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La guérison de Betty Bonifassi aux Îles 

Betty Bonifassi
Betty Bonifassi et Patrick Cyr en spectacle à La Shed Surf Bar aux Îles-de-la-Madeleine Photo: Gracieuseté Betty Bonifassi/Jean-Michel Duclos

Plongée dans la controverse à l’été 2018 avec la pièce SLAV, la musicienne Betty Bonifassi a vécu une profonde blessure et a disparu de l’espace public. Direction les Îles-de-la-Madeleine, endroit pour elle «mystique», où l’air frais, les plages à n’en plus finir, la nature diversifiée, les lignes d’horizon hypnotisantes, les couchers de soleil majestueux et les rencontres inspirantes ont su guérir ses plaies émotives et lui redonner le goût de la création.  

Nul besoin de ressasser la crise de SLAV, le sujet a été suffisamment discuté dans les médias, s’entend-on avec Betty lors de notre premier échange. Elle en a assez souffert, maintenant elle veut passer à autre chose, parler de ce qu’elle fait le mieux, la musique.  

Au mois de juillet dernier, la chanteuse montréalaise, originaire de Nice en France, a fait paraître le titre My Own sur la plateforme de musique Bandcamp après l’avoir offert en exclusivité à Radio-Canada, une première parution musicale depuis la controverse de 2018.  

Cette chanson, elle l’a composée aux Îles-de-la-Madeleine, où elle demeurait à temps plein depuis octobre 2020 jusqu’à tout récemment.  

Betty Bonifassi et Patrick Cyr / Photo : Jean-Michel Duclos

Une oasis salvatrice 

Mais la relation de Betty avec cet archipel iconique du Québec remonte à beaucoup plus loin.  

Son ex-mari, père de ses enfants, partenaire de l’aventure Les triplettes de Belleville, l’a amenée aux Îles en 1998 pour six jours, et elle «ne s’en est jamais remise».  

«J’ai eu un coup de foudre et ça fait près de 25 ans que ça dure, confie-t-elle à Métro. Je viens de la Côte d’Azur, c’est beau chez moi, mais les Îles, c’est le top!» 

Ici, je construis mes affaires. Je n’en ai rien à foutre de ce que les gens en pensent, qu’ils aiment ou pas.

Betty Bonifassi

Le couple y a acheté une maison en 2005. Ses enfants y ont passé tous leurs étés. Le rêve de Betty Bonifassi était d’y habiter à l’année, ce qu’elle a pu faire pendant la pandémie.  

À travers un ami commun, elle a rencontré Patrick Cyr, un musicien des Îles, avec qui elle a développé une belle complicité humaine et musicale. 

«Patrick m’a sauvé la vie», lance-t-elle. 

Rapidement, un projet commun les a unis et motivés: celui de faire un album. 

Au cours des derniers mois, Betty composait, inspirée par la beauté des Îles et par son désir de guérison, en toute liberté, sans aucune pression. Sans que personne n’attende rien d’elle.  

«C’est un luxe d’avoir cette liberté de pouvoir construire qui je suis. C’est ça que l’industrie m’a empêchée de faire toutes ces années. J’étais là pour les servir, je construisais les rêves des autres avec mon travail. Ici, je construis mes affaires. Je n’en ai rien à foutre de ce que les gens en pensent, qu’ils aiment ou pas», raconte celle que l’on a connue notamment auprès de DJ Champion et au sein du duo électronique Beast.  

Elle envoyait ses compositions à Patrick, à qui elle permettait d’expérimenter en ajoutant de la batterie, les deux artistes se réjouissant de la liberté qu’ils s’offraient. Puis, une fois par semaine, le duo se rencontrait pour travailler. Au bout d’un moment, Betty et Patrick avaient créé dix chansons.  

«L’album sonnera très électro-soul-rock. Onirique aussi. Tu sens la ligne [d’horizon] des Îles. Tu sens que je suis dans un espace aéré. My Own, c’est une des déclinaisons de ce que j’ai écrit ici, du fait d’être arrivée avec de la lourdeur et de m’en être libérée. Toutes les chansons sont différentes, n’ont rien à voir avec ce premier titre. On y retrouve tous les styles que je suis capable de faire», explique Betty.  

Le duo a pu offrir ses chansons au public madelinot à quelques reprises lors de concerts organisés sur l’archipel au cours des deux dernières années. 

Betty Bonifassi en spectacle aux Îles / Photo : Jean-Michel Duclos

«On se faisait plaisir toutes les semaines lorsqu’on se rencontrait pour jouer. Je n’avais jamais fait de composition, juste des covers, c’était donc un peu stressant pour moi, mais Betty est super fine, elle m’a donné confiance au boutte», raconte le musicien madelinot. 

S’il n’avait au départ aucune attente, Patrick est maintenant bien motivé à faire un album avec Betty. Plombier aux Îles, organisant lui-même ses horaires, il n’aurait aucun problème à partir en tournée avec la chanteuse des Triplettes de Belleville.  

Ce n’est qu’un début 

Mais la route vers l’album et la tournée n’est pas sans embûches.  

On n’a pas de sous, personne ne répond à Montréal. J’ai eu beau aller deux fois aux Grammys, avoir chanté aux Oscars, voir tous mes albums devenir des disques d’or, j’ai toujours zéro subvention. Je n’ai eu qu’une subvention en 25 ans.

Betty Bonifassi

À la suite d’une publication sur Facebook de l’auteure et militante Djemila Benhabib au mois d’août qui dénonce ce qu’a vécu Betty Bonifassi tout en sollicitant toute aide financière pour qu’elle puisse finir son album, la musicienne reçoit des dons de personnes qu’elle ne connaît même pas. Ça l’émeut énormément. 

En attendant, la chanteuse a récemment quitté les Îles-de-la-Madeleine pour se rendre à Dakar, au Sénégal, où elle a accepté un poste d’enseignante de musique.  

Patrick et elle assurent que, même à distance, ils vont continuer à travailler sur l’album.  

«Mon but serait de revenir aux Îles en juin prochain, terminer l’album et faire un gros show pour célébrer.» 

Les Îles et la musique 

Le spectacle de départ des Îles de Betty s’est fait à la Shed, un bar à cocktails à quelques pas de la plage. La chanteuse se remémore une soirée «incroyable». «Le public est débile ici. De vrais mélomanes. Si ton show éclate aux Îles, il va être bon partout dans le monde.» 

C’est qu’il y a une culture musicale extrêmement forte aux Îles-de-la-Madeleine. «Il y a tellement de musiciens ici, assure Patrick. Il y en a dans toutes les familles.» 

«Aux Îles, la musique est ancrée dans la génétique des gens, ajoute Betty. C’est dans leur moelle épinière, c’est comme un troisième bras.»

Elle tente de l’expliquer du fait que les Acadiens, très nombreux aux Îles, sont un peuple historiquement opprimé.  

«Ils se seraient mis à jouer de la musique ensemble pour traverser les hivers. Ça fait partie de la culture de résilience, je pense.» 

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