L’humanité au cœur de «Fragments»
Aveux, Apparences, Feux, Fragile : au fil de ses miniséries profondes et énigmatiques, le dramaturge Serge Boucher est devenu un scénariste phare de la télé québécoise. Il attendrit certainement les cœurs avec sa nouvelle offrande, la touchante Fragments sur l’Extra d’ICI Tou.tv, qui réunit une prestigieuse distribution.
Aux télévores avides d’humanité, cette série en est résolument porteuse. La voici en quelques fragments.
Des retrouvailles fortuites
La série met en scène Marlène (Céline Bonnier) et Paul-André (René Richard Cyr), deux complices depuis leur jeunesse à Victoriaville qui, avec le conjoint de ce dernier, Renaud (Luc Guérin), forment un noyau indissociable.
Après environ 35 ans d’absence, François (James Hyndman), le premier amour de Marlène, recroise inopinément leur route, sa fille Céleste (Schelby Jean-Baptiste) demeurant en face du fils suicidaire de PA et Renaud, Tomas (Félix-Antoine Duval).
Le retour de François, qui est en deuil de sa femme Sylvie (Dominique Leduc), bouleversera-t-il la vie du trio? Pourquoi leurs chemins s’étaient-ils séparés des décennies plus tôt? Quelles répercussions ce retour aura-t-il sur Tomas, Céleste et son frère, l’artiste Edouard (Irdens Exantus)?
De la douceur qui fait du bien
L’humanité de ses personnages attachants est le cœur battant de Fragments. Si les séries précédentes de Serge Boucher étaient plus frontalement mystérieuses, l’auteur a voulu cette fois revenir à une trame très intimiste, « la plus intime et personnelle » qu’il a écrite jusqu’à présent pour le petit écran, a-t-il confié aux médias, lundi. Ce qui n’empêche pas les personnages de receler leur part de secrets.
Si certains événements dramatiques surviennent dans la série, l’ambiance après deux épisodes semble plutôt empreinte d’une douceur bienfaisante. « Il n’y a pas d’agressivité, pas d’énervement, de soubresauts pour dynamiter la série; on n’est pas là-dedans », convient le comédien James Hyndman en entrevue avec Métro, l’actrice Céline Bonnier à ses côtés. « Il y a une bienveillance, une empathie de fond qui traverse toute la série. On devient disponible pour ce que vivent et traversent les personnages grâce à ce ton. »
« C’est une autre écriture de Serge Boucher, qui décortique autre chose que ce qu’on est habitué à voir », ajoute sa collègue. « On décortique l’humain dans sa complexité sur le plan des liens et de la communauté qu’il entretient. »
Une ode à l’amitié
Parlant de communauté, on sent l’amitié indéfectible unissant PA, Marlène et Renaud, au point qu’ils partagent un immeuble.
La chimie opère tout autant lorsqu’on retourne dans le passé du clan, à l’époque du cégep et de l’université. L’on a envie de découvrir cette bande lumineuse, vibrante, allumée. D’ailleurs, les acteurs et actrices incarnant les protagonistes dans leurs jeunes années ont voulu nouer des liens en amont du tournage afin de rendre justice à ces amitiés durables.
« On s’est vus dans les parcs, on a vu des films ensemble, on a fêté, on a bu, on a appris à se connaître bien comme il faut pour atteindre cette chimie », raconte en entrevue avec Métro Étienne Courville, l’interprète du jeune PA, dont le personnage est aux prises avec des sentiments envers l’amoureux de Marlène.
Des flash-backs habités
Des retours en arrière, qui reconstituent le parcours de ce trio de Victo auquel s’ajoute la pétillante Jacynthe (Camille Felton) — dont nous apprenons assez rapidement la mort, trop jeune —, éclairent les émotions que vivent les protagonistes une fois adultes et nous font comprendre ce qui les a façonnés.
Processus notable de mise en scène, lorsque les personnages adultes se remémorent des fragments de leur passé, ils observent la scène se déroulant sous leurs yeux, comme s’ils revivaient ces moments en chair et en os.
« Tu as Céline Bonnier ou René Richard Cyr en arrière de toi qui te soufflent dans le dos, et toi, tu dois livrer ta scène », se souvient Étienne, avouant avoir trouvé cela intimidant au début. « Ces personnages se redécouvrent eux-mêmes, revivent de beaux et grands souvenirs. Ils avaient tous un visage bienveillant, comme lunaire, en nous regardant, les yeux pleins d’eau. C’était vraiment rassurant. »
La série incorpore aussi une trame située dans un avenir rapproché, dans lequel PA, auteur de séries télé, réalise son rêve d’écrire un roman, qu’il dédie à ses amours mortes et présentes.
Un fils suicidaire
Fragments aborde un lourd sujet, celui du désir de mourir, par l’entremise de Tomas, jeune homme affligé d’un mal-être d’aussi loin qu’il se souvienne, reprochant à sa mère biologique de l’avoir mis au monde.
Pourtant, Tomas est entouré, aimé. Un psychologue attentionné, incarné par Luis Oliva, l’aide à cheminer. Sa voisine Céleste lui veut du bien. Se laissera-t-il aider? Voudra-t-il guérir? Des questions qui submergent son interprète, Félix-Antoine Duval, d’émotion.
Ce rôle complexe dans une œuvre signée par le mythique Serge Boucher, Félix-Antoine Duval le désirait de toutes ses forces. « J’avais l’impression que le Canadien de Montréal m’appelait pour que j’aille jouer avec eux », affirme-t-il, avant de citer ce que lui a dit au sujet de son personnage sa collègue France Castel : « C’est très casse-gueule. Si tu l’as, c’est full payant; mais si tu ne l’as pas, ça paraît que tu n’as pas travaillé. C’est le genre de partition pour laquelle on fait ce métier. »
On pourra dévorer dès jeudi les cinq premiers épisodes de Fragments sur l’Extra d’ICI Tou.tv. Les cinq autres suivront le 15 décembre.