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«Haïti aurait pu sortir de la misère»

Photo: Getty Images

Le monde, pressé au chevet d’Haïti au lendemain du séisme, promettait la fin de la misère et le début de jours meilleurs pour le pays le plus pauvre d’Occident. Cinq ans plus tard, les rêves d’hier ont, aujourd’hui, un goût amer…

Nouveau cœur pour pays malade

Guypsy Michel, directeur du CECI en Haïti, se souvient du 12 janvier 2010. «J’ai vu tout le désarroi, les rues barrées, la poussière partout. Tout s’effondrait, il n’y avait plus de vie nulle part… Ç’avait l’air de la fin du monde», raconte-t-il à Métro.

Près de 90 % de la capitale haïtienne venait d’être réduite à néant, emportant la vie de 300 000 citoyens et jetant 1,5 million d’habitants à la rue.Mais le peuple haïtien ne s’est pas laissé abattre par l’ampleur du désastre : la destruction du cœur économique et politique d’«Ayiti», pensait-il, permettrait la résurrection du pays au complet.

«Ce rêve d’un nouveau Port-au-Prince est possible!» lançait le maire de la capitale en présentant le plan de reconstruction de la ville, un an et demi après la catastrophe. Nouveau centre administratif, zone touristique sur le littoral, quartier dédié à la finance: Haïti, promettait-on, allait enfin avoir une capitale moderne et digne du pays prospère qu’il avait déjà été. Mais cinq ans plus tard, nombreux sont ceux qui déchantent.

«Ce plan d’urbanisme prévoit la destruction de tous les bidonvilles de Port-au-Prince, dénonce Didier Dominique, porte-parole du syndicat Batay Ouvriye. Il est pensé pour éradiquer toute présence ouvrière de la capitale.» «En gros, résume M. Dominique, le séisme a aidé la bourgeoisie port-au-princienne à expulser les pauvres hors de la ville.»

Le représentant syndical n’est pas le seul à s’alarmer: Amnistie internationale condamnait une nouvelle fois, jeudi dernier, les expulsions forcées et souvent violentes qui renvoient à la rue ceux et celles qui ont trouvé refuge dans des camps de déplacés au lendemain du séisme. «Les 60 000 personnes expulsées depuis 2010 ne se sont vu proposer aucun autre endroit pour se réinstaller et sont retombées dans la pauvreté et l’insécurité», estime l’organisation.

«Il y avait un momentum il y a cinq ans, mais on est en train de le perdre. Les objectifs ne sont pas assez clairs.» –Guypsy Michel, directeur du CECI en Haïti, affirmant que les efforts de reconstruction du pays qui se sont manifestés après la catastrophe de 2010 sont mal canalisés aujourd’hui.

L’atelier du monde

Didier Dominique, porte-parole du syndicat Batay Ouvriye, croit que les expulsions forcées ont aussi pour but d’obliger les exilés à déménager dans les zones franches créées après le séisme et où l’État espère voir fleurir les industries.

«Haïti est en voie de devenir l’atelier du monde selon un modèle calqué sur les sweatshops d’Asie et les maquiladoras du Mexique, dénonce-t-il. Le salaire minimum, en Haïti, est parmi les plus bas au monde, et les conditions de travail sont pitoyables.» Selon M. Dominique, prendre une pause pipi au travail, en Haïti, peut même mener à un renvoi…

«Pas le choix d’être optimiste»

«Le séisme aurait pu offrir l’occasion de sortir Haïti de la misère, mais ce bateau-là a été manqué», estime Guypsy Michel, directeur du CECI dans la Perle des Antilles.

«Après coup, c’est facile de dire que les choses auraient pu être mieux faites. Aujourd’hui, c’est très difficile de trouver un kilomètre de route qui n’ait pas été bétonné, alors qu’avant, presque toutes les voies étaient en terre. Mais en même temps, les problèmes d’habitation demeurent, et malgré les gros efforts qui ont été faits, il reste beaucoup de travail», croit-il.

Est-il optimiste pour l’avenir du pays? «Les bases de la reconstruction sont maintenant posées, et il faut désormais les renforcer. Je crois aussi qu’on n’a pas le choix d’être optimiste, mais il faut aussi être réaliste. J’essaie d’être les deux.»

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