À genoux devant les médias sociaux

L’action sociale semble de moins en moins efficace au Québec. Devant Philippe Couillard et son gouvernement, nos mouvements sociaux s’avèrent incapables de parvenir à leurs fins. Pourtant, notre société dépense énormément d’énergie et de capital humain sur différents enjeux.

Malheureusement, nous obtenons très peu de résultats! Les libéraux sont majoritaires, nous leur avons offert ce mandat et ils gouvernent comme bon leur semble, au maximum de leurs compétences. Ce néolibéralisme est ancré au Québec, le manque d’ambition est flagrant, ce gouvernement est le reflet de notre société. Tout porte à croire que nous sommes incapables d’obtenir ce que nous voulons.

Malgré les nombreuses revendications, le mutisme politique alimente la déception et le cynisme de la population. Il y a eu de nombreuses chaînes humaines autour des écoles à travers la province. La grogne s’est fait entendre dans nos CPE et dans nos CHSLD. Notre système de santé bat de l’aile et nos infirmières semblent insatisfaites du ministre Barrette. Ce n’est plus important, l’été achève, il est bientôt temps de remettre la housse sur le BBQ, de nouveaux enjeux feront surface à l’automne et les autres seront enterrés. Il y a eu des printemps, il y aura d’autres manifestations, des sourires, des photos sur les réseaux sociaux, des vitres cassées, des rassemblements, des chansons, des bébés joyeux, des paroles à profusion, des discussions à Tout le monde en parle, des débats et des casseroles. Toujours la même histoire, peu de progrès, peu de résultats. Un gaspillage collectif d’énergie, des déceptions sociales, un capital humain en danger devant les décisions de nos élus.

Il faut se questionner sérieusement sur les moyens de faire progresser notre société. Sommes-nous debout comme peuple, sommes-nous suffisamment radicaux? L’écart entre les riches et les pauvres continue de s’élargir, nous serons confrontés à un choc démographique et une autre récession mondiale s’approche à l’horizon. Les changements climatiques ne semblent pas réveiller notre instinct de survie. Il me semble que la meilleure stratégie à adopter est de concentrer nos efforts sur un enjeu et obtenir des résultats avant de passer à autre chose. Mais dans ce monde accéléré où notre cerveau est constamment conditionné à visualiser des centaines de nouvelles par jour, il est de plus en plus difficile de se concentrer. Nous ne semblons plus prendre le temps de régler les choses.

Il semble y avoir un manque de témérité et de détermination du peuple québécois lorsqu’il revendique des changements. La gratuité scolaire, une meilleure accessibilité aux études postsecondaires, est-ce déjà terminé ce projet merveilleux? Avons-nous déjà abandonné? La protection de nos richesses naturelles, de notre eau, les oléoducs, avons-nous réellement progressé depuis vingt ans?

C’est maintenant au tour du salaire minimum à 15$, le retour des chaînes humaines devant les écoles du Québec, la laïcité, l’égalité homme-femme, etc. Comme peuple, nous ne réglons presque rien, des effluves de compromis, debout le temps que ça passe. Il faut continuer, sinon nous n’obtiendrons rien, mais pourquoi est-ce aussi difficile de parvenir à nos fins? Qu’est-ce qui m’échappe? Le consensus populaire semble clair. Nous débattons sur des enjeux, ça oui, mais qu’advient-il des consensus, des décisions, pourquoi sommes-nous incapables de faire bouger les choses? Les lois ne changent pas à l’Assemblée nationale, les compressions budgétaires continuent de saigner les Québécois.

Après le référendum de 1995, le printemps érable est devenu le plus grand mouvement populaire au Québec. Dans les deux cas, les moyens demandaient énormément d’énergie, d’efforts et de solidarité. Dans les deux cas, des résultats décevants et démesurés comparativement à la grandeur des moyens. Le mouvement étudiant englobait beaucoup de choses, l’éducation principalement, mais aussi une grande écœurantite collective devant les libéraux. Il faut admettre que rien n’a changé ou presque. Devant ces constatations, je ne peux que conclure que nous passons de moins en moins de temps à nous impliquer dans des activités politiques ou dans des mouvements sociaux. La politique est devenue une grande campagne de relations publiques. Il ne faut jamais oublier que notre détermination et notre solidarité comme peuple est essentielle à la démocratie. Ça ne doit jamais être facile de gouverner. Sans nous, le gouvernement aurait les deux mains dans le buffet.

