Rendre à Bernard ce qui appartient à Drainville
Bernard Drainville a quitté la politique pour renouer avec le journalisme. Autant j’ai aimé l’animateur télé, autant j’ai été opposé au ministre responsable de la charte sur la laïcité.
Je ne me rappelle pas exactement quand j’ai vu pour la première fois Bernard Drainville à la télé de Radio-Canada, mais j’ai aussitôt apprécié l’intervieweur chevronné et impitoyable. Il avait des airs de redresseur de torts face à ses invités récalcitrants.
Or, à l’époque, je ne me doutais pas que ce journaliste aguerri allait devenir le père adoptif de l’une des sagas politiques les plus déchirantes du Québec.
Pour vous dire, j’ai été un téléspectateur assidu de La part des choses à RDI et je ne mets pas en question ni la sincérité du nationalisme de Bernard Drainville, ni sa conviction souverainiste. Je salue encore aujourd’hui son sens exemplaire du service public.
Toutefois, après son saut en politique, en 2007, et surtout son implication directe dans le dossier épineux de la charte dite des valeurs québécoises au sein du gouvernement Marois, je n’y suis pas allé de main morte pour le critiquer.
Entre 2012 et 2014, que ce soit en public ou en privé, je n’ai raté aucune occasion pour dénoncer la dangerosité de cette charte qui allait de facto créer une citoyenneté de seconde zone au Québec, celle des QuébécoisEs de confession musulmane.
Certes, la Charte de Drainville ne ciblait pas nommément les musulmanes du Québec, mais personne n’est dupe. Généralement, quand on évoque les signes religieux ostentatoires, dans la perception du public occidental, ceux-ci se résument au voile porté par des femmes musulmanes.
Et qu’on se le tienne pour dit, être ou ne pas être pour le voile n’est pas le fond du sujet. Dans une démocratie comme la nôtre, aucune religion, ni idéologie d’ailleurs, n’est à l’abri de la critique dans le respect de la dignité humaine.
Mais telle qu’elle a été proposée, la charte de Drainville a ouvert une boîte de pandore au Québec. Même aujourd’hui, on n’a pas assez de recul pour mesurer l’ampleur de ses dégâts sur notre société.
Je suis convaincu que le ministre Drainville a raté une occasion historique de réconcilier tous les Québécois qui ont fini par se rallier majoritairement à l’interdiction du port des signes religieux ostentatoires pour les personnes en autorité, comme les juges ou les policiers.
Cela dit, je veux aussi rendre à Bernard Drainville ce qui lui appartient. Malgré ma farouche opposition à sa charte, dans l’adversité qu’il nous a imposée, des deux bords de la clôture, chacun a mis à l’épreuve ses convictions et son argumentaire. Et plusieurs ont fini par faire des concessions nobles. C’est le propre de la démocratie.