50 ans d’efforts de conservation des zones humides: une collaboration mondiale
Il y a 50 ans, un appel mondial pour sauver les zones humides a été lancé. Alors que ce type de milieu, longtemps sous-évalué, disparaissait rapidement, une majorité de pays se sont réunis pour créer le premier accord mondial de conservation de cet habitat naturel.
Le 2février 1971, la Convention sur les zones humides d’importance internationale a été adoptée dans la ville de Ramsar, en Iran. Cette «Convention de Ramsar» avait pour objectif de mettre fin à la disparition de ces milieux, et ce, à l’échelle mondiale. Aujourd’hui, 171 pays, dont le Canada, en sont signataires.
Cette convention a contribué à la protection de nombreuses zones humides. Ainsi, plus de 2400 de ces zone sont été désignées d’importance internationale. Le Canada en compte 37, dont celles du lac Saint-Pierre (Qc), de Columbia (C.-B.), des lacs Quill (Sask.) et de l’estuaire de la rivière Grand Codroy (T.-N.-L.).
La Journée mondiale des zones humides marque la signature de la Convention de Ramsar et souligne l’importance de la conservation de ces milieux.
Malgré un accord mondial et une journée qui leur est consacrée, nous n’avons pas été bienveillants au cours des 50 dernières années. En effet, durant cette période, plus d’un tiers des dernières zones humides du monde ont disparu. Ce déclin est plus rapide que celui des forêts et continue de s’accélérer.
Chaque pays, y compris le nôtre, doit maintenant prendre une décision de plus en plus critique: pouvons-nous encore nous permettre d’en perdre?
Nos décisions auront un impact aussi bien pour la nature que pour la population mondiale.
Au Canada, les zones humides se présentent sous plusieurs types. Alors que nos tourbières nordiques comptent parmi les plus vastes et les plus intactes qui subsistent sur Terre; dans le sud du pays, nous avons participé à la perte de plusieurs territoires en asséchant des marécages (boisés et de prairies) et des marais salés côtiers. De nos jours, une fraction de nos zones humides d’origine y subsistent.
Elles constituent aussi des habitats de frai pour de nombreux poissons de pêche sportive. Chaque année, elles sont essentielles à la reproduction de millions de canards et d’autres espèces de sauvagine en plus de jouer un rôle indispensable dans le maintien de nombreuses espèces en péril. Par exemple, des plantes comme la benoîte de Peck, des oiseaux comme le râle jaune et des reptiles comme la tortue mouchetée figurent parmi les espèces les plus menacées au pays.
Il est essentiel pour la population de conserver ces milieux, aujourd’hui, plus que jamais. Leurs effets positifs sont innombrables: les zones humides retiennent les eaux d’inondation, rechargent les ruisseaux en cas de sécheresse, freinent les ondes de tempêtes et servent de coupe-feu. Elles sont le «couteau suisse» de nos indispensables écosystèmes. Nos tourbières nordiques sont des géants mondiaux du stockage de carbone et ces zones sont les meilleures défenses naturelles autour de nos villes et de nos fermes, pour protéger nos communautés contre les phénomènes météorologiques extrêmes et les changements climatiques rapides.
Au Québec, les Québécois et Québécoises se démarquent. Aussi bien le gouvernement, les municipalités que les citoyens ont conscience de l’importance de protéger les milieux humides. L’expertise de Conservation de la nature Canada, combinée à celle de ses partenaires permet d’accélérer grandement le rythme de la conservation de ces milieux.
Célébrer la Journée mondiale des zones humides un 2 février peut paraître curieux puisque bon nombre de ces milieux sont gelés et couverts de neige. Ils attendent patiemment le retour du printemps pour entreprendre leur travail. À mesure que la glace se fissurera et que la neige fondra, elles se rempliront du ruissellement printanier et, à la manière d’éponges géantes, elles transformeront les eaux de crue indésirables en flux estivaux dont nos rivières et nos ruisseaux ont grand besoin.
Les 10 prochaines années marqueront la décennie où nous devrons prendre des décisions pour la nature. Nous avons besoin de plans et de politiques progressistes pour renforcer cet élément essentiel de notre environnement. Les dons faits à Conservation de la nature Canada pour appuyer la protection des zones humides peuvent être égalés par le Programme pour la protection des milieux naturels du gouvernement du Québec, le Programme de conservation du patrimoine naturel du Gouvernement du Canada ainsi que le gouvernement américain dans le cadre de la loi sur la conservation des milieux humides d’Amérique du Nord (North American Wetlands Conservation Act).
Nous pouvons choisir d’être la nouvelle génération qui valorise, conserve et crée des zones humides, ou continuer à transmettre un déficit écologique à nos enfants. Il y a 50 ans, un engagement a été pris envers les générations futures en vue d’arrêter la perte des zones humides. C’est maintenant à nous de l’honorer.
(Joël Bonin est biologiste, spécialiste des amphibiens et vice-président associé à Conservation de la nature Canada au Québec)