Le tramway prêt à faire son retour à Montréal avance un expert
Le ministre des Transports, Robert Poëti, a récemment proposé l’implantation «d’un métro de surface» pour le prolongement de la ligne bleue et, pourquoi pas, en remplacement du système rapide par bus (SRB) prévu sur le boulevard Pie-IX. Pour l’analyste en transport, Réjean Benoit, le tramway est tout désigné pour desservir les deux axes routiers de Montréal.
«Au Québec, on pense seulement en terme de grande capacité et nos résultats sont médiocres. Pour preuve: l’Agence métropolitaine de transport (AMT) a récemment présenté les derniers chiffres de l’achalandage et il y a un recul en terme de pourcentage d’utilisation [du transport collectif]», a affirmé M. Benoit. Ce dernier a participé à documenter l’étude du consortium Genivar-Systra sur une ligne de tramway qui avait été envisagée par l’ancien maire Gérald Tremblay sur le chemin de la Côte-des-Neiges.
Avec l’ancien président de Transport 2000, Luc Gagnon, qui est un expert des modes de transport électriques, Réjean Benoit a élaboré un plan de deux lignes de tramway qui s’étendraient sur la rue Jean-Talon et le boulevard Pie-IX. A priori, la ligne bleue de métro devrait être prolongée d’un km pour rejoindre le boulevard Pie-IX afin de «favoriser les maillages du réseau».
Une première ligne de tramway parcourrait l’ensemble de l’artère qui borde le Jardin botanique et le Parc olympique, du boulevard Saint-Martin, à Laval, jusqu’à la rue Sainte-Catherine, à Montréal. La seconde ligne partirait de l’échangeur Anjou et elle se dirigerait vers l’ouest, jusqu’au boulevard Pie-IX, pour ensuite bifurquer vers la station de métro se trouvant à l’angle de l’avenue Pierre-de-Coubertin.
«Il faut donner plusieurs choix aux gens pour qu’ils prennent le meilleur», a dit M. Benoit, qui a présenté ce plan à l’AMT il y a près d’un an. Selon lui, ces deux lignes de tramway auraient pour effet de désengorger la ligne orange et de diminuer le nombre de transferts effectués à la station Berri-UQAM.
Quelque 35 stations seraient érigées le long du parcours et les travaux seraient complétés dans un horizon de 5 ans. Les deux lignes de tramway et la construction d’une station sur la ligne bleue nécessiteraient des investissements d’environ 1,2G, d’après les calculs de Réjean Benoit. À titre comparatif, le prolongement de la ligne bleue de métro en souterrain et l’installation d’un SRB sur le boulevard Pie-IX coûteraient environ 2,3G$.
Si Québec décide d’aller de l’avant avec le scénario le plus coûteux, Réjean Benoit croit que le SRB sur le boulevard Pie-IX déplacerait le plus grand nombre d’usagers en Amérique du Nord. «Présentement, il y a 40 000 passagers par jour sur Pie-IX et la Ville de Waterloo a fait un tramway pour 28 000 personnes par jour», a-t-il illustré. On prévoit que l’achalandage pourrait atteindre 70 000 personnes par jour sur Pie-IX. On ne fait pas de SRB pour des grandes capacités comme cela.»
Quant au prolongement de la ligne de métro en souterrain jusqu’à Anjou, il n’est pas justifié, d’après M. Benoit. Jusqu’à 85 000 personnes par jour pourraient être déplacées dans cet axe et un tramway pourrait suffire à la demande. «Au Québec, on ne choisit pas les systèmes intermédiaires, a remarqué l’analyste en transport. Les autobus sont bons jusqu’à 70 000 personnes. Et lorsqu’on arrive à 85 000, c’est le métro. C’est problématique.»
Réjean Benoit insiste pour dire que le tramway permettrait d’étendre le réseau de transport collectif à Montréal. Il a donné l’exemple de la ville de Lyon qui a prolongé son réseau de métro de trois stations depuis le début des années 2000 et qui a mis en place plus de 70km de lignes de tramway. «Les grandes villes font cela: elles ne mettent pas tout leur argent dans leur métro, a-t-il expliqué. Elles font de petits tronçons là où c’est vraiment utile, et après, c’est le tramway. Lyon a augmenté l’achalandage [des transports en commun] de 69% depuis 2001 alors qu’à Montréal, on parle de 18%.»
«Le tramway serait parfait sur Jean-Talon et Pie-IX parce qu’il y a de l’achalandage, il n’y a pas de pente et il n’y a pas de pont à construire, a ajouté l’expert des transports. Mais il y a des expropriations à faire et des gens perdront leur stationnement.»
Des changements devront être apportés dans l’aménagement des deux artères. Dans le cas de la rue Jean-Talon, Réjean Benoit a indiqué que deux voies devront être retranchées pour laisser passer le tramway dans les deux directions. «Généralement, ce qu’on fait, c’est qu’on met une circulation à sens unique et on laisse une voie de stationnement», a-t-il. Prévoyant déjà la levée de bouclier devant une telle proposition, M. Benoit a insisté pour dire que le tramway apportera un nouvel achalandage aux commerçants et augmentera la valeur des immeubles le long du parcours.
«Pour moi, Dallas, c’est ville de l’automobile et du pétrole. Houston aussi. Et les deux sont passées au tramway.» – Réjean Benoit, analyste en transport, auteur du livre électronique Tramworld et instigateur d’une banque de données de près de 300 réseaux de tramway à travers le monde
Tramway = fils
Si un tramway circule de nouveau dans les villes de Montréal, des fils devront être installés pour assurer l’électrification de la ligne de transport. «On s’inquiète des fils sur Pie-IX et sur Jean-Talon alors que les Romains en ont mis devant le plus grand monument qui existe au monde, le Colisée de Rome, a relaté Réjean Benoit. Quand on est à Rome, on ne voit pas les fils, on voit le colisée.» Il serait impossible d’enfouir les fils à Montréal en raison du climat. À Bordeaux, des sels épandus à la suite de précipitations de neige ont déjà endommagé le système électrique souterrain, ce qui a provoqué l’arrêt du service de tramway pendant une journée.
Exit le «métro aérien»
L’idée de construire un «métro aérien» sur la rue Jean-Talon a été évoquée par le ministre Poëti. Un tel projet impliquerait l’installation de structures imposantes le long du parcours, d’après Réjean Benoît, puisque toutes les stations doivent être en mesure d’évacuer les trains rapidement et qu’elles doivent être situées à plus de 6 mètres du sol pour laisser passer les camions en-dessous. «On parle de ce projet au moment même où on enlève Turcot sur pilotis parce que ça coûte trop cher d’entretien. Et on va faire des pilotis ailleurs. C’est malheureux», a dit M. Benoit. Il existe un «métro aérien» au Canada, le Skytrain de Vancouver. Seule la Ville de Détroit a repris l’idée.
Le projet de M. Benoit: