Troubles mentaux : la quête d’une cause unique
Et si un grand nombre des problèmes de santé mentale avaient une cause commune, cachée dans une série de mutations génétiques ? De récentes découvertes rendent optimistes certains experts… tandis que d’autres appellent à ne pas s’emballer trop vite.
C’est que ce deuxième groupe d’experts se rappelle que ce n’est pas la première fois que l’on cherche une cause commune. Il y a quelques décennies, on croyait même être sur le point de faire une grande percée, alors que de nombreuses découvertes sur les niveaux irréguliers de substances chimiques dans notre cerveau permettaient d’espérer que ces débalancements puissent être un jour ciblés par des médicaments. La dépression et son manque de sérotonine. La schizophrénie et son excès de dopamine.
Mais avec le temps, il a fallu relativiser, résume cette semaine le New Scientist : le magazine de vulgarisation consacre sa dernière édition aux « 13 des plus époustouflants concepts » de la science d’aujourd’hui — et la santé mentale est l’un d’eux. Un faible niveau de sérotonine, par exemple, n’est plus nécessairement considéré comme « la » cause d’une dépression, et les traitements doivent s’ajuster en conséquence.
On ne devrait pas s’étonner d’avoir autant de mal à trouver la clef, commente le psychiatre Allen Frances, de l’Université Duke, en Caroline du Nord, auteur principal de la « bible » des psychiatres, le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders. « Le cerveau, dit-il, est l’objet le plus complexe de l’univers connu, et il ne révèle ses secrets que très lentement. »
Ce qui donne espoir avec la génétique, ce n’est pas seulement que l’occurrence de tous les troubles mentaux examinés jusqu’ici a révélé être influencée par des groupes de plusieurs gènes. C’est surtout que plusieurs des mêmes gènes semblent impliqués dans le risque accru de souffrir de troubles pourtant très différents, incluant la dépression, l’anxiété, la bipolarité et le trouble obsessif compulsif.
En un sens, ça rejoindrait une théorie qui a émergé ces dernières années, celle selon laquelle un mystérieux « facteur p » — dont la définition reste très vague — pourrait être le tronc commun aux différents troubles mentaux. Un groupe de gènes, ou plus exactement de variants, pourrait-il être ce « facteur p », qui rendrait le cerveau plus vulnérable ?
Qu’on mette le doigt ou non sur cette cause commune dans un futur proche, ça oriente déjà la façon d’aborder la maladie mentale : les symptômes prennent plus d’importance s’il y a une cause commune, parce qu’on suppose que la même cause, ou la même vulnérabilité, peut conduire à des symptômes similaires. Et bien sûr, la prévalence plus grande de certains troubles mentaux dans des familles donne du poids à la piste génétique.
Dans un autre reportage sur la question paru en 2020, les experts interrogés par le New Scientist faisaient valoir à quel point une telle percée pourrait « changer comment nous diagnostiquons et traitons les problèmes de santé mentale ». Mais même dans cette perspective, il faut se rappeler de la complexité de notre matière grise, et de la possibilité qu’il y ait encore bien des mystères à résoudre.
Lien vers l’article original
https://www.sciencepresse.qc.ca/actualite/2023/05/15/troubles-mentaux-quete-cause-unique