Devant les faits, malgré la corruption, malgré le manque d’ambition, ce même gouvernement dirige la province depuis 2003. L’austérité continue de faire des ravages, les deux pieds dans le ciment, nous continuons de mourir à petit feu.

L’économie de l’attention
Il y a une chose que les capitalistes et les entrepreneurs du web ont comprise: les gens s’ennuient éperdument. Les entreprises se battent entre eux pour quelques secondes additionnelles de notre temps. Cette économie a un nom: l’économie de l’attention.

Chaque jour, de nouvelles technologies volent du temps aux utilisateurs. Les yeux rivés sur nos appareils, quelques secondes additionnelles par jour sur Facebook ou sur Snapchat représentent des millions de dollars pour les jeunes milliardaires de la Silicon Valley. Les profits proviennent du nombre de publicités que l’utilisateur observe dans une journée. Tristan Harris est un ancien ingénieur informatique de Google. Son travail consistait à inventer des produits pour faire passer le plus de temps possible aux humains sur leurs applications mobiles. Selon lui, la technologie pirate l’esprit des gens: «des millions d’heures sont simplement volées à la vie des gens». C’est un phénomène inquiétant! De plus, selon plusieurs agences de la santé, dont la Régie de l’assurance-maladie du Québec, le TDAH est en train d’exploser chez les adultes, il est 25 fois plus élevé qu’en 1996, les statistiques sont également à la hausse pour ce qui est des maladies mentales et des dépressions. Les prescriptions de psychostimulants sont en train d’exploser en Europe et en Occident. Rien pour éveiller et améliorer notre société devant les enjeux politiques de demain. Un monde meilleur est possible, personne n’en veut. La dépendance au statu quo et aux nouvelles technologies est trop forte. Le vivre ensemble est en danger.

Enfin, vous commencez peut-être à mieux me connaître, je fonde peu d’espoir sur notre espèce. Les gens ne veulent plus évoluer, c’est devenu trop facile de survivre. Nous vivons dans un monde où il y a de moins en moins d’attention sur la réalité. A contrario, les gens passent de plus en plus de temps sur des applications mobiles et Internet. Une dépendance gravissime, un plaisir irréel, la servitude volontaire des temps modernes.

Quelle est la première chose que font les humains le matin? Passer du temps sur leur téléphone. Chaque jour, la moyenne de temps d’utilisation sur nos appareils mobiles augmente. À notre insu, virtuellement, cette drogue nous donne l’impression de faire quelque chose, au lieu d’accomplir des tâches réels et utiles. Avec la réalité virtuelle et les casques comme Oculus Rift, cette situation risque de s’accentuer, il y a de véritables modèles de projection dans l’économie de l’attention. Des entreprises comme Facebook et Google sont prêtes à payer des milliards pour acheter des entreprises voleuses de temps, ce temps tellement important, des heures essentielles au bon fonctionnement de notre société.

Dans ce contexte moderne, il est normal qu’on laisse des partis nous gouverner. L’attention au monde réel est une richesse qui sert à épanouir un être humain et une collectivité. Imaginez si chaque être humain passait quelques heures par jour à lire, à discuter de politique avec des amis ou des membres de sa famille, deux petites heures par jour à participer dans la communauté. Deux petites heures à apprendre au lieu de passer des heures interminables à dérouler le fil d’actualités de Facebook ou d’Instagram. Imaginez tout ce qu’on pourrait accomplir, si nous étions moins préoccupés par les derniers filtres de Snapchat. Je crois qu’il est là le véritable problème, tout est conçu pour nous voler notre temps, pour nous divertir, tout est conçu pour faciliter le travail des politiciens et maintenir l’État au service des entreprises et des milliardaires de ce monde.

Si j’écris ce texte, ce n’est pas pour m’exclure de cette situation. Je suis complètement accro aux médias sociaux et je sais profondément que ma santé mentale et la santé de ma société se détériore.

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