Les deux certitudes
Avez-vous envoyé votre déclaration fiscale? C’est demain la date finale. Faut pas oublier. J’ai «oublié» de faire mes impôts ya quelques années. Ça m’a coûté cher. C’était de la négligence. Je savais que je les ferais. C’était pas du : «HAHA! Vous m’aurez pas, je fais pas mes impôts.» C’était plus du : «Aaaaah! Ça me tente pas, je ferai ça l’année prochaine.» J’étais jeune. J’étais fou. C’est là que j’ai compris la phrase : «Ya deux certitudes dans vie, la mort et les impôts.» T’as beau vivre la vie «marginale» que tu veux, tu te sauves ni de l’un, ni de l’autre.
Avec les années, plusieurs fois, mon rapport aux impôts a changé. Vers sept ans, c’était un rapport d’ennui le plus total. Je me souviens dans la cuisine chez ma grand-mère, assis à la p’tite table de souper des enfants. J’écoutais les grands parler, puis ça jasait d’impôts, de taxes, d’où allaient leurs impôts, trop d’impôt là-dedans, pas assez ailleurs. Je ne comprenais pas qu’on puisse tenir une conversation aussi plate aussi longtemps. Je me faisais la promesse de ne jamais devenir comme ça. Une espèce de sac de peau qui se plaint de payer des impôts. Je voyais 10 personnes perdant l’immense potentiel de jouer à serpents et échelles, de se raconter des blagues, de boire plus de liqueur noire.
Ado, mon rapport n’était pas clair. Je jouais le jeu, mais sans intérêt. C’est-à-dire que la politique ne m’intéressait pas vraiment. Ça vient avec le temps, l’intérêt pour la gestion du jeu. En plus, à 16 ans, je payais pas d’impôt, j’en retirais. T’es moins regardant sur la destination de ton argent quand on t’en redonne un peu au lieu de t’en prendre. Je m’achetais une nouvelle paire de running shoes, puis je me disais qu’on avait un gentil gouvernement après tout. J’ai des Air Jordan! De quoi veux-tu que je me plaigne?
Jeune vingtaine, conscient-insouciant. L’époque où ça m’a coûté cher d’apprendre à être à jour dans mes affaires. C’est une leçon que t’as une fois. Aujourd’hui? Je suis devenu ce que je détestais. Je checke la game, la Commission Charbonneau, les requins en tous genres, les mauvais gestionnaires pis je m’insurge. «Mes impôts! Y font n’importe quoi avec!»
Les impôts, c’est de l’argent qui appartient à tout le monde, donc à personne. C’est un peu comme le principe de l’aide. Dans une rue bondée, si quelqu’un est dans le besoin, ça peut prendre du temps avant que quelqu’un l’aide, parce que le sentiment de responsabilité est dilué. La responsabilité est partagée par tellement de monde que, finalement, elle ne revient à personne. C’est, je pense, ce qui crée en partie l’espèce de laisser-aller insouciant des gestionnaires publics, du col blanc au col bleu. Gaspiller l’argent de tout le monde revient à gaspiller l’argent de personne. Pis y a la mauvaise gestion citoyenne, par exemple de pas faire ses impôts… J’étais jeune.
Allez, bon courage. Plus que quelques années à payer avant que l’autre certitude vienne nous délivrer.
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