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Critique des critiques du Bye Bye

Photo: Jonathan Laflèche/Radio-Canada

Serait-ce parce qu’il est diffusé à l’antenne de la télévision nationale que chaque Québécois a l’impression d’avoir son mot à dire sur le Bye Bye? Est-ce parce qu’elle est payée «avec ses taxes» que cette revue de l’année qu’il considère lui appartenir et qu’elle devrait refléter sa vision de l’année qui vient de filer? Quoiqu’il en soit, au Québec, chiâler contre la revue de fin d’année est devenu un sport national. L’observation de ce phénomène m’a emmenée à dégager quelques stéréotypes de «critiques du Bye Bye». Les voici pour votre bon plaisir.

Le critique nostalgique
Rien n’accotera jamais la belle époque des Bye Bye de Jean Bissonnette pour le critique nostalgique. Il s’ennuie d’une époque qu’il n’a jamais vraiment connue et croit se souvenir de tous les Bye Bye comme s’ils avaient été diffusés hier, et comme s’il n’avait pas été complètement saoul pour apprécier le spectacle lors de leur diffusion. Pour lui, rien n’est aussi drôle qu’un Patrice L’Écuyer imitant Dodo avec des petites petites jambes, ou qu’un Olivier Guimond en soldat saoul, déboulant les escaliers d’un riche de Westmount, encore et encore, dans la plus pure tradition du burlesque, pour rappeler la loi sur les mesures de guerre de 1970. Ah, ça, c’était drôle! De tous les Bye Bye, le critique nostalgique préfère certainement la mémorable cuvée 2009, et sans égard à ce que sont devenus ses membres, le critique nostalgique ne voit pas qui d’autre que RBO pourrait faire le Bye Bye l’an prochain.

Le critique égocentrique
Le critique égocentrique n’en aura jamais assez de son sujet à lui qu’il aime dans le Bye Bye. Il reprochera au Bye Bye d’avoir fait abstraction de sujets importants (mais vraiment pas drôles), comme le Nobel remporté par Alice Munro, le décès de Frédéric Back ou les non-conséquences d’Idle no more.

Dans cette catégorie, nous retrouvons bien sûr le critique égocentrique fan de politique. Bien qu’année après année, on reproche au Bye Bye d’être «trop politique», d’autant plus depuis qu’il survient après la revue de l’année de Jean-René Dufort, dont c’est le mandat d’être politique, le critique égocentrique, lui, trouvera sans aucun doute qu’on n’aura pas assez parlé de Mike Duffy, de Pamela Wallin ou de Nigel Wright, nonobstant le fait que la plupart des Québécois se contrecrissent bien d’eux.

Le critique égocentrique est à ne pas confondre avec le critique égomaniaque, qui, lui, est tout simplement déçu que sa personne n’ait pas été digne de faire l’objet d’un sketch au Bye Bye.

Le critique télédétesteur
Le critique télédétesteur déteste la télé et oublie qu’il s’adonne à un exercice d’appréciation d’un art qu’il déteste. Évidemment, le télédétesteur déteste le fait que le Bye Bye contienne trop de références à la télévision. Il considère que le peuple québécois ne devrait pas être réduit à son petit écran, balayant au passage le fait que le peuple québécois, en réalité, s’est énormément construit à travers ce dernier, qu’il constitue un pilier de sa culture et qu’il est une partie constituante de son identité. Quel autre peuple, dites-moi, s’installe devant le téléviseur en aussi grande proportion pour fracasser l’année? Quel peuple accorde une telle importance à la revue télévisuelle qu’une blague maladroite requiert une conférence de presse?

