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Demande d’asile: après la pluie, la paperasserie

Le Service d’interprète d’aide et de référence aux immigrants (SIARI) offre un accompagnement aux nouveaux arrivants dans leur intégration à la société québécoise. Photo: iStock, Mirsad Sarajlic

Au Service d’interprète d’aide et de référence aux immigrants (SIARI) situé sur le chemin de la Côte-des-Neiges, des gens s’agglutinent devant les portes. Leur posture tendue et leur regard inquiet révèlent leur impatience.

Une jeune Indonésienne à l’allure coquette s’approche de nous. Dans un anglais cassé, elle parvient tant bien que mal à expliquer qu’elle cherche à suivre les cours de français offerts par le SIARI et à obtenir un permis de travail.

Nous sommes seulement à quelques minutes du début de la séance collective d’information organisée par l’organisme tous les mardis pour guider plus d’une centaine de demandeurs d’asile à travers les eaux troubles du processus d’immigration canadien. Cette initiative s’est en quelque sorte imposée d’elle-même devant l’affluence grandissante et inattendue, dans les locaux du SIARI, de nouveaux arrivants qui se tournent vers les organismes communautaires pour les aider à remplir de «gros formulaires».

Cet afflux serait-il exacerbé en partie par le fait que depuis quelque temps, les agents des services frontaliers d’immigration auraient cessé de remplir à tout coup le document du demandeur d’asile (DDA) à la frontière? Appelé le «papier brun» dans le jargon du métier, le DDA confirme que le demandeur d’asile a présenté une requête auprès de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) et donne à celui-ci droit à l’assurance maladie.

Difficile de retenir une seule hypothèse, estime la directrice générale de l’organisme communautaire, Fatma Djebbar.

Chaque mardi, les séances collectives d’information débutent à 13h et se terminent vers 16h. Photo: Isabelle Chénier, Métro

Continuer à aider

Dans tous les cas, la Terre continue de tourner, ici, au SIARI, et du soutien doit être apporté à ces réfugiés. Et ce, même si «c’est à bout de bras».

Pour rendre la séance d’information plus efficace, les gens sont répartis dans trois locaux différents, selon les langues maternelles et les pays de chacun.

Le premier local a l’allure d’une salle de classe. À l’avant se trouve le coordonnateur des programmes chez SIARI, Ziman Monawar Big. «Ce sont tous des Afghans», indique-t-il à Métro, tout en distribuant des tuques qui protégeront quelques têtes du froid polaire. La majeure partie d’entre eux ne sont d’ailleurs vêtus que de manteaux légers ou de vestes à capuchon. La plupart sont chaussés d’espadrilles. Difficile de les imaginer enjamber les nombreux bancs de neige qui recouvrent actuellement les rues et trottoirs de Montréal.

Un autre article précieux est ensuite donné: du liquide correcteur blanc. Outil indispensable pour ces personnes qui devront remplir une dizaine de pages de formulaires administratifs, et ce, non sans contraintes; elles lisent de droite à gauche, utilisent un tout autre alphabet et ne parlent ni français ni anglais. Parmi elles, un homme fait également part à Ziman Monawar Big de son analphabétisme.

Projeté sur un tableau blanc, un formulaire est décortiqué lentement mais sûrement par M. Monawar. Les mains ne cessent de se lever, puis de se baisser à coup d’explications. Tous sont soucieux de ne pas transcrire la mauvaise information au mauvais endroit – la recevabilité de leur demande d’asile en dépend.

Un peu plus loin, une scène semblable se déroule dans un autre local plein à craquer. On trouve des Turcs venus au Québec par le chemin Roxham. Une des interprètes, Meral Demirtas, indique que certains d’entre eux étaient présents à la séance de la semaine dernière. «C’est très long à remplir. Ils seront là tout l’après-midi et n’auront probablement pas le temps de finir de remplir leur document.»

Un interprète turc aide les nouveaux arrivants à remplir leur demande d’asile. Photo: Isabelle Chénier, Métro

Dans la dernière salle, les gens sont attablés par dizaines. Le bruit ambiant est une symphonie de langues: l’espagnol, le russe, le créole, le français, pour n’en nommer que quelques-unes.

Bethesda Moise tient sur ses genoux sa jeune fille. Les deux ont mis les pieds à Montréal le 23 décembre, après être passées par le village de Saint-Bernard-de-Lacolle. Mme Moise a dû quitter son époux et sa carrière de professeure en Haïti devant l’ampleur de la crise qui secoue actuellement son pays. Sa famille aurait également subi de l’intimidation en guise de représailles pour son militantisme politique. «Des fanatiques sont entrés chez moi en 2019 et 2022 et nous ont battus, mon mari et moi. La dernière fois, ma fille était présente.»

Les papiers qui sont devant elle représentent donc une porte de sortie pour Mme Moise et sa fille. Les premières étapes bureaucratiques d’immigration au Canada laissent croire que l’avenir que leur réserve le Québec ne sera pas un long fleuve tranquille. Alors, une chose en son temps. La paperasse d’abord, puis, après, le marché du travail. «Je sais que je suis qualifiée. Je peux et je veux travailler», insiste Bethesda Moise.

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