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Justice et fait divers: L'Isle-Verte, Magnotta et Lise Thibault

Pierre Saint-Arnaud - La Presse Canadienne

MONTRÉAL – L’année 2014 n’a pas fait exception en matière d’actualité policière et judiciaire d’importance.

Elle venait à peine de commencer que le Québec était de nouveau propulsé à l’avant-scène de l’actualité internationale en raison d’une tragédie aux proportions démesurées.

Après la catastrophe ferroviaire de 2013 à Lac-Mégantic qui avait fait 47 morts, les projecteurs se braquaient le 23 janvier, sur l’Isle-Verte dans le Bas-du-Fleuve, où un violent incendie à la Résidence du Havre, qui n’était pas équipée de gicleurs, allait coûter la vie à 32 personnes âgées.

L’enquête du coroner Cyrille Delage sur cette tragédie a permis de mettre en lumière, notamment, que les portes étaient verrouillées au moment du drame, empêchant à la fois les résidents de sortir et les pompiers d’entrer pour leur porter secours. L’événement a également mené le gouvernement provincial à réfléchir sur les normes de sécurité minimales à imposer aux opérateurs privés de résidences pour personnes âgées.

Dès le mois suivant, le 11 février, Trois-Rivières était secouée par l’assassinat brutal de deux soeurs âgées de 17 et 22 ans et l’ami de coeur de la plus jeune, lui aussi âgé de 17 ans. Le triple meurtre a été commis par un autre adolescent de 17 ans, jaloux, et son ami de 16 ans, qui a depuis plaidé coupable à trois accusations de meurtre prémédité ainsi qu’à trois accusations de complot pour meurtre. Les deux jeunes voulaient aussi abattre la mère des deux jeunes femmes, qui était absente. Le jeune de 17 ans subira son procès au printemps prochain. Les deux pourraient s’exposer à des peines pour adultes.

La capitale de la Mauricie allait de nouveau se trouver au coeur de l’actualité le 26 mai, lorsqu’une jeune femme, Valérie Poulin Collins, se présenta dans la chambre de Mélissa McMahon, déguisée en infirmière, pour lui enlever sa petite fille, Victoria, née moins de 24 heures plus tôt, sous prétexte d’aller la peser. Grâce à une alerte amber et à la vigilance d’internautes qui l’ont reconnue sur le réseau social Facebook, la jeune femme fut retrouvée trois heures plus tard. Valérie Poulin Collins devait être condamnée à deux ans moins un jour de prison après avoir plaidé coupable aux accusations d’enlèvement portées contre elle.

En juin, l’attention de tout le pays se tournait vers Moncton où un jeune forcené muni d’une arme semi-automatique, Justin Bourque, abattait de sang-froid trois agents de la GRC, Dave Ross, Fabrice Gevaudan et Douglas Larche et en blessait deux autres. La fusillade, survenue le 4 juin, avait été suivie d’une chasse à l’homme de 28 heures qui avait paralysé la ville de Moncton jusqu’à l’arrestation de Bourque, le 6 juin. Justin Bourque a par la suite été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 75 ans, le 31 octobre, soit la peine la plus sévère imposée au Canada depuis les dernières exécutions, en 1962.

Évasion héliportée

Le lendemain de l’arrestation de Bourque, soit le 7 juin, trois trafiquants de drogue réalisaient une spectaculaire évasion de la prison d’Orsainville en hélicoptère, d’autant plus étonnante qu’il s’agissait de la deuxième du genre et que l’on savait que les trois individus étaient à haut risque d’une tentative d’évasion.

Yves Denis, Denis Lefebvre et Serge Pomerleau devaient être retrouvés le 22 juin dans un condominium du Vieux-Montréal. Trouvés coupables de trafic de stupéfiants et condamnés à de lourdes peines variant de 16 à 22 ans de pénitencier, ils ont également plaidé coupable à l’accusation d’évasion pour laquelle ils ont écopé une année additionnelle. Ils sont toujours en attente de procès pour meurtre prémédité. Cette affaire allait placer la ministre de la Sécurité publique Lise Thériault dans l’embarras, elle qui n’avait pas été en mesure de donner les renseignements pertinents à la suite d’un cafouillage de communications à l’intérieur de son ministère.

Le mois suivant, en août, l’ex-chef de gang Ducarme Joseph, qui avait échappé de justesse à une tentative de meurtre en 2010 dans sa boutique du Vieux-Montréal, tentative qui avait tout de même fait deux morts et deux blessés, était retrouvé mort criblé de balles dans le quartier St-Michel de Montréal.

