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Soins palliatifs à domicile: «Ça donne l’espoir que tu vas être encore debout le lendemain»

Martyne Achard aime dire qu’elle et ses patients, comme Jan Rok Achard, sont en «collaboration».
Martyne Achard aime dire qu’elle et ses patients, comme Jan Rok Achard, sont en «collaboration». Photo: Clément Bolano/Métro

«On parle des soins [palliatifs] fréquemment, mais on laisse peu souvent les gens qui les vivent en parler», lance Jan Rok Achard.

L’homme de 79 ans a accepté d’ouvrir les portes de son domicile de Villeray à Métro lors d’une visite à domicile de Martyne Armand, infirmière à la Société de soins palliatifs à domicile du Grand Montréal (SSPAD).

Depuis «la date fatidique» de 2017 et un accident, les problèmes de santé se sont enchaînés pour le septuagénaire. Il souffre aujourd’hui de fibrose pulmonaire, une maladie chronique incurable.

Les sujets de la maladie, des soins palliatifs et de la mort ne sont pas toujours faciles à aborder avec les malades et les familles, mais «partager cela est quelque chose d’important», estime-t-il.

«Si, par votre entremise, les gens apprennent sur ça par quelqu’un qui le vit, ça peut avoir un certain impact», poursuit celui qui a dirigé l’École nationale du cirque à Montréal pendant 13 ans.

«La maladie te frappe sans que tu choisisses, parfois de façon violente. […] Je suis obligé de faire face à des choses et je dois faire des deuils. Ceux de ne plus travailler, de ne plus voyager – ce qui m’écœure profondément –, et la perte d’autonomie», énumère M. Achard.

Les soins palliatifs sont souvent l’objet d’idées reçues, tout comme les patients qui en bénéficient, parfois réduits à de simples «mourants». Le septuagénaire, comme toutes les autres personnes en soins palliatifs, n’en est pas un. S’il doit toujours rester branché à une bouteille d’oxygène, Jan Rok Achard continue de profiter des «petits plaisirs de la vie».

«Je lis, j’écris, je m’informe… Je m’installe sur ma chaise dehors quand le beau temps est là. On fait les palabres avec les petits, les grands et les vieux culs, ça, ça me garde en vie. C’est ça qui lui donne un sens», souligne-t-il.

Le privilège d’être chez soi

Comme de plus en plus de patients le demandent, l’ex-professionnel des arts du cirque a fait appel aux soins palliatifs à domicile.

Premièrement, pour lui épargner de se déplacer à l’hôpital toutes les semaines. «Ce n’est pas par manque de moyens; je n’ai pas la force d’y aller», explique-t-il.

De plus, il échappe de la sorte au milieu très médicalisé des établissements de santé. Un élément non négligeable, selon lui, de la façon dont les gens perçoivent les personnes malades. Surtout, le lien humain créé avec les équipes du SSPAD est tout aussi important pour le patient que son traitement.

«On devient familier, on s’habitue, et on s’apprivoise. Je suis avec une professionnelle, mais le rapport est plus égalitaire qu’avec un médecin à l’hôpital. On arrive à se livrer de façon intime, il y a comme un calme… ça permet d’être serein», résume Jan Rok Achard.

«On peut parler de choses difficiles. Il peut y avoir de l’émotion, mais à l’hôpital, il n’y a pas le temps pour ça car [un autre patient] attend», ajoute-t-il.

Quand Martyne vient rencontrer ses patients, elle n’observe pas seulement leur état de santé en lien avec la maladie. Elle vient voir comment va la personne, tout simplement. Pour l’homme de 79 ans, «cela fait une maudite différence».

«C’est pour moi quelque chose d’absolument exceptionnel d’échanger sur quelque chose d’autre que l’état de santé», indique M. Achard.

Un rapport privilégié que l’on «ressent rarement dans un hôpital». Et une relation qui aide le malade dans son cheminement.

«Ça donne l’espoir que le lendemain, tu vas être encore debout et tu pourras continuer. Tu ne sais pas combien de temps, mais c’est quand même important», affirme le natif de Jonquière.

«On est une équipe formidable»

L’offre de services de la SSPAD est une des plus complètes dans cette spécialité au Québec. Les bénéficiaires et leurs familles peuvent par exemple demander un préposé aux soins, une aide psychologique et même spirituelle, ou même l’intervention de physiothérapeutes ou ergothérapeutes à domicile.

«On est une équipe formidable», sourit l’infirmière, qui travaille depuis 2002 pour la SSPAD. Interrogée sur la difficulté émotionnelle de son travail, elle confirme que «ça n’a jamais été facile».

«Au début, j’ai trouvé ça confrontant, mais j’ai grandi tranquillement. On apprend toujours de nouvelles choses, c’est une grande richesse», note-t-elle.

À quelques années de la retraite, Martyne a toujours vécu son travail comme une vocation. Sa mission est claire: prodiguer des soins de qualité, être à l’écoute et permettre au malade de terminer ses jours dans son milieu de vie, éventuellement entouré de ses proches.

«L’émotivité m’emmène vers des bas-fonds importants parfois. C’est vrai que tout ça est lié à la mort. Elle ne me dit pas que je vais guérir, elle; sa présence est déjà réconfortante», témoigne Jan Rok Achard.

Avec la compagnie de son chat Cocotte, l’ancienne figure du cirque montréalais continue de profiter «des petits bonheurs au quotidien». Loin de penser à son dernier souffle, il profite chaque jour de l’air printanier et des enfants du quartier qui lui rendent visite. Il n’y a pas de fatalisme, la vie suit son cours. C’est aussi ça, les soins palliatifs, quand ils sont pratiqués à domicile.

La demande de soins palliatifs à domicile augmente

Depuis sa création en 1973, la Société de soins palliatifs à domicile du Grand Montréal (SSPAD) collabore essentiellement avec les Centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l’Est et du Nord de Montréal.

L’organisme sans but lucratif prend en charge de 1300 à 1400 patients par année, dont 900 dans l’est. Cela permet de «mieux répondre à la demande de notre population et d’offrir des soins de fin de vie en toute dignité», explique à Métro un relationniste du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal.

Les services de la SSPAD s’ajoutent donc à ceux «déjà offert dans [les] centres hospitaliers».

Le CIUSSS de l’Est a récemment manifesté son intention de conclure un contrat de gré à gré avec la SSPAD. Elle estime en effet que la SSPAD «est le seul [prestataire] qui peut combler tous les besoins en termes de services de soins palliatifs à domicile», détaille l’établissement.

L’offre de services de l’organisme est en effet une des plus complètes sur le territoire montréalais. «Ils ont besoin d’infirmiers spécialisés, de préposés aux soins ainsi que de nos services de psychologie et d’intervenants spirituels», détaille Bérard Riverin, directeur de la SSPAD.

«Nos partenaires connaissent la qualité et quantité de nos services. Ils savent qu’on est agiles car on n’a pas de liste d’attente», analyse-t-il.

Partiellement en raison du vieillissement de la population, la clientèle de la SSPDAD a augmenté de 20% au cours des deux dernières années. «On voit en effet une augmentation progressive des demandes au fil des années», ajoute le CIUSSS de l’Est.

L’organisation souhaite ainsi améliorer l’accès aux services «puisque la demande évolue».

La SSPAD prend également en charge 500 patients du CIUSSS du Nord et 50 à 60 patients de l’Institut de cardiologie de Montréal. En 2020-2021, selon les données du ministère de la Santé et des Services Sociaux du Québec, 21 211 Québécois recevant des soins palliatifs avaient opté pour les obtenir à domicile, dont près d’un quart sur l’île-de-Montréal.

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