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Violences et diffamation: propriétaires et locataires devant la justice

Lors de la manifestation, une trentaine de personnes étaient présentes. Photo: Gracieuseté, Slam.

Une bataille judiciaire oppose présentement une famille de propriétaires à une coalition de locataires soutenue par le Comité logement du Plateau-Mont-Royal (CLPMR) et le Syndicat des locataires autonomes de Montréal (Slam). Les détails de cette histoire complexe comprennent notamment des accusations mutuelles de violence, d’intimidation et de comportements répréhensibles.

Selon le rapport d’activités 2018-2019 du Comité logement une famille de propriétaires montréalais opérant sous les entreprises Topo Immobilier et Immopolis, possède au moins 130 appartements à Montréal, notamment dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal

Le comité accuse la famille d’avoir mené «une grande campagne d’éviction» ciblant spécifiquement les locataires de longue date payant des loyers inférieurs à la moyenne du marché. Les tactiques alléguées incluraient l’intimidation, le harcèlement et l’utilisation abusive du système juridique pour forcer l’éviction des locataires.

Les tensions entre les deux parties se sont exacerbées au fil des ans, culminant en plusieurs manifestations publiques. La première a eu lieu le 22 janvier 2019, lorsque des locataires de différents comités de logement ont occupé le bureau de location [des propriétaires]. La démonstration visait, selon le CLPMR, à «dénoncer [leurs] pratiques douteuses». Elle a duré près d’une heure et a attiré une couverture médiatique importante.

La situation a atteint un nouveau niveau d’intensité le 17 mars dernier, lors d’une nouvelle démonstration devant le bureau des locateurs. Selon le témoignage sous serment d’Annie Legault, salariée du CLPMR, un groupe composé de sept locataire et de sept membres du Syndicat de locataires autonomes de Montréal se sont présentés au bureau pour livrer une pétition.

Ce document demandait notamment l’installation de caméras de surveillance devant l’entrée des logements, l’établissement d’une ligne téléphonique d’urgence avec les propriétaires et la «fin de l’augmentation arbitraire des loyers» en cas de non-rénovation majeure.

La manifestation du 17 mars 2023 Photo: Gracieuseté, Slam

Accusations mutuelles de violence

Le jour de la manifestation du 17 mars 2023, Mme Legault, présente à l’événement, a décrit une situation volatile et tendue. Dans une déclaration sous serment, elle a affirmé avoir un entendu «un vacarme derrière la porte d’entrée» donnant «l’impression qu’un conflit physique s’est produit» entre les locataires-manifestants et le propriétaire, Ian C.*.

«J’ai vu le demandeur [Ian] qui est devenu agité et qui a saisi le défendeur Samuel H.* par la gorge, alors que la demanderesse Marthe F.* a tiré ses cheveux», a déclaré la membre du CLPMR. Elle a ajouté que le propriétaire aurait crié en direction d’une personne derrière lui: «Va chercher les couteaux! Va chercher les couteaux et le fusil!», une allégation que la défense conteste.

L’avocat de la famille de propriétaires, Stephen Angers, livre une version très différente des événements, lors d’une entrevue avec Métro.

Décrivant ses clients comme les véritables victimes de l’incident, il rappelle que «trois décisions de la Cour supérieure concluent que les manifestants se sont adonnés à des activités violentes. […] Mon client a subi des blessures importantes au dos, pour lesquelles il suit encore des traîtements, des ecchymoses au visage, des blessures au cou et au dos», énumère-t-il.

Selon Me Angers, les manifestants ont utilisé un «subterfuge» pour pénétrer dans le bureau et ont ensuite eu recours à la force. Il a insisté sur le fait que son client a été agressé et a subi des blessures significatives lors de l’altercation. Me Angers a également indiqué que des accusations ont été déposées contre deux des manifestants, Samuel et Raph*, pour avoir forcé l’entrée dans le bureau.

Des limites à la liberté d’expression

À la suite de ces incidents, une injonction a été émise contre les manifestants, les empêchant de se présenter au bureau des propriétaires. La situation est maintenant devant les tribunaux, avec une myriade d’allégations et de contre-allégations. Les locataires ont également l’interdiction de s’exprimer sur les réseaux sociaux au sujet des propriétaires.

La question de la liberté d’expression, de ses limites et de son interaction avec le droit de propriété privée sont des enjeux centraux du débat dans cette affaire. «Ce n’est pas une liberté d’expression totale, ils ne peuvent pas diffamer et inciter à la violence», insiste Me Stephen Angers, soulignant la nécessité d’un équilibre entre les droits des individus et les responsabilités collectives.

Me Angers souligne également la portée de l’injonction en cours, indiquant qu’elle ne restreint pas les droits des manifestants à la liberté d’expression dans l’espace public, mais plutôt à l’approche du bureau d’Impolis. «Actuellement, il n’y a pas d’ordonnance contre nous», a-t-il précisé.

Malgré l’intensité de la situation, les deux parties restent inflexibles dans leur position respective. Le Comité logement du Plateau Mont-Royal a maintenu son soutien aux locataires et s’est engagé à poursuivre la lutte. Selon Vicky Langevin, une organisatrice communautaire qui a contribué au rapport d’activités 2018-2019 du CLPMR, «l’action collective est cruciale pour équilibrer les rapports de force entre les locataires et les propriétaires».

Le rapport du CLPMR dénonce une tendance par laquelle la famille pousse propriétaires seraient les locataires à quitter, effectueraient des rénovations esthétiques mineures et doubleraient ensuite les loyers.

Sur le site CanLII, les propriétaires et leurs entreprises liées apparaissent à 490 reprises pour des affaires liées à l’expulsion de locataires, sur un total de 711 passages au Tribunal administratif du logement. Leur avocat affirme que «les procédures sont [toujours] en cours. Nous allons les respecter.»

*Les noms ont été modifiés pour protéger l’anonymat.

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