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#MoiAussi: hausse des dénonciations par des enfants

MONTRÉAL — Ils sont nombreux à avoir brisé le silence cet automne, sans pour autant faire de bruit.

Pendant que le mouvement #MoiAussi battait son plein sur les réseaux sociaux, une myriade d’enfants ont trouvé le courage de dénoncer leur agresseur.

Une vague de dénonciations qui n’a pas été faite sur la place publique — comme pour le mouvement qui a touché les femmes — mais qui serait tout aussi monumentale.

À la Fondation Marie-Vincent, le seul centre au Québec qui offre des services spécialement conçus pour les enfants et les adolescents victimes de violence sexuelle, la ligne téléphonique n’a pas dérougi de l’automne.

L’organisme affirme que les demandes pour des services destinés à des enfants ou des adolescents victimes de violence sexuelle ont doublé, sans toutefois pouvoir fournir de chiffres précis. Ces demandes sont effectuées par la police ou par le directeur de la protection de la jeunesse (DPJ) lorsqu’ils sont confrontés à un cas d’abus sexuel.

Dans toute l’année 2016-2017, 270 enfants ont été rencontrés à la Fondation Marie-Vincent dans le cadre d’une investigation policière, d’un examen médical ou de services psychosociaux.

Et c’est sans compter la ligne info-conseil de l’organisme — qui s’adresse aux intervenants qui travaillent auprès de jeunes victimes — qui a été beaucoup plus achalandée qu’à l’habitude.

Annie Fournier, directrice des services professionnels à la Fondation Marie-Vincent, est persuadée que les femmes ont agi en véritables modèles pour les plus jeunes.

En prenant la parole haut et fort et en faisant vivre l’enjeu dans les médias, elles ont brisé un tabou et fait jaillir des confidences.

Que ce soit sur la place publique ou autour de la table à manger, «les femmes ont fait en sorte qu’on parle du sujet des agressions sexuelles», soutient Mme Fournier.

Tranquillement, des barrières sont tombées et des jeunes victimes ont réussi à trouver la bonne oreille pour se confier.

Rencontrer un extraterrestre

Un mouvement qui n’a pas été mené tambour battant, mais qui s’est plutôt déroulé dans la discrétion. Parce que briser le silence pour un enfant est un mur encore plus haut à gravir que pour un adulte.

«Pour les jeunes, l’obstacle est beaucoup plus grand par manque de connaissances, par manque de vocabulaire et par manque de compréhension du phénomène», mentionne Mme Fournier.

Par exemple, lors d’une agression orale génitale, plus souvent qu’autrement, l’enfant ne s’imagine même pas qu’un adulte sait que ça existe, il ne sait pas comment décrire ce qui vient de lui arriver et il est persuadé que personne ne le croira.

Le doute, la gêne et le silence s’emparent alors de la jeune victime.

Pour permettre aux adultes de comprendre le défi qui attend un enfant, Annie Fournier fait une analogie avec une situation où un adulte croiserait un extraterrestre, ne ressemblant à rien de ce qu’il connaît.

«C’est pas clair que vous allez aller voir quelqu’un et lui dire: « je viens de voir un extraterrestre ». Vous allez y réfléchir comme il faut parce que vous ne savez pas comment expliquer ce qui vient de vous arriver et vous pensez que personne ne vous croira, qu’on vous traitera de folle.»

Un enfant réagit exactement de la même façon. «Ils ont peur de la réaction des gens, de ne pas être crû, de ne pas être entendu et ils ne comprennent pas ce qu’ils viennent de vivre», explique Mme Fournier.

Sans oublier que dans environ 95 pour cent des cas, l’enfant connaît son agresseur. «Ça peut être quelqu’un en qui l’enfant a confiance, quelqu’un qu’il apprécie, avec lequel il a un lien affectif», souligne-t-elle.

Plus de services dans la province

Bien que le mouvement de dénonciation des violences sexuelles commises sur des enfants est passé sous le radar des médias, le gouvernement n’a pas manqué d’inclure ce volet dans les fonds d’urgence débloqués à l’automne pour permettre aux organismes d’aide de répondre à la demande.

Annie Fournier ne manque toutefois pas de rappeler que le nerf de la guerre est toujours le financement pour ce type d’organisme. Des enfants ont déjà dû attendre quelques mois avant de pouvoir être suivis en thérapie. «Dans la vie d’un enfant, un an, c’est énorme», laisse-t-elle tomber.

Pour l’instant, la Fondation Marie-Vincent est le seul centre d’appui aux enfants (child advocacy centre) présent dans le paysage québécois. Il existe toutefois une vingtaine de centres du genre dans le reste du Canada.

La Fondation, qui dessert les régions de Montréal, Laval et de la Montérégie, espère ouvrir un nouveau centre prochainement dans la ville de Québec et éventuellement d’autres antennes ailleurs dans la province.

Tous les services offerts aux enfants et aux adolescents victimes de violence sexuelle y sont réunis sous un même toit. Dès le moment où une situation est dévoilée, l’enfant rencontre des représentants de la DPJ et des forces de l’ordre dans des salles d’entrevue spécialement adaptées.

Sur place, des intervenants prennent en charge l’enfant et ses parents. Des salles sont aménagées pour permettre la tenue d’examens médicaux grâce à la présence de médecins de l’hôpital Sainte-Justine et de l’hôpital de Montréal pour enfants. Un suivi est ensuite effectué par une équipe de psychologues et de sexologues.

Avant toute chose, Annie Fournier se dit toutefois persuadée que des efforts supplémentaires doivent être alloués à la prévention. En ce moment, une fille sur cinq et un garçon sur dix rapportent avoir été victimes de violence sexuelle avant l’âge de 18 ans.

«On croit beaucoup à l’éducation à la sexualité et à l’éducation aux relations saines et égalitaires, insiste-t-elle. On a la responsabilité de travailler en amont, comme société.»

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