Le critique télédétesteur trahit, ce faisant, le fait qu’il s’aventure sur un terrain qu’il ne maîtrise pas suffisamment pour le comprendre. Ce qu’il ne comprend pas, notamment, est qu’il est beaucoup plus difficile de faire une revue annuelle de la télévision à l’époque du morcellement des médias que dans les années 80-90, où il suffisait d’imiter les Filles de Caleb ou Lance et compte, qui attiraient des cotes d’écoutes inimaginables à notre époque, pour que tout le monde soit satisfait. Aujourd’hui, si tu fais une parodie de La Voix (La Woua), t’as pas le choix de te moquer du Choc des générations, sinon, les critiques théoriciens du complot (un stéréotype de critique auquel nous ne nous attarderons pas) t’accuseront de t’attaquer seulement à tes compétiteurs, reproche que l’on formulera malgré toutes ces précautions aux créateurs du Bye Bye.

Le critique télédétesteur s’inscrit dans la lignée plus large des pourfendeurs de la culture populaire. Pour eux, il serait honteux d’admettre que des vulgarités telles que Miley Cyrus, Robin Thicke ou Marie-Mai disent quoique ce soit sur l’époque dans laquelle on vit. Ce sont en partie ceux-là qui regrettent qu’on n’ait pas plus parlé d’Alice Munro dans leur Bye Bye. Ils oublient que la culture populaire fait, elle aussi, partie de la culture générale.

Le critique-qui-aurait-fait-mieux
Donnez-lui le tiers du quart du budget et le critique-qui-aurait-fait-mieux aurait mieux fait à l’aide de son iPhone et de quelques gags salaces, faisant fi du fait que le Bye Bye s’adresse à 4 millions de téléspectateurs qui n’en ont rien à cirer de ses blagues autoréférentielles qu’un cercle restreint d’individus peut comprendre.

Le critique expert
Le critique expert est tellement sûr de son jugement personnel qu’il ne considère jamais la nécessité d’étayer son appréciation d’arguments. Il sépare sans appel les sketchs du Bye Bye en «bons» et en «pas bons» sans jamais dire pourquoi: son expertise suffit à guider le lecteur quant à ce qu’il doit ou ne doit pas apprécier. Qu’importe qu’une majorité de twitteurs aient considéré brillante la prestation d’Antoine Bertrand en Miley Cyrus, lui, il n’a PAS aimé ça. Fort de ses connaissances d’expert, il en profite pour souligner les maillons faibles auxquels on pourrait s’attendre lorsqu’on a suivi le processus de création du Bye Bye. Le producteur l’avait mis en garde que le recours à des humoristes avaient créé quelques enjeux de cohésion. Le critique expert se sera fait un plaisir de s’en rendre compte et d’en faire part à ses lecteurs.

Le critique offensé
Le critique offensé s’offusquera que le Bye Bye ait osé faire une blague de mauvais goût selon sa propre échelle des valeurs, ou s’offusquera qu’on ait ri de lui ou de quelqu’un qu’il aime. Qu’il ait raison ou non de s’offusquer, le critique offensé est à l’origine d’un autre type de critique: le critique qui trouve que ça «manquait de mordant».

Le critique d’opinion
Le critique d’opinion n’est pas véritablement un critique du Bye Bye. C’est un chroniqueur d’opinion payé pour avoir une opinion par jour, tous les jours durant l’année. Le 1er janvier, il trouvera vraisemblablement quelque chose à dire sur le Bye Bye, puisqu’il le faut. On a beaucoup de compassion pour ce dernier.

Le critique honnête
Rare, quasi-inexistant, le critique honnête arrive à mettre ses a priori de côté et considère même qu’il soit possible d’apprécier des blagues qu’il n’a pas aimées. Son appréciation personnelle est presque imperceptible, ce qui rend malheureusement le critique honnête pas aussi intéressant que le critique acerbe ou le critique virulent.

Le critique des critiques
Le critique des critiques du Bye Bye s’empressera de dire que «tout le monde a une opinion sur le Bye Bye» et qu’il est devenu un sport national de chiâler contre cette revue de fin d’année. Ce critique commencera par dire qu’il ne vous dira pas, lui, ce qu’il en a pensé, mais vous finirez par le savoir, que vous l’ayez voulu ou non.

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