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Alfred d’Emmanuel Schwartz: état sauvage

Photo: Ulysse del Drago

Dans Alfred, Emmanuel Schwartz, acteur aux mille visages, donne une voix aux marginaux oubliés de l’Amérique.

Depuis sa genèse, le projet Alfred a suivi quelque chose comme cinq trajectoires différentes… «et j’ai écrit à peu près autant de textes», complète Emmanuel Schwartz.

Épaulé par la metteure en scène Alexia Bürger, devenue également sa coauteure, l’acteur est passé de l’envie d’adapter Catcher in the Rye, de Salinger, à celle de raconter l’histoire de l’artiste schizophrène Alfred McMoore, à celle, enfin, de s’inspirer d’un fait divers. Un fait divers aussi étrange que tragique, aussi brutal que poétique: le 18 octobre 2011, un propriétaire d’animaux sauvages de Zansville, dans l’Ohio, libère une horde de bêtes – 56 pour être plus précis – avant de mettre fin à ses jours.

«On a cherché beaucoup, on a cherché ensemble et on ne s’est jamais gênés pour souligner le manque de pistes de chaque histoire», remarque Schwartz.

Tout au long de leur parcours créatif, qui les a amenés à explorer tant de filons, les deux collaborateurs ont été guidés par un désir : «parler des êtres marginaux qui ont un regard différent sur le monde». Des marginaux comme des morceaux de puzzle qui «ne fittent pas tout à fait dans le grand casse-tête américain».

Dans la version présentée au Théâtre d’Aujourd’hui, celui qui a fait Caligula, celui qui a joué dans Laurentie, celui qui nous jette à terre avec chacun de ses rôles va incarner plusieurs personnages. La situation affolante créée par la libération des animaux qui ont envahi la ville fait en sorte que ces êtres qui représentent «un échantillonnage de péripéties américaines types» se sentent menacés, placés dans une position de faiblesse. Chose qui les «poussera à expliquer ce qui leur arrive».

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L’acteur caméléon se transformera notamment en une institutrice qui n’a jamais vécu l’amour et en léopard des neiges. C’est dans ce personnage animal «qui s’appelle Alfred et qui est un peu la star du zoo d’Akron» que se cache l’ombre d’Alfred McMoore, cet artiste disparu sur les traces duquel Schwartz et Bürger sont partis au départ. C’est aussi la vision de ce félin non conformiste qui se traduit dans la mise en scène, précise l’interprète.

D’ailleurs, l’idée de marginalité se reflétera entre autres dans le décor «disproportionné» de Simon Guilbault et dans la musique de Nicolas Basque, que l’on connaît pour son travail au sein de Plants and Animals. «Comme je suis seul sur scène et qu’on veut installer une situation d’urgence, ça passe par des segments radio, ça passe par des témoignages vox-pop, ça passe par un paquet de clips sonores qui nous maintiennent dans ce territoire-là», note l’acteur.

Il ajoute que, pour lui, Alfred a représenté «une nouvelle étape d’écriture». «J’ai enfin enlevé mes gants d’auteur d’autofiction, dit-il. Je crois que ça donne un regard un peu moins égocentrique.»

Comme il l’avait fait dans Nathan (NathanBénédictestunYiKing), Schwartz explore ici l’Amérique. Qu’il juge toujours «sauvage, violente, écrasante», mais sur laquelle il jette, peut-être, un regard plus candide. «Il y a plus de distance entre les personnages et moi; un plus grand espoir. J’ai l’impression que je laisse une plus grande place au rêve et à une possibilité de… non pas de satisfaction, mais de fin non tragique, disons. Ce qui est une chose que j’envisageais mal autrefois!»

Alfred
Au Théâtre d’aujourd’hui
Jusqu’au 4 mai

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