«Rose à l’île»: un livre illustré, territoire oblige
Malgré son format «inclassable», et un nouveau nom, le 10e tome de la série Paul de Michel Rabagliati, Rose à l’île, ne se veut ni un jalon ni un indicateur de l’avenir de la série culte. Opter pour le roman illustré plutôt que la bande dessinée est venu naturellement, une décision dictée par le territoire représenté par les coups de crayon, nous raconte l’auteur.
Sur l’île Verte, que l’auteur connaît bien, il n’y a presque rien. «Tu as l’île, l’eau, puis après on dirait le ciel en 360», illustre Michel Rabagliati. Avec ses 50 habitants estivaux et sa longue route, le territoire sur lequel se déroule ce fragment de la vie du protagoniste n’est pas propice aux péripéties exaltantes, ce dont l’auteur ne se cache pas.
«C’est un livre méditatif, explique-t-il. Il n’y a pas de rebondissements et c’est un peu voulu. Peut-être que j’avais besoin de me calmer les nerfs.» Car à l’époque où il planchait sur cet épisode, la pandémie battait encore son plein. Le calme et l’horizontalité du Bas-du-Fleuve donne le ton à ce véritable hommage à l’île Verte.
Le nom de la fille de Paul – et de l’auteur – se retrouvant dans le titre n’est ni plus ni moins qu’un témoignage de la «lettre d’amour déguisée» que représente cet épisode de la série d’autofiction. «J’avais envie de lui parler, j’avais envie de faire un retour aussi sur les quatre ou cinq étés qu’on a passés comme ça ensemble.»
Le protagoniste de cette histoire est toujours Paul, un moyen pour l’auteur de mettre sa fille en scène tout en respectant son intimité, «sans mettre des paroles qu’elle n’a pas dites dans sa bouche ou des pensées qu’elle n’a pas pensées». Le personnage de Rose occupe ainsi surtout le rôle de compagne de voyage.
L’histoire, elle, se déroule en 2017, alors que Paul peine encore à s’extirper d’une série de deuils, dont celui de son père, et d’une séparation. Alors qu’il revient d’une essoufflante tournée de festivals sur le Vieux Continent, l’épuisement professionnel se fait sentir. Cette période plus sombre, plutôt que de l’enfermer et de la coincer dans des cases, le bédéiste a plutôt choisi de la libérer.
C’est un roman qui pourra intéresser ceux qui sont en création, croit l’artiste, puisqu’il y pose ouvertement la question: «Qu’est-ce qu’on a à dire? Est-ce qu’on a juste deux tounes à jouer pis c’est fini?» Beaucoup d’introspection ainsi que des dialogues entre le personnage principal et lui-même traversent les pages de Rose à l’île.
Sans mauvais jeu de mots, l’époque que relate ce dixième tome de la série Paul «n’est pas toute rose». «L’île, c’est une sorte de repos, il y a une certaine mise à jour qui se passe», met en contexte Michel Rabagliati, expliquant pourquoi il a voulu que son histoire se déroule dans ce lieu.
Le format du livre se prête bien aux monologues intérieurs et au silence de l’île Verte. Les pages sont parfois partagées entre ces réflexions écrites et les illustrations. L’écriture et le paysage peuvent aussi prendre toute la place pendant plusieurs pages. «Remplir des phylactères avec tout ce que j’avais à dire, ça aurait été très laborieux et très plate à lire», explique l’auteur.
Il s’est donc notamment inspiré de l’illustration qu’a faite l’artiste visuel Jacques Tardi du roman Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline. «L’avantage de la bédé, c’est que la narration, les didascalies, qu’est-ce qui se passe et où est-ce qu’ils s’en vont, je n’ai pas besoin de le dire. Je fais une illustration pis bingo», lance M. Rabagliati.
Bien que le livre se dévore somme toute assez rapidement, l’auteur espère qu’il sera lu lentement, que les gens ne tourneront pas les pages à cent milles à l’heure «parce que les dessins font partie de la narration. Ce que je n’ai pas pu raconter en texte, je le raconte en images».
Rose à l’île sera disponible en librairie dès le 10 août.