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«Un. Deux. Trois.»: de l’Iran à Ottawa 

Mani Soleymanlou présente cet automne le spectacle-événement «Un. Deux. Trois.» Photo: Gracieuseté, Jonathan Lorange

Jusqu’à dimanche, Mani Soleymanlou occupe les planches du Théâtre Jean-Duceppe avec son spectacle-événement Un. Deux. Trois., une mise à jour de ses premières créations qui passera l’automne en tournée à travers le pays.  

Dans Un (2012), l’acteur et metteur en scène se questionnait sur ce qui l’identifie comme Iranien, lui qui a quitté le pays enfant. Avec Deux (2013), il poursuivait sa quête identitaire en allant voir l’écho qu’elle avait laissé chez l’autre, incarné par Emmanuel Schwartz. Et dans Trois (2014), ce qui avait été son récit devient celui d’une quarantaine de personnes issues de l’immigration et rassemblées sur scène. Ce sont donc ces trois pièces – avec quelques éléments de sa plus récente, Zéro (2019) – qui constituent le spectacle de plus de quatre heures.  

«On parle d’un spectacle politique, un spectacle social, un spectacle qui met en scène une pluralité, une vraie», exprime avec passion Mani Soleymanlou, en entrevue avec Métro.  

Actualiser le propos 

Si Un et Deux demeurent pratiquement inchangées, c’est que le propos résonne toujours autant chez l’interprète et dramaturge, qui avait écrit Un peu après le soulèvement postélectoral de 2009 en Iran. Son pays natal étant aujourd’hui en plein cœur d’un nouveau mouvement de protestation, les paroles prononcées par Mani Soleymanlou à l’époque ont gardé tout leur sens.  

«Il y a un mois, pour la première fois depuis longtemps, j’ai rejoué Un, raconte-t-il. C’est comme si je le redisais pour la première fois. Je l’ai fait 300 fois, le show! Je ne pensais pas que j’allais encore être ému, que ça serait encore une redécouverte. Forcément, le spectateur verra le chemin que ça a pris en moi.» 

Une quarantaine d’interprètes sont sur scène dans Trois. Photo: Jonathan Lorange

Quant à Trois, la pièce a été actualisée notamment pour refléter le nouveau boulot de Mani Soleymanlou, devenu directeur artistique du Théâtre français du Centre national des arts (CNA) à Ottawa.  

Ainsi, les quarante interprètes sur scène reflètent la francophonie canadienne, répondant au mandat de l’artiste. «Quand on a fait Trois en 2014 à Montréal, on parlait de Montréal. En 2017, à Paris, forcément, on parlait de Paris. Là, il fallait des Franco-Canadiens à travers le territoire pour questionner ce qui nous unit», explique celui qui compte bien donner le ton de sa direction artistique avec cette nouvelle mouture d’Un. Deux. Trois.  

Mais cette mise à jour, Mani Soleymanlou la fait aussi parce que le spectacle l’aide à «mieux comprendre ce qui se passe collectivement et socialement». 

On parle d’identité, on parle de l’Autre, on parle d’instrumentalisation de l’Autre, on parle de l’Autre comme ennemi, et notre société, malheureusement, a énormément de plaisir à nous dresser de plus en plus les uns contre les autres. Pour moi, c’est une mise au point nécessaire.

Mani Soleymanlou 

Afficher ses couleurs 

Comme directeur artistique du Théâtre français du CNA, Mani Soleymanlou veut s’adresser à tout le monde; c’est d’ailleurs pour ça qu’il a choisi de monter à nouveau Un. Deux Trois., parfait spectacle pour afficher ses couleurs.  

«J’ai envie de ramener les jeunes au théâtre, de faire en sorte que tout le monde se reconnaisse sur scène, et pour moi, ce spectacle-là incarne tout ça. C’est un théâtre festif, c’est démesuré. On redonne au théâtre son aspect où on peut questionner la société, être choqué. C’est ce théâtre-là que je souhaite faire», s’enthousiasme-t-il. 

En acceptant le mandat au CNA, Mani Soleymanlou s’est questionné sur le fait français au Canada, sur la francophonie au théâtre et au pays. Avec Un. Deux. Trois., il avait l’occasion de réunir sur scène des dizaines d’interprètes «qui peuplent notre société, qui parlent français, qui sont issus de l’immigration, qui se questionnent sur leur genre, sur leur langue, sur leurs origines» et qui pouvaient réfléchir avec lui à la question, discuter de «ce qui nous unit ou de ce qui nous divise comme citoyens». 

Bien que le spectacle soit ancré dans l’actualité, on en tire des constats plutôt larges et intemporels. Peut-être un peu parce que l’histoire se répète, mais surtout parce que, même si l’actualité n’est pas la même, les émotions qu’elle ravive restent pareilles. «La situation change, mais l’idée que des millions d’Iraniens manifestent dans les rues pour leur liberté est la même, qu’on soit en 2009 ou en 2022. On comprend que ça m’affecte.» 

Un. Deux. Trois. est présenté au Théâtre Jean-Duceppe du 20 au 23 octobre, puis du 27 au 29 octobre au Trident, à Québec, et ailleurs au pays jusqu’à la fin novembre.  

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