Changer de café
Je suis installé dans un café-crêperie où y a personne depuis des heures. C’est fatiguant ça. J’étais sorti pour m’inspirer de l’environnement, du monde autour. Y a pas un maudit chat depuis 30 minutes. Sauf une fille qui a commandé une crêpe salée. Moi, je viens de finir ma crêpe déjeuner-dîner chocolat-banane de 13 h 30. M’en fous. J’fais ce que je veux. J’t’un adulte.
Mais qu’est-ce que t’observes quand y a rien d’autre à observer que toi? Y a personne. Y a rien. Une napkin. Bon, cool. En fait, c’est un truc à napkins en métal, où elles sont debout sur deux côtés. Ça faisait longtemps j’en avais pas vu aux tables. Ça me fait penser aux restaurants déli quand j’étais ti-cul, avec les juke-box aux tables où tu pouvais mettre des vieilles tounes pour 25 cennes. Wow, on dirait j’ai 112 ans. Je pense qu’il y en a encore au restaurant Capri, coin Rosemont et De Lorimier. Si un trio poutine, coke, Blue Suede Shoes vous dit.
Y a deux plantes dans le café. J’sais pas s’ils les arrosent souvent. J’ai transféré ma plante de pot récemment parce qu’elle se mourait. J’ai fait une recherche sur Google pour voir qu’est-ce qui pourrait être en train de la tuer. J’ai tapé : «Qu’est-ce qui peut tuer une plante?» Je suis tombé sur cette page d’un forum où un gars demandait : «Comment tuer une plante en faisant en sorte que sa mort paraisse naturelle?» Sa femme a hérité d’une plante qu’il trouve laide, et il veut la tuer incognito, tueur à gages style! C’est un thriller conjugal végétal! Tu pensais avoir tout vu dans CSI. C’est ce qui manque, une enquête sur la mort suspecte d’une plante. Est-ce une mort naturelle, un meurtre, un suicide? La suite après la pause. Tuer la plante laide de ta femme subtilement. L’amour avec un grand A.
J’ai demandé un verre d’eau. Oh shit. Contact humain. Yes, quetchose à raconter. Bon, comment ça s’est passé. J’ai demandé un verre d’eau. Elle m’a dit : «Bien sûr.» Elle me l’a versé, me l’a donné. Fin. Caliss. Bon, là, y vient de partir une toune de hip-hop qu’on entend d’habitude dans un magasin genre Dynamite, ou Aldo. Mais je suis dans une crêperie. C’est un peu weird. C’est comme si quand le Canadien marquait un but, ils mettaient d’la flûte de Pan full écho montagneux. «Et le but!!» «Fuuu… Fouuuu… FiiiiFuuu… Fooooo.»
Oh, de l’action. Deux monsieurs aux accents un peu impossibles à décoder viennent se commander des cafés. On dirait des clients réguliers. Le genre qui ont leur p’tites habitudes, qui prennent leur café au même endroit à tous les jours depuis 10 ans. J’adore ce genre de personnes, de personnages. Mais c’est pas moi. J’ai jamais été très fidèle avec mes coiffeuses ou mes cafés. Besoin de changement, de mouvement. Justement, y est temps que je bouge. Il se passe pu rien dans le café.
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.