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Le cinéma Beaubien s’ouvre aux sourds et malentendants

Photo: Stéphanie Maunay/TC Media

Le cinéma Beaubien vient d’investir plusieurs milliers de dollars pour acquérir une technologie permettant aux personnes sourdes et malentendantes de lire les sous-titres d’un film sur un capteur individuel. Un premier pas pour rendre la culture universellement accessible.

Sur les 250 000 spectateurs qui poussent chaque année les portes du cinéma Beaubien, une minorité est sourde et malentendante.

«Nous n’avions pas vraiment de demandes particulières, mais quelques occasionnelles parfois, explique le directeur du cinéma Beaubien, Mario Fortin. Depuis que le système est installé, nous avons rarement eu besoin de plus de cinq capteurs par représentation.»

Cependant, cela faisait plusieurs années qu’il voulait installer cette nouvelle technologie. «Je vais régulièrement en France où cela est répandu depuis quelque temps, explique-t-il. Lorsque le film La Famille Bélier* est sorti en janvier dernier, je me suis que c’était l’occasion d’acheter l’équipement et de le tester.»

capteur cinéma Beaubien

Le cinéma a fait l’acquisition de 20 appareils Captiviews, un système développé en 2013 par la compagnie Doremi Labs. Un investissement que la direction estime entre 5 000 et 10 000$ pour le moment.

Chaque petit écran individuel se fixe au porte-gobelet du siège et s’ajuste à la hauteur des yeux pour une meilleure lecture. Le spectateur peut alors suivre les dialogues qui s’affichent ainsi que plusieurs notifications, comme la musique et d’autres bruits. Le système reproduit en fait celui déjà présent à la télévision.

Aller plus loin
Pour le moment, les spectateurs ont pu tester le système sur un seul long-métrage. Mais, pour certains, cela représente déjà une grande avancée.

«C’est parfait. Cela fait longtemps que l’on attend cela. Dans le film, on ne sait pas que les personnages chantent. On le voit, c’est tout. Avec le capteur, on peut lire la chanson et comprendre davantage l’histoire», expliquent Henriette et Gilles, un couple de personnes sourdes, venues spécialement pour expérimenter la nouvelle technologie.

Toutes les productions ne présentent pas d’encodage spécifique. Il faut qu’il soit intégré par le distributeur.

«Maintenant que nous savons que cela fonctionne, nous avons lancé la commande pour d’autres films», confie M. Fortin.

Le cinéma Beaubien n’est pas le seul à proposer ce système, à Montréal. C’est également le cas de Cinéplex. Cependant, cela reste encore assez confidentiel.

«Il y a des choses qui existent en Amérique du Nord, mais ce n’est pas publicisé. À partir du moment où l’on sait que c’est possible et facile, cela va se multiplier et dans cinq ans, cela sera partout», pense le directeur.

Un souhait formulé par les personnes sourdes et malentendantes qui se voient souvent fermer les portes de la culture, faute d’aménagements adaptés.

«Personnellement, je ne vais jamais au cinéma. Mais, j’aimerais pouvoir profiter d’une séance avec mon amoureux. Il faudrait une loi. Cela doit être installé partout pour l’accessibilité à la culture», laisse savoir Josée Giroux, coordonnatrice à la Maison des sourds de Montréal.

Pour sa part, M. Fortin a préféré prendre les devants avant que «l’État ne lui dicte» la marche à suivre et pense à installer le système également au cinéma du Parc.

Martin Léveillé, interprète en langue des signes québécoise, pense qu’il faut aller encore plus loin. «Les sous-titres ne sont pas suffisants. Car pour les sourds, leur langue, c’est la langue des signes, pas le français», conclut-il.

sourds cinéma beaubien

Une séance spéciale avec la Maison des sourds de Montréal
Récemment, une dizaine de personnes sourdes et malentendantes ont visionné le film «La Famille Bélier» et tester les nouveaux capteurs de lecture, lors d’une séance spéciale, initiée par Éric Fortin, organisateur communautaire au Centre local de services communautaires de La Petite-Patrie.

«L’idée m’est venue après avoir vu le film, suite à une animation à la Maison des sourds. Je souhaitais offrir la possibilité à un groupe de sourds et malentendants de visionner un film dans lequel ils pourraient se retrouver et vivre ensemble de grandes émotions.»

Le cinéma Beaubien a ouvert ses portes et deux interprètes en langue des signes québécoise ont également accompagné le groupe.

«C’était vraiment complet, estime Josée Giroux, coordonnatrice à la Maison des sourds de Montréal. On pouvait passer des sous-titres aux interprètes et ne rien manquer.»

L’exercice n’a pas été simple pour les deux interprètes présents qui ont eu peu de temps pour se préparer. «On ne peut pas faire du mot à mot. On reproduit le sens de la parole, le message. Le plus dur reste les chansons. Il faut montrer ce qu’elles veulent dire», explique Martin Léveillé.

Pour sa consœur, Geneviève Veilleux, il s’agissait d’une première. «Il faut s’organiser, car il y a beaucoup de dialogues, d’échanges. Il y a avait aussi des expressions très françaises qui étaient compliquées à traduire», soutient-elle.

Le groupe de spectateurs a été unanimement conquis par l’expérience.

*La Famille Bélier est un film français du réalisateur Éric Latour qui raconte l’histoire d’une famille dont les parents et le jeune fils sont sourds. Seule l’aînée entend et souhaite faire une carrière dans la chanson. Le film intègre les sous-titres et la langue des signes.

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