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«Bronx Gothic», un incisif solo mêlant violence et sexualité

Wanjiru Kamuyu dans le solo «Bronx Gothic» d'Okwui Okpokwasili. Photo: Marion Vogel

Depuis le New York qui l’a vu naître en 2014, le spectacle Bronx Gothic a marqué les esprits à Londres, Bruxelles ou encore Paris. Cette semaine, la pièce d’Okwui Okpokwasili alliant théâtre et danse pose ses pénates à Montréal dans le cadre du Festival TransAmériques (FTA), qui se termine ce jeudi.

On nous projette dans le Bronx des années 80, où l’éveil sexuel de jeunes filles au tournant de la puberté est assombri par la couleur de leur peau. On assiste à ce constat, fait avec rage et désespoir, que les fillettes noires sont à la fois sexualisées trop jeunes et méprisées. «C’est une véritable culture de l’agression où elles sont considérées soit comme déviantes sexuellement, soit permissives ou corrompues», disait l’artiste en entrevue avec le FTA.

Créatrice et chorégraphe de Bronx Gothic, Okwui Okpokwasili a passé le flambeau pour l’interprétation de cet exigeant solo à Wanjiru Kamuyu en 2019. C’est elle qui fait mouvoir tout son corps d’une multitude de spasmes, accueillant ainsi les spectateur.trice.s qui s’installent avec un certain inconfort dans une salle où l’artiste leur fait dos.

Toute la première demi-heure du spectacle est consacrée à cet impressionnant mouvement – parfois ponctué d’un twerking «qui a horriblement mal tourné», commentait la créatrice en entrevue avec The Guardian il y a quelques années –, mouvement qui trouve son miroir dans un public hypnotisé. Plus on l’observe, plus on ressent ces mêmes spasmes dans nos propres muscles.

Et tout d’un coup, changement de registre. Ce corps qui impressionne par sa puissance tout en émouvant par la douleur qu’il évoque trouve sa voix. L’interprète annonce son récit: un échange épistolaire (le titre faisant référence à la littérature gothique où ce procédé narratif est fréquent) entre deux jeunes filles de 11 ans. S’il s’agit d’une fiction vaguement inspirée des souvenirs d’enfance de son autrice, l’histoire est rapportée comme si elle était vraiment arrivée à celle qui nous la raconte, créant un rapide sentiment de proximité, voire d’intimité.

On rigole en entendant les premiers échanges. Une fillette questionne sa meilleure amie: qu’est-ce que ça fait, un orgasme? Mais cette innocence est bafouée au rythme des insultes qui interrompent du même coup les rires d’un public vite saisi devant une telle œuvre.

L’enfant qui cherche l’approbation de l’autre ne reçoit que son venin, se faisant répéter encore et encore qu’elle est laide, que sa couleur de peau est affreuse et qu’aucun homme ne voudra jamais d’elle, des propos parsemés par le mot en N qui résonne comme des coups qu’on assène à une tête épuisée. Et l’autre aussi subit la violence: celle du beau-père, celle de son copain, celle, systémique, qui l’accule à une vie de misère.

Bronx Gothic est encore présenté à l’Édifice Wilder – Espace danse les 7 et 8 juin. Si les deux spectacles affichent complet, le FTA invite le public à visiter régulièrement sa billetterie pour voir si des places se libèrent et à tenter sa chance en se présentant sur place une heure avant la représentation au cas où des billets de dernière minute seraient disponibles.

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