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Violences conjugales: Québec va (enfin) impliquer les employeurs

une femme regarde son téléphone et pleure
Avec cette loi, l'employeur aurait alors l’obligation d’intervenir s’il sait ou soupçonne que son employée est victime de violence de la part de son conjoint. Photo: 123rf

En matière de violences conjugales, Québec s’apprête à impliquer les employeurs. Toutefois, le gouvernement est en retard de plusieurs années sur les autres provinces canadiennes. Explications. 

Le 27 octobre dernier, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, a annoncé un projet de loi pour moderniser le régime de la Santé et sécurité au travail (LSST). Celui-ci reconnaît une obligation de protéger la travailleuse victime de violence conjugale sur les lieux du travail.

Si le projet de loi était adopté, l’employeur deviendrait un nouvel allié pour la femme victime de violences conjugales. 

En effet, il aurait alors l’obligation d’intervenir s’il sait ou soupçonne que son employée est victime de violence de la part de son conjoint. 

«Souvent, les violences conjugales suivent les femmes sur leurs lieux de travail, explique à Métro Me Rachel Cox, professeure au Département de sciences juridiques de l’UQAM. Sous la forme de courriels et de harcèlement. Ou même de comportements inappropriés de la part du conjoint envers des collègues ou le supérieur. 

«Si les dispositions actuelles du projet de loi demeurent, l’employeur qui n’agit pas, face aux violences conjugales dont est victime son employée, encourt des pénalités. Celles-ci vont de l’avis de correction à l’infraction pénale.» – Me Rachel Cox 

Mais attention aux dérives

Selon la juriste, cette loi pourrait donc permettre à l’ensemble de la société de mettre fin à la violence conjugale, et de dépasser la notion que celle-ci est «une affaire privée». 

Il faudra toutefois garder à l’œil certaines notifications spécifiques, notamment en ce qui a trait au télétravail. Dans l’entente modèle actuelle, l’employée en télétravail a l’obligation spécifique d’indiquer à son employeur si elle est victime de violences conjugales. 

«Ça peut être dangereux car ça ouvre la porte à ce que les employeurs posent la question à toutes les travailleuses. On ne veut pas de situations où les employeurs pourraient intervenir de façon inappropriée dans la vie privée», explique à Métro Me Cox. 

Le Québec est à la traîne

Si cette annonce constitue une bonne nouvelle, notons que cette obligation de l’employeur est en vigueur depuis 2009 en Ontario. Mais aussi depuis plusieurs années dans la majorité des provinces canadiennes. Et ce, de l’Alberta (2017), en passant par la Colombie-Britannique (2012), le Manitoba (2011) ou encore le Nouveau-Brunswick (2018). 

Alors comment expliquer que le Québec, juridiction d’ordinaire réputée féministe, soit si à la traîne dans un tel dossier? 

Pour Me Cox, les énormes difficultés de la province à moderniser l’ensemble de son régime de la Santé et sécurité au travail pourraient en être la cause. 

«C’est un pas dans la bonne direction mais c’est un pas de rattrapage. Le Québec corrige la situation.» – Me Rachel Cox de l’UQAM 

Depuis près de deux ans, la juriste fait partie d’une équipe de recherche partenariale de l’UQAM, incluant des organismes sur la Côte-Nord. Tous travaillent auprès du gouvernement pour sensibiliser les élus à la problématique de la violence conjugale en milieu de travail.

«Pour la victime, le lieu de travail peut être très difficile à fuir», explique Me Cox. De plus, il est souvent facile pour l’agresseur de localiser sa victime à son travail, déplore-t-elle. 

De son opinion, il est donc urgent que le Québec se mette au pas. 

Et ce, alors que les dispositions réglementaires du Code canadien du travail (de juridiction fédérale) sur la violence et le harcèlement, qui entreront en vigueur le 1er janvier 2021, incluent la violence conjugale. 

Notons qu’au Canada, les pertes économiques subies par des employeurs en raison des manifestations de la violence conjugale au travail se chiffrent à 77,9 millions $ par année.

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