Bernhari et son diamant noir
Avec son nouvel album Île Jésus, Bernhari nous plonge dans un climat mélancolique, suave et beau comme l’éclat d’un diamant noir.
C’est en découvrant les pièces d’Île Jésus qu’on comprend pourquoi il était presque impossible d’interviewer Bernhari avant 11 h. En écoutant ses chansons, qui s’articulent autour d’un quatuor amoureux, on imagine très bien l’artiste en Bukowski dandy abordant des femmes belles et déchirées dans des bars mafieux, histoire de retrouver un paradis perdu. «Et de retrouver la nôtre, de vie, d’une certaine manière», ajoute-t-il. Autobiographique? «Humm, je dirais que oui. Ça part toujours de quelque chose de vécu, puis l’imaginaire vient s’y greffer», explique l’artiste en donnant comme exemple son premier album, qui portait beaucoup sur le Printemps québécois et racontait une histoire d’amour imaginée entre deux protagonistes rencontrés pendant ce conflit dont il vécut certains épisodes.
«Si tu veux me voir. J’y serai à chaque soir. Au bar mafieux. J’attends la mort. Jusqu’à ce que tu viennes pour me voir.» –Bernhari, sur la chanson Je pense à toi
Après avoir recouru à un propos engagé et engageant dans sa première œuvre, Bernhari avait envie d’un exutoire qui lui permettrait aussi de raconter les désillusions amoureuses de sa génération, «Les années dix», pour reprendre un de ses titres, à l’ère des Tinder, Instagram et autres Facebook. «Les gens passent rapidement d’une relation à l’autre, et tout semble plus fragile. Il s’agit donc de quatre personnes qui gèrent leur vie amoureuse. Oui, l’idée m’est venue en observant ma propre vie. Après le premier album, j’ai vécu une rupture amoureuse. Je me suis retrouvé seul dans un petit appartement à Parc Extension et j’ai dû réapprendre à vivre avec moi-même. J’ai alors rencontré les trois personnes dont il est question dans l’album. Lorsque je parle d’un carré de cendres dans une chanson, c’est à ce quatuor amoureux que je fais allusion», révèle le tombeur écorché.
«J’ai défié suffisamment/Pour savoir qu’il est un peu mieux/Que les fantasmes/Restent fantasmes.» –Bernhari, sur la chanson Solastalgia
Disque salvateur
À la fin de ce disque parsemé de fulgurances textuelles et musicalement beau comme une ville la nuit, Bernhari trouve une forme d’antidote salvateur. «Dès le départ, on a travaillé à partir d’un synthétiseur qui a finalement pris le contrôle de l’album. Ce qui fait qu’on s’est retrouvés au bout du compte avec un son un peu à la Badalamenti, le compositeur des films de David Lynch. Puis, on a construit l’instrumentation, en commençant par la section rythmique. La basse est omniprésente et parfois très mélodieuse. On a aussi abordé les guitares d’une tout autre manière en jouant parfois avec les limites du cliché, en usant d’une approche un peu glam rock à la Starmania. Ce qui vient appuyer le propos, qui traite beaucoup de solitude», explique Bernhari, dont l’univers et le chant aérien peuvent parfois évoquer le chanteur français Christophe. À savourer.
Île Jésus
Disponible vendredi
Lancement vendredi à Montréal: pour connaître le lieu, envoyez un message texte au 514-804-JESU