l’année et pas seulement pendant le Grand Prix», fait valoir Jean-Sébastien Boudreault. Plus que tout, il veut faire comprendre aux victimes qu’elles n’ont pas à avoir peur d’être traduites en justice. 

«Il faut faire savoir aux femmes et aux filles exploitées sexuellement que ce ne sont pas elles, mais les clients qui commettent un crime», pense aussi la directrice des communications du Y des femmes de Montréal, Isabelle Gélinas.

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