Célébrer l’apport des Latino-Américains au Québec, au-delà du folklore

proclamation de la loi 1094
Gabriela Casas (deuxième à gauche) et Luis Zúñiga (troisième à droite) avec des membres de l’organisme Héritage hispanique Québec ainsi que l'ex-députée Carole Poirier lors de la présentation du projet de loi 1094 à l’Assemblée nationale le 6 décembre 2017. Photo: Assemblée nationale du Québec / Courtoisie Luis Zúñiga

L’apport de la communauté latino-américaine à la société québécoise s’étend au-delà de l’art et des traditions culturelles issues d’une mosaïque de plus de 20 pays. La communauté souhaite faire reconnaître la contribution de ses membres dans toutes les sphères de la société. Celle-ci représente un patrimoine aussi important pour les générations à venir.

Métro s’est entretenu avec la première députée d’origine latino-américaine qui a brisé «le plafond de verre» en politique québécoise et deux instigateurs du projet de loi 1094 qui a donné lieu à la proclamation du Mois du patrimoine hispanique au Québec. Ils nous font part de leur vision de cette commémoration, soulignée durant le mois d’octobre depuis quatre ans.  

«C’est important de souligner notre folklore et notre apport culturel, mais nous voulons aussi qu’on reconnaisse notre présence et notre participation sociale et économique au Québec», lance Gabriela Casas, l’une des instigatrices du projet de loi présenté à l’Assemblée nationale le 6 décembre 2017, par l’entremise de l’ex-députée Carole Poirier et de l’équipe d’Héritage hispanique Québec.

Québec souligne officiellement cette commémoration, à la suite de l’adoption à l’unanimité de cette loi à l’Assemblée législative du Québec le 6 juin 2018.

«Cette loi est un héritage important pour nos enfants et nos petits-enfants, qui permettra de préserver notre culture», dit pour sa part Luis Zúñiga, ex-président de l’organisme Héritage hispanique Québec. Tout comme Mme Casas, il a été à l’origine des démarches qui ont mené à l’adoption de la loi 1094.

Le chemin qu’on forge aujourd’hui forme l’héritage que nous laisserons à nos enfants pour qu’ils n’oublient pas leurs racines.

Luis Zúñiga, Chilien établi au Québec depuis 1977

Une contribution sous-valorisée

M Zúñiga considère comme important de célébrer le Mois de l’héritage hispanique, mais il croit que la reconnaissance doit se traduire par des actions concrètes pour que la participation des immigrants latino-américains soit reflétée dans les différentes sphères de la société.

«Il y a encore beaucoup de peintres réputés, d’ingénieurs et d’autres professionnels latinos qui travaillent comme concierges, qui nettoient des planchers et lavent des toilettes, alors qu’ils devraient être en train de travailler dans leur domaine», déplore le fondateur de l’Association hispanique et latino-américaine de Boucherville et de la Rive-Sud, qui travaille notamment pour faire rayonner la culture et la littérature latino-américaines dans la région.

Mme Casas partage le sentiment de M. Zúñiga et soutient que «les capacités des immigrants latino-américains sont très souvent sous-valorisées».

«Je tiens à montrer à mon fils que les latinos font des choses importantes au Canada, que nous sommes plus que de la main-d’œuvre pour des entreprises», exprime la présidente du chapitre montréalais de l’association Red Global MX, un réseau de professionnels mexicains résidant à l’extérieur du Mexique, qui compte actuellement 6500 membres à travers 35 pays.

Il est très important que nos enfants puissent être fiers de leur héritage latino-américain.

Gabriela Casas, professeure de la Faculté de sciences politiques et sociales de l’Université autonome du Mexique au Canada

Pour cela, il est essentiel de braquer les projecteurs sur ceux qui ont réussi à briser le plafond de verre, selon Mme Casas. «Il faut célébrer les entrepreneurs, les gestionnaires, les professionnels et les politiciens latino-américains qui rayonnent dans la société québécoise. Ils sont un motif de fierté pour notre communauté.»

Briser le plafond de verre

«Quand on traverse un plafond de verre, on envoie un message très fort de représentation», lance Alejandra Zaga Mendez, nouvelle députée de Québec solidaire à Verdun, et première femme latino-américaine à être élue à l’Assemblée nationale du Québec.

«Ce message est très important. Il donne de l’espoir aux jeunes générations qui voient que c’est possible d’y arriver.»

Pour Mme Zaga Mendez, arrivée du Pérou à 14 ans et ayant grandi dans une famille monoparentale modeste, être la première femme d’origine latino-américaine à faire son entrée au Salon bleu représente une grande fierté.

«Je crois que mon histoire, c’est aussi l’histoire de beaucoup de familles immigrantes. Nous ne partons pas de la même place [que les Québécois] pour y arriver.»

Je suis contente d’avoir été élue pendant le mois d’octobre, cela a un symbolisme très fort.

Alejandra Zaga Mendez, députée de Québec solidaire à Verdun

Gabriela Casas estime que les Latino-Américains ont développé une grande résilience et une grande capacité d’adaptation, notamment parce qu’ils viennent de pays où les conditions sociales et économiques sont difficiles.

«Une fois que nous réussissons à franchir la barrière imposée par le nom qu’on inscrit sur notre CV, nous pouvons mettre en valeur nos capacités et notre créativité pour montrer ce qu’on est capables de faire», soutient la productrice et journaliste au média hispanophone Cronica Norte, voué à informer les nouveaux arrivants des faits saillants de l’actualité canadienne et québécoise dans leur langue.

Reconnaître les obstacles

«On amène dans nos bagages [quand on immigre] une richesse qui se tisse avec nos nouveaux héritages. Faire de la politique, c’est ma façon de montrer mon amour et mon engagement envers la société que j’aime», dit Mme Zaga Mendez, qui a choisi de concrétiser son engagement social et politique au sein de Québec solidaire depuis plus de 13 ans.

Si elle est heureuse qu’on fête la contribution des Latino-Américains au Québec, elle croit «qu’il faut encore se demander ce qu’on peut faire pour que tous et toutes se sentent pleinement Québécois et Québécoises».

La députée Alejandra Zaga Mendez souligne qu’il est important de reconnaître les obstacles économiques et sociaux à l’inclusion de toutes les personnes au Québec. «Comme société, il faut être capables de les dépasser.»

«On dit que si l’on travaille fort, on réussit. Cependant, j’ai vu dans mon parcours beaucoup de personnes qui travaillent fort, qui occupent plusieurs emplois à la fois et ils n’arrivent toujours pas. Pourtant, cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas les connaissances ou les capacités», explique la députée.

Nous avons des choses à changer dans notre système pour qu’on puisse avoir tous et toutes des chances égales.

Alejandra Zaga Mendez

Selon le recensement de la population canadienne de 2016, 133 920 personnes étaient d’origine latino-américaine au Québec, soit 1,7% de la population de la province et 12,9% des minorités visibles présentes dans la province.

Selon le plus récent recensement de la population en 2021, 177 155 personnes au Québec ont déclaré être des hispanophones.

Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.

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