Profilage racial: un policier montréalais pointé du doigt par la Commission des droits de la personne
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) demande à la Ville et à un policier montréalais de remettre 18 000$ à un homme qui aurait été victime de profilage racial en 2016. Elle réclame aussi d’améliorer la formation des policiers.
Le 4 février 2016, le Montréalais Rivélino Bélizaire a été arrêté par le policier Éric Locas, qui lui a remis une contravention de 48$ pour avoir traversé à pied une rue sans emprunter un passage piétonnier. L’agent du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) aurait alors fait preuve d’agressivité à l’égard du jeune homme, qui n’avait pas sur lui ses pièces d’identité.
M. Locas se serait notamment «moqué de son nom, en lui faisant répéter à maintes reprises, et lui aurait postillonné au visage», constate la CDPDJ dans une décision que Métro a pu consulter.
Le policier a par la suite décidé de se rendre au Cégep Ahuntsic, où M. Bélizaire occupait alors le poste d’agent de sécurité, afin de rencontrer son supérieur. Puisque ce dernier était alors absent, M. Locas a décidé d’y retourner le lendemain pour se plaindre de l’attitude du jeune homme d’origine haïtienne. Une initiative qui lui a valu l’an dernier un blâme du Comité de déontologie policière.
«Le but du policier était de nuire à mon travail et de me faire perdre mon emploi», a déploré dimanche M. Bélizaire, qui a pris part dimanche à une conférence de presse au centre-ville aux côtés de membres du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR).
«À un moment donné, je n’osais même plus sortir du bureau parce qu’il fallait toujours que j’explique à mes collègues ce qui s’était passé […] J’étais mal à l’aise d’aller travailler.» -Rivélino Bélizaire
Un cas de profilage
C’est avec l’appui du CRARR que M. Bélizaire a réussi à obtenir l’appui de la CDPDJ à sa cause. Celle-ci s’est ainsi dit prête à aller devant les tribunaux pour défendre le jeune homme. Dans sa décision, la Commission fait état d’une situation de «profilage» fondée «sur la race et la couleur».
«Quand on regarde l’origine ethnique des personnes qui ont été maltraitées par M. Locas, on voit qu’il y a un pattern», a d’ailleurs soulevé le directeur général du CRARR, Fo Niemi.
De 2002 à 2018, le policier, qui a 24 ans d’expérience, a fait l’objet de cinq plaintes au Comité de déontologie policière, ce qui lui a valu plusieurs sanctions de la part du tribunal administratif. Selon le CRARR, la majorité des personnes qui ont porté plaintes sont issues des minorités visibles.
«[M. Locas] continue d’être déployé sur les routes. Pourquoi n’a-t-il pas été réaffecté à un autre poste où il n’aurait plus à intervenir auprès du public?», a demandé le conseiller du CRARR, Alain Babineau.
Formation des policiers
Afin d’éviter le déclenchement d’un processus judiciaire, le Commission propose un accord hors cour. Elle demande que la Ville remette 15 000$ à M. Bélizaire. M. Locas débourserait, quant lui, 3 000$.
La CDPDJ propose par ailleurs que les policiers montréalais reçoivent des formations sur le profilage racial et «les réalités interculturelles».
Le mois dernier, un rapport universitaire dévoilait qu’à Montréal, les personnes noires courent en moyenne environ quatre fois plus de risques d’être appelées à s’identifier par un policier que les personnes blanches. Depuis, le SPVM a promis de mettre en place diverses mesures pour corriger cette situation.
Le SPVM et la Ville de Montréal n’ont pas commenté ce dossier dimanche.