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Le gangsta rap du maire Vaillancourt

Photo: Mario Beauregard/TC Media

Sentence bonbon. Expression consacrée par l’inimitable Claude Poirier, je crois bien. Sans appel et populiste à souhait. Presque autant que la célèbre « Charte des criminels », expression faisant cette fois référence au fait que la Charte canadienne protègerait, sans vergogne ou nuance, les bandits du pire acabit.

Mais bon. La beauté de l’une comme de l’autre réside dans ceci: manifester, à grand coup de batte de baseball, sa frustration face au système judiciaire. Particulièrement en matière criminelle. Parce que rien, je crois bien, ne peut mettre autant une population en colère qu’une décision qui lui appert injuste ou inique. Pensons Guy Turcotte.

Tant mieux, en un sens. Que les citoyens, et non seulement les juristes, s’intéressent à la loi des hommes (et des femmes) est nécessairement une bonne affaire. Reste, bien sûr, qu’il est préférable de considérer le portrait d’ensemble avant de s’exciter l’actus reus.

L’affaire du maire Vaillancourt me semble, ici, un bon exemple. Le monde-il-est-pas-content. On peut comprendre, remarquez bien. Comme fripouille politicienne, difficile à battre, le Gilles. Le premier de l’histoire du pays à être accusé de gangstérisme, passible de prison à vie. Je répète: gang-sté-risme. Vous savez, l’infraction adoptée afin de coffrer plus facilement les Hell’s Angels. Ou les Rock Machine. Des gros méchants à tatouages qui ont, comme occupation professionnelle, le banditisme. La différence avec ces gaillards et monsieur le maire? La Harley Davidson… Je pense.

Parce que pour le reste, pas mal semblable. Accusé de toutes parts, c’est-à-dire au criminel, au civil et par le fisc, notre motard élu avait, à plusieurs niveaux, intérêt à en finir rapidement. L’entente négociée avec la Couronne se détaille alors comme suit: un six ans à l’ombre, avec de nouveaux copains. Le remboursement de 8,5 millions de dollars, aussi. En échange, on laisse tomber le chef d’accusation de ganstérisme, et on efface l’ardoise. Je suis un Hell’s Angels à pied, chantait Robert Charlebois…

Sentence bonbon, donc? Oui et non.

Oui, quand on pense qu’il sera sorti de prison dans environ deux ans, plutôt que la prison à vie (si la Couronne avait pu prouver l’acte de ganstérisme). Assez peu pour un fraudeur professionnel qui, pendant toutes ces années, a profité de la naïveté de ses électeurs et de l’incapacité des flics à dévoiler le pot-aux-roses (les médias ont fait le job à leur place). Pour une crapule ayant orchestré un vaste réseau de corruption institutionnalisée et détourné, à son bénéfice honteux, l’argent des contribuables. Pire encore: pour signer comme ça, avec quasi désinvolture, un chèque de 8,5 millions, d’aucuns se doutent qu’il doit bien en rester un brin dans le petit (ou le gros) cochon. Surtout qu’il était poursuivi pour quelques millions de plus.

Non, quand on se rappelle qu’il s’agit d’une sentence record pour un élu. Un début. Que selon l’arrêt Jordan, le maire-gangster aurait pu réclamer, à l’instar de ses co-accusés, un arrêt des procédures (voir ici). Parait, à cet effet, que la Couronne aurait pu déposer de nouvelles preuves pour empêcher ce même arrêt. Vrai? Pas vrai? Aller savoir. Reste que la Couronne, selon toute vraisemblance, a préféré ne pas prendre de chance. L’entente conclue pourra possiblement, c’est même prévisible, créer une nouvelle tendance. Celle où l’État se satisfait de moins, mais obtient la garantie de se faire rembourser les sommes volées, sans les aléas d’interminables procès. Déjà pas mal.

Alors voilà, c’est pas mal ça. Non, en fait. Une dernière chose. Vous savez la meilleure? Selon ce qu’on comprend, si, à sa sortie de prison, Vaillancourt se présentait à la mairie de Laval, il l’emporterait à plate couture. Gangsta rap.

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