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Sauvez mon âme

Vous souvenez-vous du personnage de Lucy, la petite boss des bécosses de la bande dessinée Charlie Brown? Des fois, pour mieux jouer dans la tête des autres, elle s’improvisait psychiatre et offrait à son entourage des consultations pour la modique somme de 5 ¢. Invariablement, les clients en ressortaient toujours plus mêlés.

Je ne sais pas pour vous, mais, depuis un bout de temps, j’ai l’impression d’être pourchassé par une armée de Lucy… Vous les connaissez, ces scanneurs de l’âme qui se croient capables de lire jusqu’au plus profond du fin fond de chacun. Formés à l’université du Dr Phil et nourris par des livres de psycho pop achetés en solde chez Zellers, ces «diagnostiqueux-sans-frontière» nous imposent leur maudite analyse farfelue sans aucune gêne. Leur leitmotiv : «Moé, je l’sais c’que t’as…»

Prenez l’autre jour. J’avais rendez-vous avec l’hygiéniste dentaire. À un moment donné, elle me demande : «Avez-vous pensé à suivre des cours de yoga? Vous devriez. Ça vous aiderait à perdre cette fâcheuse habitude que vous avez de serrer les mâchoires quand vous dormez. Souvent, c’est causé par des traumatismes de l’enfance…» Et moi qui croyais être là pour un nettoyage. En passant, Madame, la soie dentaire, c’est bien Freud qui a inventé ça, n’est-ce pas?

Tiens, ça me rappelle aussi la fois où je me suis rendu chez l’ostéopathe. J’ai le dos mal foutu depuis un accident de ski survenu dans ma tendre jeunesse. Un jour, en pleine crise, je me présente d’urgence pour me faire tâter le malaise. Au bout de cinq minutes, madame ostéo me demande si j’ai déjà lu tel bouquin à propos de la connaissance de soi écrit par un obscur nobody dont je n’avais franchement rien à giguer.

«Ça vous aiderait à agir sur vos lésions au niveau lombaire par la seule pensée positive.»  J’eus beau lui raconter que je m’étais enroulé autour d’un tronc d’arbre et que les talons m’avaient tapé le derrière de la tête, je parlais dans le vide. J’étais devenu, selon son expertise inébranlable (!), l’unique maître de mes souffrances. «Tout est émotion…» qu’elle a ajouté. Un peu plus et je lui demandais si on ne pouvait pas m’ouvrir le crâne sur-le-champ pour en extraire la racine de mon mal de dos…

Quelqu’un pourrait-il me prêter 5 ¢? Je dois absolument parler à Lucy…

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