Le Liban manifeste à nouveau après des heurts avec la police
Des milliers de Libanais ont à nouveau manifesté dimanche dans le centre de Beyrouth, où étaient déployés de nombreux membres des forces de sécurité, au lendemain de heurts entre des contestataires antipouvoir et la police.
Brandissant des drapeaux libanais, les manifestants, mobilisés depuis le 17 octobre contre une classe politique accusée de corruption et d’incompétence, ont scandé des slogans hostiles au premier ministre démissionnaire Saad Hariri.
A la veille de consultations parlementaires pour nommer un nouveau chef de gouvernement, les contestataires, qui réclament un cabinet composé de technocrates et d’indépendants, refusent une possible reconduction à son poste de M. Hariri, qui a démissionné le 29 octobre sous la pression de la rue.
«Nous n’accepterons pas Hariri à la tête du prochain gouvernement parce qu’il a contribué à la corruption et au « système » qui gouverne le pays», a déclaré Carla, une manifestante de 23 ans, à l’AFP.
«Nous n’arrêterons pas tant que nous ne parviendrons pas à déraciner l’ensemble du « système »», a-t-elle poursuivi.
Venue manifester contre «la classe politique qui ne nous entend pas depuis 60 jours». Nour, une pharmacienne, a estimé que les heurts de la veille étaient «honteux, parce que nous sommes pacifiques».
Samedi soir, des dizaines de personnes ont été blessées à Beyrouth, les forces de sécurité ayant fait usage de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc.
Au lendemain de ces violences, le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a appelé sur la radio France Inter «les autorités politiques» libanaises à «se secouer», estimant que le pays se trouvait «dans une situation dramatique».
«Usage excessif de la force» au Liban
Les heurts ont éclaté quand des manifestants ont tenté de franchir un barrage de police bloquant l’entrée d’une avenue menant au Parlement, avant de se poursuivre ailleurs en centre-ville, enveloppé par l’épaisse fumée des gaz lacrymogènes.
Un photographe de l’AFP a alors vu des hommes en tenue civile, matraquer des manifestants. La police anti-émeute a tiré des balles en caoutchouc et les manifestants ont jeté des pierres, selon la même source.
La défense civile libanaise a annoncé sur Twitter avoir «transporté 36 blessés vers des hôpitaux», tandis que 54 civils ont été soignées sur place.
La Croix-Rouge libanaise a elle transporté 15 blessés vers des hôpitaux et soigné 37 personnes sur place, selon un bilan communiqué à l’AFP. Les blessés étaient des civils mais aussi des membres des forces de sécurité.
Les Forces de sécurité intérieure ont évoqué dimanche sur Twitter une vingtaine de blessés dans leurs rangs transportés vers des hôpitaux, d’autres ayant été soignés sur place.
Ces violences sont les plus significatives depuis le début de la mobilisation, qui s’est globalement déroulée dans le calme. Mais les accrochages se sont récemment multipliés et les forces de sécurité ont plusieurs fois eu recours à la force.
La ministre de l’Intérieur Raya el-Hassan a réclamé dimanche aux Forces de sécurité intérieure l’ouverture d’une enquête «rapide et transparente» pour déterminer les responsabilités dans les violences.
Elle a évoqué la présence de personnes «infiltrées» et alerté les manifestants sur «des parties» qui tenteraient «d’instrumentaliser» les rassemblements pour provoquer une «confrontation» avec les forces de l’ordre.
Le chef des Forces de sécurité intérieure, Imad Othman, est allé dimanche à la rencontre des manifestants, qu’il a appelés à la retenue. «Nous devons tous être pacifiques», a-t-il dit.
Sur Twitter, Diala Haidar, qui travaille sur le Liban pour l’ONG Amnesty international, a dénoncé un «usage excessif de la force» par les forces de sécurité, évoquant la présence d’hommes en civil, certains masqués, attaquant les manifestants.
Pour un gouvernement «efficace et crédible»
Jusqu’à présent, les principaux partis du Liban n’ont pas réussi à s’entendre sur le successeur de M. Hariri qui, avec son gouvernement, continue de gérer les affaires courantes, bien qu’il ait présenté sa démission.
Car si le système politique du Liban doit garantir l’équilibre entre les différentes communautés religieuses, il ouvre la voie à des tractations et des marchandages interminables. La formation du nouveau cabinet pourrait donc s’éterniser, dans un pays économiquement au bord du gouffre.
Réunis mercredi à Paris, les principaux soutiens internationaux du Liban, dont la France ou encore les Emirats arabes unis et les États-Unis, ont conditionné toute aide financière à la mise en place d’un gouvernement «efficace et crédible», qui engagerait rapidement des réformes «d’urgence».
La Banque mondiale prévoit une récession économique pour 2019 avec un taux de croissance négatif qui dépasserait les -0,2%. Environ un tiers des Libanais vivent sous le seuil de pauvreté, selon l’organisation.