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Loi 3: dissensions autour des déficits passés

Photo: Francis Vachon/La Presse Canadienne

QUÉBEC – Le partage de la facture des déficits passés risque de mettre en péril toute possibilité d’entente avec les syndicats à propos du projet de loi 3 sur les régimes de retraite des employés municipaux.

Le ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau, a convenu vendredi, en point de presse, qu’il s’agissait là du point d’achoppement majeur entre le gouvernement et les leaders syndicaux.

«C’est là où la partie est plus difficile. Mais c’est pas parce que la partie est difficile qu’il faut arrêter de jouer», a illustré le ministre en début de journée, précisant qu’il s’agissait là d’une question «extrêmement difficile».

Les syndicats refusent mordicus qu’on force par voie législative les employés municipaux à acquitter la moitié de la facture des déficits passés, comme entend faire le gouvernement avec le projet de loi 3. L’autre moitié serait assumée par les municipalités, donc indirectement par les contribuables.

«Le partage 50-50 des déficits passés, c’est un élément auquel je tiens beaucoup», a confirmé M. Moreau, lors d’un deuxième point de presse, en se disant du bout des lèvres prêt à discuter de «modalités», surtout qu’il a senti une porte s’entrouvrir du côté syndical.

«L’idée chemine» chez certains leaders syndicaux, selon lui.

Dans le camp syndical, on se dit ouvert en principe à discuter de la question, «à faire des efforts sur le passé», mais «ça va se faire par la voie de la négociation», a répliqué le président de la Coalition syndicale pour une libre négociation, Marc Ranger.

Québec estime à 3,9 milliards $ le total des déficits accumulés des régimes de retraite des employés municipaux, une situation qualifiée d’intolérable.

Mais la Coalition syndicale pour une libre négociation juge que ce chiffre est gonflé. Son président situe plutôt la somme totale des déficits passés à quelque 2,2 milliards $ et en conclut que les régimes sont en bien meilleure santé financière que ce que prétend le gouvernement. Il a promis de rendre publique la semaine prochaine une étude attestant ces chiffres.

La commission parlementaire qui étudie le projet de loi 3 a entamé vendredi sa troisième journée d’une consultation qui prendra fin mardi prochain.

Contrairement à la veille, le ministre Moreau a semblé vouloir donner du lest, adoptant un ton plus conciliant.

«L’exercice est payant», a-t-il dit à propos des trois premiers jours de consultation, et fier de constater «l’effet pédagogique énorme» de la commission parlementaire.

Le dernier intervenant était le maire de Rimouski, Éric Forest, qui a eu droit aux félicitations appuyées du ministre Moreau pour la façon dont il avait géré le dossier au cours des dernières années.

Contrairement à bien d’autres villes, Rimouski n’a pas attendu le projet de loi pour s’attaquer au problème du déficit du régime de retraite de ses employés. La ville a pris diverses mesures, dont la diminution du taux de rente, et s’est entendue avec trois de ses quatre syndicats pour remettre le régime à flot. Seuls les pompiers ont refusé de s’attaquer au déficit passé.

M. Forest s’est dit en accord avec les principes du projet de loi 3, tout en demandant au législateur de tenir compte des ententes déjà conclues dans les municipalités dont le régime affiche un taux de capitalisation minimal de 90 pour cent. À Rimouski, grâce aux mesures prises par les deux parties, ce taux est passé de 80 pour cent en 2010 à 92 pour cent en 2013.

Le ministre a noté que peu de villes pouvaient en dire autant et il a dit qu’il tiendrait compte des remarques du maire Forest, tout en réaffirmant l’importance de manifester la plus grande prudence en ce domaine.

«Un régime en santé est un régime capitalisé à 100 pour cent», a réaffirmé le ministre, persuadé que la loi devra assurer une bonne «marge de sécurité» financière aux régimes municipaux pour se prémunir contre d’éventuelles corrections boursières majeures.

Encore là, il reste à convaincre les leaders syndicaux. Contrairement à ce qu’affirme l’expert Alban D’Amours, dont le rapport a servi de brouillon au projet de loi, Marc Ranger a fait valoir qu’il n’y avait aucune nécessité pour les villes de viser à tout prix un taux de capitalisation de 100 pour cent.

Partant de là, «pourquoi ce bulldozer-là?», a-t-il demandé, faisant référence au projet de loi 3.

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