Les absences en classe créent une surcharge pour les enseignants
Cela peut sembler contre-intuitif, mais le taux important d’absence d’élèves dans les écoles québécoises entraîne en ce moment une surcharge de travail pour les enseignants. C’est qu’ils doivent assurer le rattrapage des élèves absents afin de leur éviter des retards d’apprentissages accumulés. La situation est telle que certains se demandent s’il est encore possible d’offrir une éducation aux élèves sans être forcés de tourner les coins ronds.
Actuellement, on estime à 150 000 le nombre d’élèves absents des écoles du Québec, rapporte La Presse. Il s’agit d’une situation inusitée, certes, mais qui n’étonne pas l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal.
«On entendait toutes sortes d’anecdotes de profs qui nous disaient qu’il leur manquait sept, huit, neuf, dix élèves dans un groupe pendant une journée», commente la présidente du syndicat, Catherine Beauvais-St-Pierre.
«En temps normal, même avant la covid, la tâche d’un prof est déjà très lourde partout au Québec. Mais à Montréal, c’est encore plus vrai que vrai», explique Catherine Beauvais-St-Pierre. «Particulièrement au secondaire, on a des groupes réguliers qui ont un très gros pourcentage d’élèves soit en difficulté d’adaptation, soit en difficulté d’apprentissage, soit à risque. Donc, beaucoup d’élèves qui ont des besoins particuliers, qui ont besoin d’être accompagnés davantage en classe. À cela, on ajoute la covid, les absences, le fait qu’à Montréal, les élèves ont manqué beaucoup de journées d’école en 2020.»
Ces enjeux qui s’accumulent expliqueraient d’ailleurs la reconduction par le ministère de l’Éducation de ses consignes applicables quant aux apprentissages à prioriser pour favoriser le cheminement des élèves.
«Depuis deux ans, le ministère nous a proposé des programmes priorisés dans lesquels des contenus sont ciblés, dans le sens que le prof a des choix à faire, parce qu’à un moment donné, il va évaluer en fonction de ce qu’il est capable d’enseigner», précise la présidente de la Fédération autonome de l’enseignement, Mélanie Hubert.
Sur ce point, cette dernière ne cache pas sa préoccupation quant à l’impact de cette éducation d’appoint sur le façonnement des élèves. «Quand on sortira de la crise après deux, trois ou quatre ans de cet allégement, comment va-t-on revenir à la normale, alors que des élèves n’auront vu que certains contenus ciblés? On travaille avec des contenus priorisés et on donne des évaluations qui en tiennent compte.»
Cet automne, on nous a dit que les statistiques de diplomation étaient bonnes, mais ces contenus ont été ajustés. Les statistiques, qu’est-ce qu’elles veulent dire?
Mélanie Hubert, présidente de la Fédération autonome de l’enseignement
Retarder les apprentissages?
Si le métier d’enseignant implique la capacité de trouver quotidiennement des solutions créatives pour assurer la réussite des élèves, la vague d’absentéisme des dernières semaines leur pose une colle.
«Au primaire, quand il manque beaucoup d’élèves, le titulaire va attendre à une autre journée pour faire les apprentissages», explique Catherine Beauvais-St-Pierre, qui poursuit en soulignant toutefois que souvent, ce ne sont pas les mêmes élèves qui manquent le lendemain. «On ne peut pas repousser les apprentissages à l’infini parce qu’il y a une année scolaire à faire.»
La récupération est une partie de la tâche de l’enseignant, mais ce n’est pas prévu qu’on va réenseigner pendant la semaine tout ce qui a été enseigné en classe pendant chacune des journées manquées.
Catherine Beauvais-St-Pierre, de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal
Elle souligne une autre embûche: le «système d’éducation inéquitable» actuel fait encore «payer» les élèves en difficulté, allophones, et ceux qui n’ont pas d’espace adéquat pour travailler, soit les mêmes qui ont déjà été écorchés pendant les périodes de confinement.
«S’absenter deux ou trois jours, d’un élève à l’autre, ça n’a pas les mêmes conséquences. Si on a un élève autonome qui apprend facilement et qui est capable de faire ses devoirs à la maison, peut-être que son absence n’aura pas de conséquences. Si on parle d’un élève qui est en difficulté ou dont les parents ne parlent pas français, il ne pourra pas avoir d’accompagnement à la maison pour faire ses devoirs après.»
La présidente de l’Alliance fait valoir que «même si un élève se trouve en situation d’échec à la fin de l’année, souvent on le fait passer à l’année suivante et on se retrouve avec des élèves qui passent d’une année à l’autre sans nécessairement avoir les acquis».
Tout n’est pas perdu pour autant, assure pour sa part Mélanie Hubert. Ceux-ci arriveront peut-être à rattraper ces acquis défaillants l’année suivante, car certaines notions reviennent en boucle tout au long du parcours scolaire.