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Canadien en séries: une affaire de gros sous

Julien Arsenault, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Il n’y a pas que les partisans qui souhaitent que leur formation favorite se qualifie pour les séries éliminatoires de la Ligue nationale de hockey (LNH); le tournoi printanier est aussi une affaire de gros sous pour les propriétaires, réseaux de télévision, restaurateurs, tenanciers de bars et détaillants.

Contrairement à l’an dernier où aucune des équipes canadiennes ne s’était taillé une place en séries, le portrait sera bien différent cette année alors que cinq des six équipes canadiennes participent aux séries éliminatoires.

Pour certaines formations, ces quelques semaines de jeu additionnelles constituent la différence entre une année rentable et un bilan écrit à l’encre rouge, alors que pour d’autres, comme le Canadien de Montréal, il s’agit d’une occasion d’ajouter de l’argent dans des coffres déjà bien remplis.

«On estime qu’un match des séries permettrait au Canadien de Montréal de générer des revenus dans une fourchette de 2,5 millions $ à 3 millions $», explique le professeur titulaire et expert en marketing du sport à l’École de gestion de l’UQAM, André Richelieu.

Selon les estimations de la revue américaine Forbes, le Tricolore — qui n’ouvre toutefois pas ses livres — a généré des revenus de 202 millions $ US lors de la saison 2015-2016 en plus d’afficher un bénéfice de 76,9 millions $ US. Tout porte à croire que le Tricolore devrait voir ses profits grimper cette année grâce en raison de sa participation aux séries éliminatoires.

«Pour le Canadien, financièrement, les séries représentent en quelque sorte une prime, analyse M. Richelieu. Mais pour d’autres, dans des marchés plus fragiles, c’est essentiel pour asseoir la marque de l’équipe.»

En plus de ne pas verser de salaires aux joueurs au terme des 82 matchs de saison régulière, les équipes augmentent généralement le prix des billets pendant les séries éliminatoires, ce qui rend les matchs payants.

«Uniquement pour la première ronde, la plupart des équipes haussent d’au moins de 30 à 35 pour cent le prix des billets, analyse Ray Lalonde, ancien chef de la direction marketing du Canadien de Montréal et expert du marketing sportif. Pour les équipes dans de plus petits marchés, un parcours en séries peut effacer une mauvaise année aux guichets.»

Sur le site web du Canadien, le prix de la majorité des billets oscille entre 92 $ et 465 $. L’organisation a néanmoins continué d’offrir «quelques centaines» de billets à 28 $ l’unité pour les plus jeunes, précise son vice-président des communications, Donald Beauchamp.

Au-delà des profits, le tournoi printanier du circuit Bettman représente également un «outil marketing puissant» pour les équipes qui tentent d’attirer des commanditaires et renouveler les abonnements de leurs détenteurs de billets de saison.

L’ex-chef de la direction marketing du Tricolore souligne par ailleurs que les formations approchent les matchs de séries éliminatoires de façon bien différente à ceux de la saison régulière.

«Les séries représentent un événement rare, explique M. Lalonde. Les équipes investissent par exemple davantage dans le spectacle d’avant-match, pour rehausser l’apparence des billets ainsi que dans les produits dérivés comme les souvenirs.»

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Des restaurateurs et tenanciers de bars qui salivent

Pour de nombreux bars et restaurants, la mauvaise saison du Tricolore a laissé des traces l’an dernier. Les propriétaires de ces établissements risquent cependant d’avoir l’occasion de se reprendre cette année.

«L’impact des séries, ce sont des hausses d’achalandage marquées lors de soirées habituellement calmes, comme les lundis et les mercredis», explique Jean Bédard, président et chef de la direction de Groupe Sportscene (TSX:SPS.A), propriétaire de l’enseigne La Cage — Brasserie sportive.

Pour le réseau de restaurants, chaque ronde éliminatoire disputée par le Tricolore représente des revenus supplémentaires d’environ 1 million $, soit entre 1 et 1,5 pour cent de son chiffre d’affaires annuel, qui a été de 106,8 millions $ lors de l’exercice 2016.

L’an dernier, l’enseigne estime avoir livré de bons résultats grâce à son repositionnement, mais la mauvaise saison du Canadien a néanmoins eu une incidence négative, particulièrement au troisième trimestre, période qui comprend les séries.

«Après le temps des Fêtes, les gens ont rapidement décroché avec le Canadien, analyse M. Bédard. Ç’a stagné du côté des ventes.»

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Molson Coors est hockey

Sans surprise, la présence de cinq équipes canadiennes en séries est une «bonne nouvelle» pour Molson Coors (TSX:TPX.B), qui a signé, en 2011, une entente de commandite de sept ans évaluée à un peu plus de 375 millions $ US avec le circuit Bettman.

Le brasseur établi à Montréal et Denver est également le partenaire principal du Canadien, des Maple Leafs, des Sénateurs ainsi que des Oilers.

«Dans les amphithéâtres, nous détenons les droits exclusifs de versage, explique François Lefebvre, directeur des affaires corporatives, Québec et Atlantique, chez Molson Coors. C’est excellent pour nous.»

Dans chacun des quatre marchés, Molson Coors détient également, dans un rayon de 75 kilomètres, l’exclusivité des promotions, ce qui, par exemple, permet au brasseur d’afficher le logo d’une formation sur les canettes de bière vendues.

Au Québec, chaque tour éliminatoire peut faire grimper de cinq à 10 pour cent la taille des volumes vendus par les clients — les supermarchés, dépanneurs, restaurants et bars — du brasseur. L’entreprise n’a pas dévoilé de façon précise l’impact financier que pourraient avoir les séries sur ses activités canadiennes.

«Les séries représentent des occasions de consommation vraiment importantes, souligne M. Lefebvre. Les gens se réunissent et consomment généralement des produits alcoolisés en regardant les matchs.»

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Les espoirs de TVA Sports

À l’instar de la plupart des amateurs, TVA Sports, qui a ravi les droits francophones de la diffusion des matchs de séries éliminatoires au Réseau des sports en 2014, espère sans doute un long parcours de la Sainte-Flanelle.

Pendant la saison régulière, la chaîne sportive de Québecor (TSX:QBR.B) ne diffuse que les matchs nationaux du Tricolore (en outre les parties du samedi), ce qui représente un peu plus de 20 parties.

En série, c’est toutefois TVA Sports qui possède l’exclusivité de la diffusion des matchs dans la langue de Molière, ce qui lui permet d’engranger d’importants revenus publicitaires, à condition bien sûr que le Canadien assure sa présence en séries, ce qui n’a pas été le cas l’année dernière.

Au cours de 2015, soit à sa première année comme diffuseur officiel de la LNH, la chaîne avait affiché une perte de 39 millions $, comparativement à 19 millions $ l’année précédente. Les données pour 2016 — où le Canadien a raté les séries — devraient être dévoilées par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes plus tard cette année. La chaîne a décliné la demande d’entrevue de La Presse canadienne.

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