Rad Hourani, le designer nomade
Pour célébrer les cinq ans de la griffe unisexe haut de gamme qui porte son nom, Rad Hourani fait escale à Montréal. Une exposition multidisciplinaire, à son image, sera présentée au Centre PHI durant tout le mois de novembre.
À 30 ans et en à peine une quinzaine de collections, le nom de Rad Hourani est entré dans l’histoire : en janvier, le designer autodidacte devenait le premier Canadien invité à présenter un défilé par la Chambre syndicale de la haute couture à Paris. Le Montréalais d’adoption – il est né en Jordanie – y a également opéré une petite révolution avec sa collection unisexe, une autre première.
Ce n’est d’ailleurs un secret pour personne : Rad Hourani espère bouleverser les codes établis et brouiller les pistes. «Je veux casser le moule que la société s’est imposé et créer une nouvelle garde-robe pour l’être humain», explique-t-il en entrevue alors qu’il est de passage dans la métropole.
Artiste multidisciplinaire, il ne se limitera pas à présenter son travail en design de mode l’automne prochain au Centre PHI : l’exposition, intitulée Cinq ans d’unisexe, montrera toutes les facettes de son art. «C’est un panorama en 360 degrés de tout ce que je fais», souligne-t-il. Bien sûr, des images de ses collections haute couture et prêt-à-porter seront en vedette, peut-être même quelques pièces phares seront-elles exposées, mais il y aura également des concerts, de la photo, des films, une boutique éphémère et, clou de l’événement, une cabine d’essayage virtuelle où il sera possible d’entrer, littéralement, dans l’univers Rad Hourani.
Vous partagez votre temps entre Montréal, Paris et New York. Est-ce que les voyages vous inspirent?
Je voyage sans arrêt depuis cinq ans. Ça fait partie de ma vie et je vais continuer de le faire tant que j’en serai capable.
Les voyages sont inspirants dans le sens où je peux observer plusieurs cultures, villes et sociétés pour finalement me rendre compte qu’on est tous pareils à la fin de la journée. Ces divisions qu’on a inventées de toutes pièces m’inspirent beaucoup à créer des collections qui n’ont pas de frontières.
La collection que vous avez présentée en janvier fait désormais partie des annales de la haute couture parisienne. Qu’avez-vous appris de cette expérience?
Que rien n’est impossible dans la vie quand on travaille extrêmement fort en faisant preuve de détermination et de persévérance. Si je suis arrivé là où je suis en cinq ans, pour moi, c’est la preuve qu’il faut toujours croire à ses objectifs et ne pas lâcher malgré les obstacles.
Il m’a fallu un an pour créer des patrons qui s’adaptent aux corps des hommes et des femmes. Ensuite, quand j’ai commencé à présenter mon message unisexe, les gens ne comprenaient pas vraiment de quoi je parlais. Mon but est de changer les limitations que la société s’est imposées. Ce n’est pas d’habiller une femme en homme et un homme en femme, mais de créer une nouvelle façon de s’habiller qui s’adapte à tout le monde. Et au début, il a fallu beaucoup de temps pour que les gens comprennent mon message.
Espérez-vous changer l’industrie de la mode?
Ce qui m’intéresse, c’est de communiquer mon langage unisexe dans le monde entier, et pas juste dans la mode. Ce n’est pas juste des vêtements; c’est une façon d’être, de penser, de s’exprimer qui dépasse les questions de sexe, d’âge ou de religion. Un peu comme quand Coco Chanel a mis des plantalons aux femmes. Ce sont les gens qui m’intéressent, pas la mode.
Vous êtes un artiste multidisciplinaire qui s’intéresse aussi à la photo, à la vidéo et à la littérature, notamment. Considérez-vous aussi le design de mode comme un art?
Ça dépend sous quelle forme. Si on parle de tendances, je vois plutôt ça comme une business, une façon commerciale de faire de l’argent. Mais s’il s’agit de communiquer une vision, un langage précis, un style, alors oui, c’est de l’art.
Nous ne devrions pas nous laisser guider par les tendances que présentent les magazines. Ceux qui s’y fient sont mal guidés. Je pense que les vêtements devraient refléter la personnalité. Créer son propre style à partir de sa façon d’être, ça, c’est un art.
Haute couture : un cercle prestigieux
En France, la haute couture est une appellation juridiquement protégée depuis près de 70 ans. Les designers doivent d’ailleurs répondre à une série de critères pour faire partie de ce club privé : travail réalisé à la main dans les propres ateliers de la maison, nombre d’employés prescrit, pièces sur-mesure uniques, quota de modèles par collection (au moins 30), participation à un minimum de deux grands défilés, etc.
Pour être invité par la Chambre syndicale de la haute couture à Paris, les couturiers doivent aussi être parrainés par un membre influent. Rad Hourani a pour sa part reçu l’appui du pdg de Christian Dior Couture, Sydney Toledano.

Une partie de la collection unisexe Rad Hourani haute couture #10. / collaboration spéciale