Catherine Girard-Audet: C’est beau, le compliqué
Adorée pour sa série La vie compliquée de Léa Olivier, Catherine Girard-Audet explore, le temps d’un roman, l’existence tout aussi complexe de la meilleure amie de Léa, Marilou Bernier. Et elle le fait avec, toujours, cette plume drôle, directe et dynamique, qui sait saisir avec justesse les grandes émotions de l’adolescence.
Quand elle apprend que sa best, Léa Olivier, va déménager à Montréal, Marilou Bernier a «l’impression qu’une bombe atomique vient de s’écraser sur son cœur». Ce sentiment s’ajoute à cette sensation «d’être un bibelot du salon», qui la taraude depuis que ses parents semblent n’avoir d’yeux, de temps et d’intérêt que pour son petit frère. S’empilent sur ces soucis un blocage de ses pensées qui l’empêche de se surpasser en natation, l’amour secret qu’elle nourrit pour le grand frère dragueur invétéré de Léa et cette horrible coupe champignon qui lui donne l’air d’un «sosie de Dora, l’héroïne latino-américaine des moins de quatre ans».
Ce sont ces déboires que raconte Catherine Girard-Audet – qui a d’ailleurs déjà traduit des histoires de la fameuse Dora en français – dans La vie (tout aussi) compliquée de Marilou Bernier.
Après avoir signé huit tomes («et le neuvième s’en vient!») mettant en vedette la blonde et pétillante Léa, l’auteure québécoise à super succès se concentre sur l’«âme sœur féminine» de celle-ci, la brune et pince-sans-rire Marilou. Une jeune fille «dans sa bulle, un peu différente, qui n’a pas peur de dire ce qu’elle pense». Le récit est rédigé sous forme de journal intime, avec tout ce que cela comporte de savoureux classiques : la signature et le «xox» à la fin de chaque entrée, le «Bon, j’te laisse, je vais étudier!» qui vient juste avant et le «Cher journal» du départ.
«Avec mes livres, je veux dire aux jeunes : si vous traversez des épreuves, des chicanes, des peines d’amour, ne désespérez pas!» –Catherine Girard-Audet
Catherine Girard-Audet l’a souvent dit : la Léa qu’elle a créée il y a quelques années lui ressemble beaucoup. «Sauf dans ce tome-ci!» précise-t-elle joyeusement. En effet, ici, c’est à Marilou que la romancière a infusé des éléments propres à l’adolescente qu’elle a un jour été. Dont l’amour du grunge («J’étais vraiment fan de Nirvana!»), l’absence trop prolongée à son goût de chum («Toutes mes amies frenchaient, sauf moi!») et quelques anecdotes. Comme ce passage où l’héroïne se rend au cinéma avec un garçon un peu lourd qui lui court après. Un soupirant, abonné aux «répliques quétaines», qu’elle finira par embrasser… pour un résultat des plus catastrophiques, le jeune homme se révélant aussi passionné qu’un poisson rouge. Au souvenir de cette séquence rythmée et tordante de son bouquin, Catherine Girard-Audet s’esclaffe. Et avoue qu’elle fait partie de la catégorie «inspirée d’une histoire vraie».
«Mon premier baiser était… presque exactement pareil. Et désastreux! C’était avec l’ami d’une amie sur les plaines d’Abraham. Il n’y a eu ni magie, ni étincelles. Pourtant, le lendemain, le gars m’avait appelée en pensant que j’étais sa blonde! J’étais comme : “NonNonNonNon! Tu n’as pas compris!” Aujourd’hui, je raconte cette expérience pour recommander aux jeunes : si tu veux que ça se passe bien, attends d’aimer la personne!»
Sage conseil. D’ailleurs, les héroïnes de Catherine, sémillante jeune maman de 35 ans («Je suis encore une ado!»), ne sont pas naïves. Armées de leur sens de l’autodérision, elles font des erreurs, dramatisent. Mais elles ont une tête et un excellent sens de la répartie. Marilou, qui «déteste les commentaires machos» ne se laisse pas marcher sur les pieds. Elle ne se laisse pas non plus bercer d’illusions par ce garçon qui tente de la charmer en camouflant momentanément son «côté moron». «Je trouve ça important de dire à mes lectrices : il faut se faire respecter. Vive l’égalité!»
Ce qu’elle trouve important aussi: ne pas remplir ses romans de références culturelles trop dans le «ici, maintenant»… même si elle fait de petites exceptions. Notamment pour Adele, que Marilou écoute parce qu’elle est «la seule qui semble comprendre ce qu’elle vit». L’œuvre de cette chanteuse, que l’auteure «admire pour sa voix et pour la profondeur de ses textes», traverse les frontières et les langues. Comme les livres de Catherine, qui ont été traduits en néerlandais, en portugais, en espagnol… Peut-être parce qu’elle exprime si bien à quel point, quand on est ado, les drames les plus petits sont énormes. Elle reprend d’ailleurs dans ce roman une phrase-fétiche que lance Léa lorsque survient un pépin : «Ma vie est finie!» Catherine, qui avoue en riant être «aussi un peu drama queen», remarque que ces excès sont propres à la jeunesse. «On se sent souvent comme si c’était la fin du monde. Mais l’important, c’est de se rappeler qu’on finit toujours par s’en sortir!»
La vie (tout aussi) compliquée de Marilou Bernier
En librairie
Aux Éditions les Malins