La fille du RER, chronique d'un mensonge
En banlieue parisienne, il y a cinq ans, une jeune femme porte plainte, affirmant avoir été victime d’une agression à caractère antisémite dans le RER D.
Alors que le dossier est vierge, cette plainte entraîne un véritable tapage médiatique et une indignation nationale. Deux jours plus tard, elle avoue avoir tout inventé et fait des excuses publiques à tous ceux que son mensonge a abusés.
De ce fait divers, Jean-Marie Besset a tiré la pièce de théâtre RER. Le cinéaste français André Téchiné, connu pour utiliser la société française dans tous ses états comme matière première de ses films, s’en est également inspiré pour La fille du RER.
Mais, dans son cas, ce ne sont pas les éléments publics de ce fait divers qui ont retenu son attention. C’est plutôt la réflexion sur les faits qui ont conduit à cet acte.
«Ce qui m’intéressait, c’était de raconter l’histoire d’un mensonge, explique André Téchiné. Je me suis effectivement inspiré du fait divers, mais ce n’est pas ce que j’ai voulu traiter. J’ai essayé de le débarrasser de tout ce brouillage médiatique.»
Le réalisateur a souhaité axer son film sur la personnalité de cette jeune fille, influençable, en quête d’une identité et surtout d’une place dans la société.
Il s’agit là d’une étude de caractère subtile et approfondie qui conserve son sujet en milieu naturel et prend le temps de faire sa connaissance avant les événements qui la placeront à la une de l’actualité. Au point de couper en deux parties distinctes le film (Les circonstances, Les conséquences).
Le cinéaste donne ainsi à voir la jeune fille, Jeanne (Émilie Duquenne), sa vie, son milieu social et familial, les motivations de son mensonge, et les conséquences de celui-ci sur elle et son entourage.
Deux parties distinctes
La première partie est donc une exposition des personnages et des motifs qui seront impliqués dans l’action.
«Cela permet de montrer comment Jeanne, l’héroïne du fait divers, construit cette réalité et comment elle en arrive à ce mensonge», explique le réalisateur français.
André Téchiné en profite aussi pour exposer les relations entre les personnages. D’abord, celle de Jeanne et de sa mère, Louise (Catherine Deneuve), dans le cadre paisible d’un pavillon de banlieue près de la ligne du RER.
Ensuite, celle du couple formé de Jeanne et Franck (Nicolas Duvauchelle), un sportif de haut niveau qui va permettre à la jeune femme de s’émanciper de la tutelle maternelle et l’entraîner à son insu dans des combines qui tourneront mal.
Sans oublier, enfin, Samuel Bleistein (Michel Blanc), un avocat réputé, figure de proue et porte-parole de la communauté juive que Louise a connu dans sa jeunesse.
«Ce qui est intéressant dans le personnage de la mère, de Louise, c’est son côté surprotecteur, explique le cinéaste. Et toute l’énergie qu’elle met à trouver un emploi à sa fille en faisant appel à Samuel.»
Une génération en détresse
La seconde partie porte sur de deux choses importantes. À savoir le passage à l’acte et l’aveu du mensonge.
Le mensonge est présenté comme une mise en scène où certaines facettes de Jeanne sont dévoilées. Puis vient le dévoilement du mensonge par la jeune fille.
«Dans le fond, c’est un mensonge qui dit la réalité, elle s’approprie des événements qui se sont déjà produits parce qu’elle est dans une situation de détresse, lance André Téchiné. C’est un appel au secours, un appel à la reconnaissance identitaire. C’est malheureusement une réalité: la nouvelle génération est en mal de reconnaissance et est au bord de l’exclusion.»
La fille du RER semble ainsi s’approcher d’une certaine réalité sociologique française.
La fille du RER
En salle dès aujourd’hui