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Mères porteuses: des propositions qui règleraient 99% des cas

Les propositions formulées par le Comité consultatif sur le droit de la famille en matière de gestation pour autrui règleraient la plupart des cas qui relèvent du gros bon sens. Quand des adultes consentants s’entendent sur un projet parental impliquant une tierce personne également consentante, un juge ne devrait pas pouvoir s’interposer à ce que la filiation de l’enfant soit reconnue. L’intérêt de l’enfant est en jeu. Un contrat notarié clarifierait bien des affaires, comme dit l’annonce. Les solutions concernant le 1% des cas qui ne se passent pas comme prévu demeurent toutefois imparfaites. Mais peut-on vraiment résoudre parfaitement des situations impliquant des individus qui ne mériteraient pas leurs cartes d’humain si une telle chose existait?

Pour résumer la situation actuelle, un flou juridique règne présentement sur les projets parentaux concrétisés à l’aide d’une gestatrice. Le code criminel (fédéral) permet le recours à une gestatrice en autant que celle-ci ne soit pas rémunérée. Le code civil (provincial) refuse toutefois de reconnaître tout contrat qui lierait la gestatrice aux parents d’intention. En conséquences, les parents d’intentions peuvent renier leur engagement et laisser la mère porteuse avec un enfant sur les bras. La mère porteuse peut elle aussi refuser de remettre l’enfant aux parents d’intention, même si elle n’a aucun lien génétique avec ce dernier. Et même dans les cas où tout le monde s’entendait pour dire que la mère porteuse n’avait aucune intention de prendre part à la vie de l’enfant (la plupart des cas), des juges ont parfois refusé de reconnaître la filiation de l’enfant aux parents d’intention.

Il y a pire. En 2012, l’émission d’enquête J.E. révélait l’histoire d’un couple de Québécois ayant fait appel à une gestatrice qui refusait finalement de garder les jumeaux issus de ses gamètes. Après avoir entamé des démarches de fécondation in vitro en même temps que leurs démarches auprès de la mère porteuse, les parents d’intention ont obtenu eux aussi une grossesse gémellaire et ont décidé que quatre enfants, c’était trop pour eux. Conséquemment, ils ont «choké» et la mère porteuse s’est retrouvée avec des jumeaux pour lesquels elle n’avait pas formulé le désir. J’ai une très grande ouverture d’esprit à l’égard des divers projets parentaux, mais moins de respect pour une démarche aussi peu consciente de ses impacts sur la vie d’êtres humains. La mère porteuse a finalement trouvé un couple intéressé par les enfants, mais ce cas bizarre d’adoption privée n’est pas sans questionnements éthiques.

D’après les propositions du rapport déposé hier par le Comité consultatif sur le droit de la famille, les parents d’intentions pourraient encore refuser la filiation de l’enfant (ou des enfants), mais continueraient d’avoir une responsabilité financière envers la gestatrice et les enfants. Peut-on vraiment accepter que des parents puissent s’extraire d’un projet parental dûment réfléchi et même notarié? C’est pas comme si ce genre de parentalité arrivait par accident, non? C’est pourtant la moins pire solution qu’a trouvée le comité. «Nous ne pouvons pas forcer la filiation à des parents d’intention. Si on le faisait, ceux-ci pourraient donner en adoption les enfants dont ils ne voudraient plus, ce qui briserait tout lien de filiation, et tout engagement financier», explique Alain Roy, le président du comité. Il faut vraisemblablement prévoir les lois en fonction des pires humains. Ce cas, précisons-le, demeure toutefois anecdotique. La plupart des cas de gestation par autrui se déroulent sans histoire.

Une autre préoccupation du comité était aussi de protéger les mères porteuses. Le comité a d’ailleurs sciemment choisi de conserver cette appellation, en dépit de l’usage préféré par les associations de couples infertiles ou de familles LGBT du terme «gestatrice». «Nous ne voulions pas que la femme soit réduite à un ventre», explique Alain Roy. Les femmes qui accouchent demeureront donc les «mères d’origine» de l’enfant, même si elles signent la déclaration de naissance stipulant la parentalité des parents d’intention. Si elles ne signent pas cette déclaration, elles auront toutefois jusqu’à trente jours après la naissance de l’enfant pour changer d’avis et reprendre leurs droits sur l’enfant. Le père d’intention, ou l’un des pères d’intention, pourra toutefois signer la déclaration de naissance et être reconnu comme le père de l’enfant, de sorte qu’il devra s’entendre avec la mère porteuse sur une forme de garde partagée.

Vous trouvez que c’est lourd? C’est, encore une fois, la moins pire solution qu’a trouvée le comité pour «assurer la protection et le respect de la dignité» des mères porteuses. Mais est-ce que cela ne contrevient pas à l’intérêt supérieur de l’enfant? En Californie, la mère porteuse est obligée de remettre l’enfant aux parents d’intention. Cela évite des catastrophes comme l’histoire de Baby M, une bataille juridique pour la garde d’un enfant issu de la gestation par autrui qui ne s’est pas conclue tout à fait en faveur de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Heureusement, le rapport propose aussi que les ententes notariées entre les parents d’intention et la gestatrice soient précédées de rencontres psychosociales. Ces rencontres ne seraient pas des évaluations des compétences parentales – heureusement -, mais un moyen de s’assurer que les parties comprennent bien dans quoi elles s’engagent. Cela devrait limiter encore davantage le 1% des cas qui ne se passent pas comme prévu.

Par ailleurs, ceux qui accordent une grande importance aux origines biologiques seront rassurés par les recommandations du rapport qui proposent que le droit de l’enfant de connaître ses origines soit inclu dans le processus de procréation assistée. Cela mettrait fin aux donneurs de gamètes anonymes. Alain Roy ne craint pas que cela mène à une pénurie dans les banques de sperme. «Au pire, s’il y a moins de procréation, il y en aura moins», dit-il. La divulgation proactive des parents sur le contexte de conception de leur enfant sera encouragée, mais ne pourra pas être contraint. «Ça serait s’ingérer dans les compétences parentales», explique Alain Roy. Certains craignent toutefois que l’obligation de recourir à des donneurs de sperme ou d’ovules non anonymes pousse certains parents à cacher à leurs enfants les circonstances de leur conception, de sorte que les enfants ne seraient pas tentés de chercher leurs origines. La question ne se pose pas vraiment dans les cas de conjoints de même sexe, dont les enfants se butteront tôt ou tard à des notions biologiques de base.

Vous aurez abondamment l’occasion de discuter de la proposition de régime parental impératif, aussi formulée par le Comité consultatif sur le droit de la famille, qui met le fait d’avoir un enfant au cœur des obligations mutuelles entre conjoints de faits. Cette proposition promet de grandes avancées pour les femmes, mais fait aussi craindre quelques reculs. Cette proposition fera l’objet de nombreuses discussions de salon, surtout, étant donné qu’elle concerne à peu près tout le monde qui a un enfant, qui désire un enfant ou qui pourrait avoir un enfant par accident de sa condition d’être fertile. Bref, un paquet de monde. Le pan du rapport concernant la procréation assistée touche concrètement un nombre plus restreint d’individus, mais s’ils sont adoptés, ses fondements reflèteront les choix de notre société en matière d’éthique. Il est donc important de comprendre les tenants et aboutissants de ces propositions pour y réfléchir collectivement.

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