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Le fédéralisme canadien «inefficace» pour lutter contre les changements climatiques

Annie Chaloux, professeure en politique appliquée à l’Université de Sherbrooke. Photo: Josie Desmarais/Métro

Fédéralisme canadien et environnement ne font pas bon ménage. Selon des experts, le système canadien ne dispose pas des outils nécessaires, dans sa forme actuelle, pour mener un réel combat contre les changements climatiques.

C’est ce dont ils témoignent dans un nouvel ouvrage, intitulé «Le fédéralisme canadien face aux enjeux environnementaux. Le Canada: un État ingouvernable?».

«Le Canada est une fédération très décentralisée. Chacun des niveaux de pouvoir est à peu près souverain dans ses champs. En partant, ça n’aide pas», analyse l’un des co-directeurs du livre, Hugo Séguin.

Si le gouvernement fédéral de Justin Trudeau s’est donné un visage positif à l’international quand est venu le temps d’énoncer des objectifs climatiques, il a rencontré des accrocs dans l’application de politiques tangibles, constate la professeure Annie Chaloux, autre co-directrice du texte collectif.

«On sentait ce souhait-là d’être plus actif. […] Les années qui ont suivi nous ont révélé l’impossible dialogue au Canada sur les questions environnementales», avance-t-elle.

Dans les derniers mois, certaines politiques environnementales fédérales ont frappé un mur dans plusieurs provinces canadiennes. La taxe sur carbone de l’équipe Trudeau sera contestée devant la Cour suprême du Canada au tournant de l’année 2020.

«Le Canada peut négocier des traités internationaux, mais pas obliger les acteurs à mettre en place des politiques sur leur territoire. Ce n’est pas dans ses champs de compétence. Ça doit l’être. Sinon, on assiste à une forme d’incohérence.» – Annie Chaloux, professeure en politique appliquée à l’Université de Sherbrooke.

Clivage Est-Ouest

Les experts présents s’entendent sur un certain fossé sur la question environnementale entre les provinces de l’Ouest et de l’Est. Ce qui ne facilite pas la conversation, selon eux.

«Depuis 1990, les émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 10% dans toutes les provinces à l’est du Manitoba. À l’ouest, ça a augmenté partout», soutient le professeur Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal.

L’idée d’un souverainisme écologiste, pour se distancer des provinces pollueuses, n’améliorera pas la situation environnementale générale, selon Annie Chaloux.

«Que le Québec se sépare pour pouvoir gérer entièrement ses ressources, ça n’aidera pas la cause environnementale. Les gros émetteurs, ce sont beaucoup les provinces de l’Ouest», lance-t-elle.

«Le Québec n’optimise pas l’influence qu’il pourrait avoir, poursuit l’experte. Il y a une difficulté de faire essaimer nos politiques.»

Solutions politiques et légales

Pierre-Olivier Pineau croit que le Canada aurait plus d’incidence en légiférant dans le domaine des transports. C’est là où les clivages transprovinciaux sont moins sévères, affirme-t-il.

«Il faut montrer aux Canadiens qu’ils s’endettent pour des gros véhicules et des infrastructures démesurées», propose M. Pineau.

«Il y a des manières différentes de se transporter qui sont faites pour leur bénéfice immédiat. […] Qu’on développe des alternatives de transport interprovincial sans émission. Comme le chemin de fer», illustre-t-il par ailleurs.

Annie Chaloux suggère pour sa part que la lutte aux changements climatiques nécessite de meilleurs mécanismes pancanadiens.

«Ne pas créer d’instances intergouvernementales sérieuses et régulières, ça fait que, quand les premiers ministres provinciaux se rencontrent, ils vont tout le temps se bomber le torse en disant: qu’est-ce que j’ai fait plus que l’autre?», observe-t-elle.

Une conversation intergouvernementale facilitée par le pouvoir central amènerait potentiellement des solutions à des provinces comme l’Alberta et la Saskatchewan «qui ont des économies largement concentrées dans l’exploitation des ressources», explique Mme Chaloux.

«Si les provinces travaillent davantage ensemble, elles pourraient faire reconnaître de nouvelles avenues de diversification économique», ajoute-t-elle.

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