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Le Venezuela tente de survivre à l’inflation

CUCUTA, COLOMBIA - OCTOBER 04: Venezuelans exchange bolivars, the currency of Venezuela, into Colombian pesos in order to purchase Colombian goods on October 4, 2016 in Cucuta, Colombia. Inflation is one of many serious problems Venezuelans face. The dire economic crisis in Venezuela sends thousands of Venezuelans daily across the international border bridge to Cucuta, Colombia, to purchase food, medicine and other desperately needed supplies. UN Secretary General Ban Ki-moon has called the situation in Venezuela a 'humanitarian crisis'. (Photo by Mario Tama/Getty Images) Photo: Getty Images

Après l’implosion du modèle économique bolivarien, les Vénézuéliens doivent maintenant transporter d’énormes sommes d’argent pour combler leurs besoins de base.

Il n’est pas exagéré de dire que la situation est inconfortable. C’est la réalité. Payer en liquide un repas ou un vêtement au Venezuela demande d’avoir des centaines de billets de banque sur soi, résultat de l’importante inflation qui frappe ce pays d’Amérique du Sud. En 2016, le taux d’inflation a augmenté de 500 %, selon des experts indépendants. D’autres vont jusqu’à qualifier la situation d’hyperinflation, avec une hausse de 729% l’an dernier.

Il n’existe pas d’informations officielles sur le sujet, puisque la Banque centrale du Venezuela ne publie pas de données sur l’inflation depuis la fin 2014. Son ancien président Nelson Merentes avait dit à l’époque : «Nous ne voulons pas que cet indice devienne politique et soit utilisé pour favoriser certains et blesser d’autres.»

Au-delà de la politique, le Venezuela est le leader mondial au chapitre de l’inflation, selon les rapports du Fonds monétaire international et les agences de notation financière. Et il est suivi par des pays comme le Nigeria, le Soudan, la Syrie, le Malawi, le Bélarus, l’Iran et le Ghana.

La situation actuelle est le résultat de 18 ans de contrôles des prix, de régulations de la circulation des devises étrangères et du démantèlement de l’appareil industriel local. Et les estimations pour 2017 prévoient une hausse des prix et des services de 500 à 1 200%.

«Le modèle économique s’est écroulé et, tant qu’il n’y pas de changement politique, il n’y aura pas de changement dans l’économie du Venezuela», a expliqué récemment le professeur de gestion publique José Manuel Puente.

«Le Venezuela a besoin d’un plan d’ajustement financé à l’international par des agences multilatérales et d’un changement dans ses politiques de performance économique. Sans offrir certaines garanties aux marchés, personne n’aidera le pays.

«Un changement significatif dans la politique  gouvernement est nécessaire pour que les organismes internationaux s’impliquent et améliorent la situation économique du pays.» – Iñaki Sagarzazu, professeur adjoint de science politique à l’université Texas Tech, aux États-Unis

En attendant, les citoyens doivent toujours se promener avec des liasses de billets pour leurs achats de tous les jours. Pour les transactions plus importantes, les transferts bancaires sont la norme.

Selon les données des autorités bancaires, 58,30% des Vénézuéliens ont accès aux transactions électroniques et aux cartes de débit ou de crédit. L’inflation et l’insécurité financière sont autant de facteurs qui moussent l’utilisation de ces méthodes de paiement.

Le gouvernement a reconnu implicitement la situation en décembre dernier, en changeant la dénomination de ses billets de banque. Le billet de 100 bolivars, qui était pourtant la plus grande devise avant 2016, va disparaître progressivement pour laisser place aux billets de 500, 1 000, 2 000, 10 000 et 20 000 bolivars. Jusqu’en avril, les Vénézueliens devaient composer avec deux séries différentes de billets.

«Avec ou sans les nouveaux billets, il y a toujours beaucoup d’argent en circulation dans les rues. Les prix augmentent si rapidement que les gens alternent les méthodes de paiement. On ne peut pas se promener avec des liasses de billets dans un tel climat d’insécurité», a raconté à Métro Eugenio Carrizo, propriétaire d’un kiosque de fruits à Caracas.
«C’est un véritable fouillis, je me mélange souvent entre les vieux billets et les nouveaux, puisqu’ils sont de la même couleur. Il faut sans cesse vérifier et recompter pour payer son passage dans les transports en commun ainsi que les factures d’électricité, d’eau et de téléphone. Certains endroits n’acceptent que l’argent liquide, comme les marchés, le bachaqueros (le marché noir) ou les ventes organisées par le gouvernement, où la nourriture est vendue au rabais.»

Un autre marchand, Orlando Vieira, mentionne «qu’il est très difficile de suivre l’évolution des prix. Chaque semaine, le prix de la nourriture augmente et les gens se plaignent. Je crois que nous sommes dans une situation d’hyperinflation, tout va si vite, et le pouvoir d’achat du bolivar est très précaire. Ce n’est pas une question de valeur des billets, mais de politique économique.»

Le début d’une longue bataille

Entrevue avec Iñaki Sagarzazu, professeur adjoint de science politique à l’université Texas Tech, aux États-Unis

Comment décrire la situation actuelle au Venezuela?
La situation est très volatile. Politiquement, le régime commence à montrer des signes de dissension qu’on n’avait jamais vus dans le passé. La procureure générale (anciennement pro-gouvernement) se distancie des abus du régime au niveau de la Cour suprême et des droits humains, comme les abus perpétrés par les forces de l’ordre contre des manifestants.
Économiquement, le mois d’avril a été catastrophique pour le gouvernement, car celui-ci a dû rembourser d’énormes sommes dans le paiement de sa dette. Comme le gouvernement a utilisé la majorité de ses ressources pour faire ses paiements,il a sacrifié les importations, ce qui devrait augmenter encore davantage les pénuries de nourriture et de biens essentiels dans les prochains mois.

Quelles sont les options pour améliorer la situation?
L’Organisation des États américains suggère que des élections générales soient tenues. Cette proposition, qui est saluée par l’opposition, a été rejetée par le gouvernement, qui est bien au courant que des élections le mèneraient à sa perte. À la place, le gouvernement jongle avec l’idée d’une convention constitutionnelle, où la constitution serait réécrite. [NDLR: Il y a deu semaines. le président du Venezuela, Nicolás Maduro, a appelé à l’élaboration d’une nouvelle Constitution pour le pays.] D’autres suggèrent de renvoyer les juges de la Cour suprême et les dirigeants des autorités électorales pour les remplacer de façon plus équitable. Les élections présidentielles auront lieu en 2018.

À quoi peut-on s’attendre à court et à moyen terme?
L’opposition a bien compris que la mobilisation sociale est la clé du succès, beaucoup plus que la négociation. On peut donc s’attendre à ce que l’opposition continue de se mobiliser afin de maintenir la pression sur le gouvernement. Ce dernier pourrait recourir à des manœuvres dilatoires en espérant que les partisans de l’opposition se découragent. Il est donc essentiel que les meneurs de l’opposition ne génèrent pas de fausses attentes comme ils l’ont fait dans le passé. Si le régime ne cède pas, ce pourrait être le début d’une longue bataille.

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