La démocratie au travail

NEW YORK - SEPTEMBER 17: A woman working at the Park Slope Food Coop on September 17, 2010 in the Brooklyn borough of New York City. The Park Slope Food Coop, where shoppers must work periodic shifts at the grocery store in order to buy there. The Coop has been named the largest consumer-owned single-store Cooperative by sales in the U.S., tallying $39.4 million during its last fiscal year. (Photo by Chris Hondros/Getty Images) Photo: Archives Getty

Imaginez que pour 35 heures de travail bénévole par année vous ayez accès à un supermarché dont les prix sont de 20 à 40 % moins élevés que ceux des autres épiceries. Et qu’en prime, on s’occupe de vos enfants pendant que vous faites vos emplettes. Cerise sur le sundae : c’est vous qui décidez, avec les 15 000 autres personnes membres de l’épicerie, des orientations générales du commerce : quels aliments privilégier, comment répartir le temps de travail, les heures d’ouverture, etc. Tout cela, en échange de moins de trois heures de travail par mois.

C’est le modèle de la Park Slope Food Coop, une coopérative située à Brooklyn (New York), où les travailleurs sont aussi les propriétaires et les clients. Quand on y entre, on voit tout de suite le ballet bien chorégraphié des différentes tâches exécutées par les travailleurs-clients-proprios : caissiers et caissières postés à la sortie, préposés aux étalages maniant les aliments et les étiquettes, administrateurs au deuxième ensevelis sous la paperasse. Le garde de sécurité souriant accueille les clients à l’entrée… et regarde avec circonspection les non-membres : on ne peut y entrer qu’à condition d’être accompagné par un membre en règle et on vous remet alors un énorme badge orange fluo qui ne laisse aucun doute sur votre statut de non-membre!

Y mettre les pieds, c’est découvrir l’incroyable potentiel, encore peu exploité par nos économies, du modèle de la coopérative de travailleurs. Il y a, dans cette expérience new-yorkaise, quelque chose comme une «preuve de concept», la démonstration de la faisabilité de cette formule, qu’on présume souvent être irréaliste.

Face à nos modèles traditionnels, une entreprise où les gens travaillent ensemble, en sont les clients tout en en étant les propriétaires, ne peut sembler a priori que vouée à l’échec. S’il n’y a pas de hiérarchie, comment les décisions se prendront-elles? Si tout le monde est propriétaire à parts égales, quelle sera la motivation de chacun à être productif? Et d’où viendra le capital nécessaire pour lancer la business? Les réponses à ces questions sont très variables, selon les types d’entreprise, leur taille, le marché dans lequel elles évoluent et la collectivité qu’elles desservent. Mais voilà peut-être le point le plus important : elles se construisent par et pour les travailleurs, elles trouvent au sein même de la communauté qu’elles créent les solutions aux problèmes lorsqu’ils surviennent.

Dans une étude publiée en février dernier, la chercheuse Virginie Pérotin, de la Leeds Universty Business School, s’est penchée sur les effets des différents types de propriété et de gouvernance sur la performance des entreprises en Europe. Elle montre que bien des mythes au sujet des coopératives se révèlent faux: les coopératives de travailleurs survivent au moins aussi longtemps que les autres entreprises et offrent donc des emplois stables; elles sont plus productives que les entreprises classiques, car le personnel travaille «mieux et plus intelligemment»; et les écarts de rémunération entre les gestionnaires et les non-gestionnaires sont beaucoup plus petits dans les coopératives de travail que dans les autres entreprises.

L’étude de Pérotin permet de montrer que les coops de travail sont un modèle viable, mais d’autres recherches doivent être réalisées pour outiller ces organisations afin qu’elles résolvent les problèmes qu’elles ont, par exemple ceux liés à la taille de l’entreprise.

Au Québec, l’expérimentation autour de différents types de modèles coopératifs s’intensifie. Je vous en parle la semaine prochaine.

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