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La mosquée de Shawinigan dans la tourmente

Stéphanie Marin - La Presse Canadienne

MONTRÉAL – Le projet de mosquée à Shawinigan a payé le prix des récents événements terroristes perpétrés par des gens qui se réclament de l’islam au Québec et un peu partout dans le monde, croit l’un des responsables du groupe à l’origine de l’initiative.

Cette semaine, le conseil municipal de Shawinigan a refusé de modifier le règlement de zonage pour permettre l’implantation d’une mosquée dans un secteur industriel de la ville.

Après avoir entamé sans heurts et sans opposition les démarches pour obtenir le droit d’avoir un lieu de culte dans ce quartier — et après avoir obtenu très récemment, en septembre, une modification au règlement de zonage pour installer une mosquée dans un autre secteur —, la situation a dramatiquement changé et le conseil municipal a finalement dit non au projet mardi soir.

Questionné sur les raisons entourant ce revirement soudain de situation, Philippe Bégin Garti, président du conseil d’administration du Centre culturel musulman de Shawinigan, le groupe à l’origine de la demande, a parlé des circonstances récentes qui n’étaient pas favorables à une mosquée, selon lui.

«Le « timing » avec Charlie Hebdo, la décision du conseil municipal de Montréal de ne pas autoriser le centre communautaire de l’imam Hamza Chaoui, par exemple», a-t-il déclaré. L’imam Chaoui a été qualifié d’«agent de radicalisation» par le maire de Montréal, Denis Coderre.

«Il y a un climat d’islamophobie qui existe au Québec», a déclaré M. Bégin Garti en entrevue.

Il assure que son groupe n’en veut pas au maire de de Shawinigan, Michel Angers, «qui a fait preuve d’ouverture», mais «qui a pris une mauvaise décision en cédant à la pression populiste», juge-t-il.

Il dit d’ailleurs comprendre la décision du conseil municipal. «Toute la pression du Québec est tombée sur eux, tout d’un coup», analyse-t-il.

M. Bégin Garti rapporte que lors de la séance du conseil municipal de mardi soir, une soixantaine de citoyens étaient présents, en grande partie en raison du projet de mosquée.

Quand le refus a été prononcé, «on entendait des gens crier « Yes, Yes! » dans la salle», a-t-il rapporté.

Après, plusieurs ont pris le micro et «tout est passé dans le tordeur».

«On ne veut pas de musulmans, on ne veut pas d’intégristes, on ne veut pas que nos enfants se fassent recruter, l’imam à Montréal, l’Afghanistan, l’islam est une religion violente, tout», a-t-il relaté.

«On était tristes et déçus», dit-il, affirmant par contre avoir le soutien de beaucoup de Shawiniganais.

«Nous aussi on est outrés de ce qui se fait au nom de notre religion dans le monde. Mais il y a des choses qui se passent en France qui sont importées ici sans être basées sur les faits», souligne-t-il.

Il dit sentir le climat de peur qui règne au Québec, mais «quand les gens nous connaissent personnellement, la plupart du temps, la peur se dissipe et ils se rendent comptent qu’on est comme tout le monde».

L’intention demeure ferme d’ouvrir une mosquée, malgré ce qui s’est passé. Les fidèles ont besoin d’un lieu pour se retrouver, sans devoir aller jusqu’à Trois-Rivières. La communauté musulmane de Shawinigan compte de 10 à 30 familles, selon lui.

Le président du groupe n’écarte pas une action en justice pour faire renverser la décision du conseil municipal. Car elle est illégale et discriminatoire puisqu’elle est contraire à la liberté de religion, dit-il.

Mais l’idéal serait d’en arriver à une solution à l’amiable, croit-il. Le groupe du centre culturel musulman se réunira en fin de semaine pour en discuter.

La Ville se défend d’avoir voulu brimer les droits de certains de ses citoyens. Elle souligne qu’au moins 60 zones permettent des activités religieuses à Shawinigan. La mosquée pourrait élire domicile dans l’une d’entre elles, ou encore louer le bâtiment ciblé à l’origine.

La municipalité de Shawinigan fait aussi valoir que le conseil consultatif en urbanisme, qui s’occupe notamment d’évaluer les demandes de modification au zonage, avait exprimé des réticences pour une raison toute autre que la religion. Il craignait des difficultés futures d’incompatibilité entre un lieu de culte et l’implantation possible de grosses usines dans le secteur.

Sur les ondes du FM 106,9 Mauricie, le maire Angers a déclaré avoir reçu des appels d’un peu partout au Québec lui demandant notamment de ne pas permettre l’ouverture d’une mosquée.

«Des demandes pressantes qui étaient presque toutes les fois guidées par la peur pour qu’on n’accorde pas ce zonage pour des activités religieuses, fort probablement parce que c’était une communauté musulmane», a-t-il déclaré.

Le maire a aussi interpellé le premier ministre Philippe Couillard et la ministre de l’Immigration Kathleen Weil pour qu’ils fassent le nécessaire pour assurer la paix sociale et faciliter le dialogue entre les communautés.

M. Angers était en déplacement à l’extérieur vendredi après-midi et n’était pas disponible pour une entrevue.

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