La cohérence
Au mois de mars, la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère a atteint un nouveau record, selon l’Agence américaine océanique et atmosphérique (NOAA). Cela nous rappelle que le CO2 continue d’augmenter dans l’atmosphère et à de façon toujours plus rapide.
Le mois dernier, la Banque mondiale affirmait : «Cette année, la communauté internationale peut et doit trouver les moyens de financer des politiques contre le changement climatique.»
La semaine dernière, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a enjoint les gouvernements de consacrer la part du lion de leurs investissements énergétiques à la recherche d’innovations durables.
Ces jours-ci, le gouvernement du Québec mène une Évaluation environnementale stratégique (EES) sur la filière des hydrocarbures en général, ainsi qu’une EES sur l’exploitation du pétrole de schiste de l’île d’Anticosti. Ces EES visent à «faire le point sur l’état des connaissances et à acquérir les renseignements nécessaires pour définir les orientations gouvernementales à l’égard des enjeux environnementaux, sociaux, économiques et de sécurité liés au développement des hydrocarbures et à leur transport».
Le 30 novembre prochain s’entamera la Conférence mondiale sur le climat de Paris. À ce sujet, le premier ministre Philippe Couillard affirmait, le 13 avril : «Partout, on reconnaît l’importance du rôle des États fédérés, des régions, dans cette question des changements climatiques. Pourquoi? Parce que c’est à notre niveau que se situent les principaux impacts, et les principaux leviers d’action.»
Le mois dernier, plus de 20 000 citoyens, signataires du manifeste pour un Élan global, ont réclamé au gouvernement du Québec de se doter d’un plan de sortie du pétrole d’ici 2050.
Pendant ce temps…
… Les travaux de forage sur l’île d’Anticosti ont repris. Ils cherchent à évaluer le potentiel de pétrole de schiste qui se trouve dans le sous-sol de l’île. C’est le gouvernement du Québec qui paie la plus grande part de ces travaux d’exploration, en investissant 56,7 M$ sur un budget total de 100 M$.
… Parmi tous les aspects que le gouvernement souhaite évaluer dans le cadre de l’EES d’Anticosti, on ne trouve aucune évaluation des impacts environnementaux.
… Québec a récemment accordé un contrat en vue de la réalisation d’une étude qui devra «estimer et décrire» les infrastructures qui seraient nécessaires pour exploiter et exporter le pétrole d’Anticosti. Pour la première fois, on parle ouvertement d’exporter cette énergie plutôt que de la réserver à la consommation des Québécois.
… Les militants du PQ s’apprêtent à élire un chef qui s’est engagé à donner le feu vert à des forages sur l’île d’Anticosti.
… En vue de la Conférence de Paris, tous les pays doivent fournir à l’ONU leurs cibles de réduction des gaz à effet de serre (GES). Des 200 pays, le Canada figure parmi les 4 à n’avoir pas encore fait ses devoirs.
… Dans son mémoire déposé dans le cadre des consultations des EES, l’ingénieur en géologie Marc Durand explique que pour exploiter du gaz ou du pétrole de schiste, il faut aussi dépenser entre le sixième et le quart de l’énergie produite pour le sortir du sol. La production de ce pétrole est donc elle-même polluante.
… Des économistes et gens d’affaires se sont moqués publiquement de l’Élan global.
… Pour la première fois au Québec, il s’est vendu, en mars, plus de véhicules utilitaires sport (VUS) que de voitures.
Cette recension très brève montre une chose : devant l’urgence d’agir pour ralentir les changements climatiques, notre plus grand défi est un défi de cohérence. Une cohérence entre, d’une part, la nécessité que nous constatons et la volonté que nous affichons et, d’autre part, les gestes que nous poserons.