Se lancer dans l’plein
Je sais pas pour vous, mais ma dernière année ressemble à un film de crise existentielle du genre Mange, Prie, Aime, sans les pâtes, ou Into the Wild, sans mourir. En un an, je suis parti de Drummondville, en couple, sans gérant, sans projet digne de mention devant moi, et j’ai vécu une séparation, j’ai déménagé à Montréal, couché à gauche et à droite tout le printemps, je me suis trouvé un gérant, j’ai monté un spectacle solo au Zoofest qui a connu un bon succès (tant auprès du public que des critiques et des pairs), je me suis déniché un appart, j’ai rencontré une charmante dame et j’ai signé un contrat d’édition de roman. J’appellerais mon film : Mange, Ris, Wild.
Souvent on a peur… Tant qu’on voit pas sur quoi on va atterrir, on n’ose pas sauter. Si je me fie à mon expérience personnelle et à celle des autres, la confiance d’atterrir sur un coussin moelleux, c’est ça, le coussin moelleux. La confiance. Rien d’autre. La confiance, c’est le rembourrage, la mousse dans le coussin. Où tu vas habiter, quelle job tu vas trouver, avec qui tu vas refaire ta vie – c’est la couleur du tissu, ça va venir. La confiance, c’est tout ce qui compte.
Quand tu te retrouves en chute libre, tout ce qui n’est pas «important», soudé à toi, se dissout. T’as le temps de te tâter le chest, les poches, voir ce que t’as, ce que t’es, qui reste intouché. Talent, santé, amis, meubles. C’est comme faire un bilan après un naufrage. Comme Tom Hanks dans Seul au monde. Tu checkes ce que t’as sous la main. Malheureusement, j’avais aucun ballon. Je l’aurais appelé Denis. Mais, j’avais la santé, mon talent, des amis, des meubles. On sous-estime l’importance d’une laveuse-sécheuse. Surtout l’hiver.
Je me suis toujours demandé ce qui poussait les gens qui avaient vécu de grands changements dans leur vie à vouloir partager leur histoire. Pourquoi ils font pas juste vivre leur nouvelle, si belle vie? Je pense que l’excitation est telle que tu veux la partager. Tu veux dire au monde : «Venez!» Comme dans un parc d’attractions quand ta gang de chums a peur de faire le manège, que toi tu y vas, que tu capotes, puis que t’arrives en bas. «Man, vous comprenez pas! Y FAUT que vous veniez. C’est MALADE!» C’est un peu comme la morale de Into the Wild : «Le bonheur n’existe que lorsqu’il est partagé.» À ne pas confondre avec l’autre morale : «Au printemps l’eau monte, puis ça se peut que tu meures de faim dans une roulotte.»
C’était pas la première fois de ma vie que je me lançais dans le vide, mais c’était certainement la plus intense. Je déteste l’expression «se lancer dans le vide». Y’a rien de vide quand t’écoutes ton instinct. C’est plein. Plein de toute. Plein de nouvelles rencontres, plein de projets, plein d’abondance, plein de vie, plein de défis. Le vide, c’est quand on n’a rien de tout ça. On se lance pas dans le vide, on en sort, du vide.
On se lance dans l’plein. Joyeuses Fêtes.
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.