Justice: la non responsabilité criminelle en examen

Pendant ce temps, les palais de justice ne chômaient pas, avec plusieurs procès spectaculaires ou inhabituels, au premier chef celui de Luka Rocco Magnotta, qui a donné lieu à un complexe débat de psychiatres experts, la question centrale à trancher étant la responsabilité criminelle ou non du jeune homme en raison de son état mental. Magnotta, qui n’a jamais contesté avoir tué et démembré l’étudiant chinois Jun Lin, a finalement été trouvé coupable de meurtre avec préméditation après huit jours de délibérations du jury, et condamné sur le champ à la prison à vie.

Une autre cause célèbre impliquant la défense de non responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux, celle de l’ex-cardiologue Guy Turcotte qui a assassiné ses deux enfants Olivier 5 ans et Anne-Sophie 3 ans à coups de couteau en 2009, a également occupé beaucoup d’espace en 2014. L’homme, détenu depuis que la Cour d’appel avait ordonné un nouveau procès en 2013, a d’abord échoué en mars à faire renverser cette décision en Cour suprême. Il devait cependant réussir, en septembre, à obtenir une remise en liberté en attendant la tenue de son procès, décision que la Couronne a contesté sans succès dans une nouvelle procédure en Cour d’appel, qui a maintenu la libération de Turcotte en décembre.

Dépenses somptuaires… et illégales

Le championnat de la multiplication des procédures est toutefois revenu à l’ex-lieutenante-gouverneure Lise Thibault, qui a finalement plaidé coupable à des accusations de fraude et d’abus de confiance en décembre alors qu’elle revenait en cour pour une 75e fois, plus de cinq ans après le début des procédures. Son procès, qui avait repris en juillet, avait dû être interrompu en août puis à nouveau en septembre pour des raisons de santé. Même au début de son procès, elle avait à nouveau tenté d’invoquer l’immunité royale pour tenter de mettre un terme aux procédures, mais sans succès.

Un autre procès impliquant des dépenses somptuaires fut celui de l’ex-directeur général de la FTQ-Construction, Jocelyn Dupuis, trouvé coupable de fraude de plus 63 000 $ et de fabrication de faux. Ce dossier présente toutefois un curieux et inhabituel dilemme au juge Denis Lavergne, qui doit prononcer une sentence alors qu’il n’y a pas de victime aux crimes en question. Non seulement le syndicat n’a-t-il jamais porté plainte contre lui mais il l’a au contraire soutenu, affirmant que l’argent que Dupuis avait touché grâce à des faux reçus qu’il fabriquait lui-même et des comptes de dépenses illégalement gonflés était destiné à des activités syndicales, bien que Jocelyn Dupuis n’ait jamais été en mesure de le prouver.

Une cause aura aussi frappé l’imaginaire parce que les intimés, trois employés de la Montreal Maine and Atlantic Railway, dont le conducteur de train Thomas Harding, bénéficiaient d’une certaine sympathie même si on les a accusés, en mai, de négligence criminelle pour la mort des 47 résidants de Lac-Mégantic dans la catastrophe ferroviaire de juillet 2013. Le rapport du Bureau de la sécurité dans les transports, rendu public à la fin d’août, refusait d’ailleurs de les blâmer directement, pointant plutôt du doigt la culture déficiente de l’entreprise en matière de sécurité et le laxisme du gouvernement fédéral, un argument repris, sans succès jusqu’ici, par leurs avocats.

Canards et filature

Par ailleurs, tous auront suivi avec intérêt et des sentiments extrêmement partagés la cause d’Emma Czornobaj, condamnée à 90 jours de prison et à 10 ans d’interdiction de conduite de véhicule après avoir été trouvée coupable en juin de négligence criminelle et de conduite dangereuse ayant causé la mort. En 2010, la jeune femme dans la vingtaine avait causé la mort de deux motocyclistes en arrêtant sa voiture dans la voie de gauche de l’autoroute 30 à Candiac, en Montérégie, afin de porter secours à des canards.

Enfin, une cause fortement médiatisée ne se sera pas rendue devant les tribunaux en 2014 mais pourrait y arriver en 2015 après avoir dû être rouverte devant l’indignation publique, soit celle d’un policier qui a embouti une voiture et tué un enfant de 5 ans à Longueuil. Le policier roulait à plus de 120 kilomètres à l’heure dans une zone de 50 alors qu’il participait à la filature d’un homme politique qui ne présentait aucun danger immédiat. Cette affaire a forcé la ministre de la Justice. Stéphanie Vallée, à demander à son ministère de se pencher sur des directives claires pour baliser les révisions des décisions du Directeur des poursuites criminelles et pénales lorsque celui-ci décide de ne pas porter d’accusations.

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