Un mois sans… privation?
Je l’écris d’emblée pour ne pas me faire tirer des roches: je n’ai rien contre la Fondation Jean Lapointe. Sa mission est importante. Oui, il faut continuer de faire de la prévention en ce qui a trait à la consommation d’alcool et de drogues, particulièrement chez les jeunes. Ce serait fou de s’y opposer. Mais se priver d’alcool pendant 28 jours… est-ce que c’est vraiment la façon d’y arriver?
Je me permets d’en parler parce que j’ai moi-même déjà relevé le défi du mois de février sans alcool. C’était l’année du lancement du Défi 28 jours, en 2014. Je ne m’étais même pas inscrite officiellement (bravo championne… ça ne rapporte pas grand-chose à la fondation, ça!), mais, avec ma coloc, on avait entendu parler du concept et on s’était dit que ce serait drôle de l’essayer. Il faut admettre qu’à l’époque, on était encore pas mal festives: on venait de finir notre bac et on n’avait pas fait notre deuil des partys universitaires. On se disait que ce serait peut-être difficile, mais on s’est lancé le défi. On prenait des cocktails virgin quand on sortait et on s’achetait de la bière sans alcool à l’appart (on a bu du vin désalcoolisé une seule fois… oubliez ça par contre, aussi bien boire du jus de raisin).
Bref, on a été très disciplinées. Et quand le seuil fatidique des 28 jours a été atteint, comment s’est-on félicité? Avec des shooters, évidemment! Après un mois d’abstinence, on avait le droit de s’offrir une petite beuverie, non?
Je sais que je ne suis pas la seule à avoir fait ça. Je suis convaincue que beaucoup de participants au défi se récompenseront de la même façon encore cette année. Ils vont fêter ça avec une bouteille de champagne, peut-être. Le problème est là: la récompense va à l’encontre de l’objectif.
Je parle du mois sans alcool, mais ce serait pareil avec un mois sans sucre, un mois sans pain/pâtes/patates, un mois sans télé, un mois sans iPhone… name it. Le concept de la privation n’est selon moi pas le bon.
Les diètes ne fonctionnent jamais parce qu’elles se soldent pratiquement toujours par des rechutes dues aux trop grandes restrictions qu’elles imposent.
C’est qu’en interdisant catégoriquement quelque chose du jour au lendemain, il est difficile de trouver des alternatives et d’apprendre à les apprécier… particulièrement si on sait que c’est pour une durée déterminée. On voit plutôt ça comme un passage obligé avant le retour à la normale où on pourra retrouver notre plaisir. C’est pour ça que j’ai de la difficulté avec tous les défis «un mois sans quelque chose».
Réduire la consommation sans tomber dans l’interdiction, il me semble que c’est une solution plus gagnante à long terme. Justement, cette année, la Fondation Jean Lapointe a ajouté à son défi les options week-end sans alcool et semaine sans alcool, plutôt que 28 jours consécutifs. C’est vrai que le défi «Un mois de modération sans privation», c’est moins spectaculaire… Mais c’est pas mal plus sain, finalement.