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Les Innocentes: cinéma vérité

Photo: Métropole Films

Avec le très beau film Les innocentes, la réalisatrice Anne Fontaine nous entraîne dans un univers où se confrontent la foi et l’athéisme, les idéaux et le réel, le particulier et le général, bref, la vie sans ce satané manichéisme propre à notre époque.

1945. Une jeune et magnifique infirmière (Lou de Laâge) d’obédience communiste, donc athée par définition, se joint aux membres de la Croix-Rouge en Pologne. Rapidement, une religieuse sollicite son intervention, car quelque chose d’étrange se passe au couvent : une de ses coreligionnaires est… enceinte!

D’abord hésitante, la jeune infirmière accepte de prêter main-forte à la nonne qui n’a pas toujours fait vœu de chasteté, mais il y a un hic : la Pologne est maintenant sous occupation soviétique. Ainsi, selon la doctrine en vigueur, le clergé est en quelque sorte l’ennemi du prolétariat, donc du régime. Et comment se fait-il qu’une religieuse, puis deux, puis trois et d’autres encore se retrouvent enceintes?

Des soldats soviétiques, donc des libérateurs de l’occupation nazie, sont passés par le couvent quelque neuf mois plus tôt. Or, comme dans toutes les situations de guerre, certains militaires en ont profité pour commettre des viols.

Art Les innocentes Anne Fontaine crédit Anna Wloch:2015 MANDARIN CINEMA AEROPLAN FILM MARS FILMS«Se vouvoyer, cela crée de l’érotisme romanesque. C’était volontaire. Moi, je le fais.» – Anne Fontaine, la réalisatrice du film Les innocentes, répondant à la question : «N’est-ce pas étrange que vos protagonistes se vouvoient, même après avoir connu des relations intimes?»

Inspiré d’un carnet de notes que possédait l’oncle de l’infirmière, la vraie Mathilde (qui se nommait Madeleine Pauliac), ces faits réels ont été romancés par l’ajout, notamment, du personnage d’un médecin juif, qui a intimement vécu le drame de la Shoah.

Parce qu’il nous montre l’humain dans sa grandeur, mais aussi dans sa petite mesquinerie du quotidien, le film d’Anne Fontaine n’est pas sans rappeler, par sa réflexion à divers niveaux, les pièces du grand dramaturge juif David Mamet (Race).

Au-delà de l’histoire humaine, y avait-il une intention philosophique en choisissant de faire ce film tout en nuances? «D’abord, j’ai découvert ce sujet et j’ai été bouleversée par la situation incroyable de ces sœurs qui ont accouché dans la Pologne des années 1945. Il y avait dans cette histoire de grandes questions sur la foi, la maternité; sur comment on peut inventer une lumière depuis le fond des ténèbres. On y trouvait aussi une dimension métaphysique et spirituelle qui m’a tout de suite happée», relate la cinéaste, qui signe une réalisation très maîtrisée et crédible du point de vue historique.

«Après m’être assurée de la véracité des faits, j’ai retravaillé le scénario originel avec Pascal Bonitzer afin d’essayer de rendre la complexité des personnages, de créer une intrigue dramaturgique et d’illustrer comment cette relation entre une jeune laïque et un monde religieux pouvait s’opérer et de quelle façon chaque protagoniste allait apprendre des autres en vivant des événements qui les rapprocheraient. Il s’agissait d’un monde qui allait rencontrer un autre monde et, finalement, c’était la vie qui était la chose la plus inspirante. Bref, beaucoup d’éléments faisaient en sorte que cela me paraissait une aventure humaine passionnante», poursuit la réalisatrice de ce film remarquable. Celle-ci s’est rendu compte que son histoire avait une contemporanéité saisissante, même si elle se déroule en 1945, notamment au regard de la question du viol des femmes en temps de guerre.

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