Philippe Katerine et ses comptines philosophiques
Après des albums et des tubes très garnis, le déstabilisant Philippe Katerine nous revient avec Le Film, une œuvre dépouillée mais lourde de sens.
Le public québécois connaît Katerine principalement pour ses titres accrocheurs, notamment La Banane, Je vous emmerde et Louxor, j’adore.
Or, Philippe Katerine roule sa bosse ici et là (surtout là) depuis maintenant 25 ans. Si ses premiers disques laissaient croire à une blague d’adolescent polisson, il fait désormais partie du paysage musical français, et certaines des égéries de l’Hexagone ont fait appel à ses services, dont la grande prêtresse de la contre-culture Brigitte Fontaine et la sublime icône de la Nouvelle Vague Anna Karina.
Maintenant qu’il est bien installé dans la «machine pop», pourquoi propose-t-il un album aussi nu?, lui avons-nous demandé en choisissant l’approche du premier degré avec celui qui incarne un personnage décalé du réel. «Il y a des moments dans la vie où on a envie de danser; d’autres, de courir et aussi de se calmer un peu. Disons que je suis à la recherche d’une sérénité, car j’étais plutôt énervé et en colère contre tout», a expliqué Katerine lors d’un entretien téléphonique.
Comme il le dit lui-même dans Compliqué, qui sera sans doute le succès (unique?) de cet album, tous les rapports humains sont… compliqués. «Même avec moi-même, j’ai des problèmes, alors comment voulez-vous qu’on n’ait pas de problèmes? Et dire qu’on était une goutte de sperme… », ainsi qu’il le chante, drôlement affublé, dans un clip tourné sur une piste de roller derby où des gens se rentrent dedans. Métaphore de la France du moment, ajoute-t-il à propos du climat social ambiant.
«C’est dans l’idée que lorsqu’on vient de naître, on ouvre les yeux et le film commence. Et c’est le nourrisson qui en est le résultat.» -Philippe Katerine, expliquant pourquoi il a intitulé son nouvel album ainsi.
Questions existentielles
Sous des oripeaux qui peuvent rappeler le mouvement dadaïste, Katerine s’attaque à des questions existentielles comme la mort (Papa) et tente de sublimer des objets d’apparence banals, par exemple les doudous de l’enfance et leur parfum sucré de bonheur (Doudou).
De mauvaises langues pourraient dire que les chansons de Katerine ne sont que des exercices de style, tandis que d’autres y voient du génie. «Je n’ai pas d’intention. Je suis motivé par le moment où ça se passe. Ce sont des rencontres inattendues qui se font entre un objet, un mot, une situation et une musique. Donc, c’est l’idée de me surprendre moi-même avant tout», précise celui qui, justement, ne s’attendait pas à faire un tel album et qui a sans doute fait hurler sa maison de disques en lui présentant des compositions sous forme de comptines. «De toute façon, ce n’est jamais facile. C’est le moment qui impose un ton. Ce qui est nouveau, c’est que j’ai parlé à cœur ouvert. Cela, ma pudeur m’en avait empêché un petit peu avant. Je me retrouve avec un disque plein de sentiments et je n’aurais jamais pensé que je pouvais faire cela», confie-t-il, encore étonné.
À propos d’étonnement, lui demande-t-on, à vos débuts vous doutiez énormément de vos talents de fabricant de chansons. Vingt-cinq ans plus tard, auréolé de succès et de collaborations avec des icônes populaires, doutez-vous encore? «Ah! oui, bien sûr, je doute tout le temps. Je n’ai aucune certitude. Je n’ai aucune conviction dans la vie en général, alors par rapport à moi, vous imaginez…»
Le film
Disponible dès le 15 avril