Deux femmes «perdues en mer» doivent se défendre

HONOLULU — Deux femmes qui prétendent avoir été perdues en mer pendant plusieurs mois après être parties d’Hawaï pour se rendre à Tahiti maintiennent avoir été victimes d’une violente tempête le soir de leur départ, avec des vagues de dix mètres et des vents ayant la puissance d’un ouragan, même si les données météorologiques démontrent qu’aucun mauvais temps ne frappait la région à ce moment.
Des images satellitaires de l’agence spatiale américaine ne montrent aucune tempête organisée là où Jennifer Appel et Tasha Fuiava comptaient se rendre à bord de leur voilier de 15 mètres.
Le seul cyclone tropical se trouvait près de Fidji, à des milliers de kilomètres à l’ouest d’Hawaï. Des tempêtes localisées peuvent se former, mais une tempête qui sévit pendant trois jours aurait été captée par les satellites et des avertissements auraient été lancés.
«Nous avons frappé une tempête de force 11, et ça a duré deux nuits et trois jours», a déclaré mardi Mme Appel.
Les navigatrices disposaient d’une balise d’urgence, et des secours se seraient rapidement dirigés vers elles si elles l’avaient activée. Elles ont toutefois dit mardi qu’elles ne l’ont pas utilisée parce qu’elles ne croyaient pas leurs vies en danger; en revanche, elles ont aussi déclaré avoir craint de ne pas survivre jusqu’au lendemain, avoir été attaquées par des requins-tigres pendant six heures et avoir lancé des signaux d’urgence pendant au moins 98 jours.
«Nous savions que nous n’allions pas nous en tirer, a dit Mme Appel. C’est à ce moment que nous avons commencé les appels de détresse.»
La mère de Mme Appel, Joyce, a dit à l’Associated Press avoir communiqué avec la Garde-côtière des États-Unis dix jours après leur départ pour Tahiti — un périple qui devait durer environ 18 jours. La Garde-côtière ne sait rien de cet appel; elle dit avoir reçu un appel d’un «proche de la famille», un homme, le 19 mai, plusieurs jours avant l’arrivée prévue des femmes.
Les navigatrices ont affirmé avoir confié les détails de leur trajet à des amis et à des parents. Elles ont ensuite dit à la Garde-côtière n’avoir rien fait de tel.
Leur récit de l’attaque des requins-tigres suscite aussi l’étonnement. Elles affirment que des bêtes mesurant de six à neuf mètres ont attaqué leur embarcation pendant six heures, mais les experts affirment qu’un tel comportement n’a jamais été observé et que les requins-tigres mesurent tout au plus cinq mètres.
Le chercheur Kim Holland, de l’Université d’Hawaï, n’a jamais entendu parler d’un requin qui attaquerait un bateau toute la nuit. Il ajoute que les requins-tigres ne sautent pas hors de l’eau et qu’ils n’attaquent pas de manière synchronisée.
Les requins pourront se rassembler autour d’une source de nourriture, comme la carcasse d’une baleine, mais M. Holland croit que c’est peu probable dans ce cas-ci «puisqu’il n’y a rien pour (les) attirer. Je veux dire, c’est simplement une coque inerte».
D’autres détails de leur «aventure» changent au fil du temps. Les femmes disent maintenant avoir communiqué avec quelqu’un sur l’île de Wake, après avoir affirmé que leurs appels étaient restés sans réponse.
Quant au navire de pêche taïwanais qui les aurait secourus, les navigatrices disent avoir craint que l’équipage ne leur fasse du mal, même si elles ont tout d’abord déclaré que les matelots étaient aimables. Leur voilier aurait aussi été endommagé par le navire.
«Je pense qu’ils savaient qu’ils endommageaient (le voilier). Et si nous n’obtenions pas d’aide, le voilier coulerait, et ils auraient (…) deux femmes pour faire tout ce dont ils avaient envie», a expliqué Mme Appel.
Rejoint par l’Associated Press, le capitaine du navire taïwanais a dit avoir reçu un appel d’urgence, puis aperçu quelqu’un qui agitait un objet blanc à bord d’une embarcation à une distance d’environ deux kilomètres. Les deux femmes auraient alors demandé d’utiliser le téléphone satellite du navire et d’être remorquées jusqu’aux îles Midway. Le lendemain, les navigatrices auraient mis fin au remorquage pour appeler la marine américaine. Elles auraient refusé les vivres offerts par l’équipage taïwanais.
Les pêcheurs sont repartis après l’arrivée du U.S.S. Ashland.
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DES TROUS DANS LEUR HISTOIRE?
– Les femmes prétendent avoir affronté trois jours de vagues de dix mètres et de vents de 100 kilomètres/heure parce qu’aucun port hawaïen n’était assez grand pour accueillir leur voilier de 15 mètres. Plusieurs ports de l’archipel peuvent pourtant accommoder des navires de croisière.
– Les navigatrices prétendent que les six moyens de communication dont elles disposaient sont tous tombés en panne. Un ancien responsable des opérations de recherche et sauvetage pour la Garde-côtière a dit ne jamais rien avoir entendu de tel. Phil Johnson croit que les femmes ne savaient possiblement pas comment utiliser leur balise d’urgence.
– Les navigatrices sont parties pour Tahiti le 3 mai. La mère de Mme Appel prétend avoir appelé la Garde-côtière dix jours plus tard. La Garde-côtière dit avoir reçu un appel de la part d’un homme le 19 mai.
– Les femmes affirment avoir été attaquées par des requins-tigres géants de six ou neuf mètres. Un des requins aurait sauté hors de l’eau pour tomber sur leur voilier. Un expert a dit que de tels comportements n’ont jamais été observés et que les plus gros requins-tigres mesurent cinq mètres.
– Les navigatrices prétendent avoir été perdues en mer, sans contact avec qui que ce soit, pendant des mois. Mais il y a quelques jours, elles ont indiqué avoir communiqué avec quelqu’un au port de l’île Wake.