Un livre du SPVM sur l’exploitation sexuelle dans les communautés autochtones
Le livre Mon ami… mon agresseur – un projet du Service de police de la ville de Montréal (SPVM) qui aborde la prostitution, l’exploitation sexuelle et la traite de personne dans les communautés autochtones – devrait bientôt être publié. Mercredi, le comité exécutif a autorisé la signature d’un contrat d’impression et de reproduction avec la maison d’édition Hannenorak, qui sera aussi chargée de traduire et de promouvoir l’ouvrage.
Décrit comme un outil pédagogique, celui-ci sera principalement composé de témoignages de victimes et de textes d’intervenants autochtones, le but étant d’encourager la prise de conscience collective d’une situation «inacceptable», en favorisant la dénonciation avant toute chose.
Rédigé par deux coordonnatrices du programme Les Survivantes du module exploitation sexuelle et proxénétisme du SPVM, le livre est le fruit d’un travail collectif datant de 2011. La Ville dit vouloir permettre aux victimes, par le livre, «de réaliser qu’elles sont sous l’emprise» de leur agresseur, et d’apporter des ressources supplémentaires aux intervenants sur le terrain, tout en informant les citoyens et les policiers sur le phénomène.
«En faisant la lecture de ce livre, le grand public sera mieux au fait de la problématique et sera à même de laisser tomber des préjugés et des mythes jusque-là persistants», indique le document du comité exécutif. Des préfaces et des mises en contextes seront rédigées par le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), Ghislain Picard.
Aux dires de la conseillère associée à la culture et à la réconciliation de la Ville de Montréal, Marie-Josée Parent – qui est aussi autochtone – le projet «est une grande réussite». «C’est un bel exemple de collaboration entre les premiers peuples et le SPVM, a-t-elle expliqué mercredi lors d’une séance du conseil du comité exécutif. Je l’ai lu avec grand intérêt et beaucoup d’émotion. Un texte dur à plusieurs égards, où on entre dans l’intimité de victimes qui ont vécu les abus de notre système.»
Ces héros et héroïnes qui «ont osé dénoncer», a-t-elle dit, «ont décidé de faire confiance à nouveau aujourd’hui». «Il y a tellement de richesse dans ce qui est dit», a-t-elle indiqué, avant de raconter l’histoire de Mani, une jeune Algonquine originaire de l’Abitibi-Témiscamingue, dont le récit de vie est «troublant».
«J’ai grandi dans une famille autochtone, tout ce qui a de plus normal. À 5 ans, j’ai dû être hospitalisée pour une opération à l’oreille. Et après quelques jours, on a m’a placée dans une famille d’accueil, au lieu de retourner à la maison. Je n’ai jamais su pourquoi. J’étais loin de me douter que ma vie changerait ce jour-là.» -Extrait du récit de Mani, dans le livre.
Aujourd’hui intervenante en toxicomanie, Mani est un modèle, «celui d’une femme qui a passé au-delà des traumatismes», et qui s’en est sortie, raconte la conseillère.
Agir maintenant
Durs et troublants, ces portraits dressent surtout le portrait d’une situation alarmante, croit le chef Ghislain Picard. «L’exploitation et la traite sexuelles sont des phénomènes croissants au Canada qui ne peuvent être normalisés et pour lesquels il y a une urgence d’agir, écrit-il dans le livre. Ces femmes et ces hommes doivent vivre dans le respect, sans discrimination.»
La responsable de la sécurité publique du comité exécutif, Nathalie Goulet, abonde dans le même sens. «Ce livre tient compte de la situation particulière et unique des femmes, en fonction du contexte culturel et de leur histoire», a-t-elle illustré. Elle a indiqué que l’ouvrage sera distribué autant dans les communautés concernées que dans les grands centres urbains, en français et en anglais.
Toutes les redevances découlant de la vente de l’ouvrage seront redistribuées aux communautés autochtones, a-t-on confirmé. Le président du comité exécutif, Benoit Dorais, a conclu la présentation du projet en affirmant que le phénomène décrit dans le livre était «à la fois fascinant et troublant».
Mon ami… mon agresseur fait suite au livre du SPVM, Pour l’amour de mon pimp, paru en 2015. Ce dernier aurait, selon les autorités policières, servi de «modèle» pendant l’intervention des policiers à Val-d’Or, dans le cadre de l’enquête sur les victimes autochtones.