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Les faux amis

Au lendemain de la pire tuerie homophobe de l’histoire américaine, certains se demandent comment la droite – et particulièrement la droite américaine, en contexte pré-électoral – pourra reprendre à son avantage cette tragédie à la fois homophobe et commodément revendiquée par l’État islamique. Une grande partie de la clientèle politique conservatrice est ouvertement homophobe, s’opposant au mariage gai et à l’accès des personnes trans aux toilettes correspondant à leur identité de genre, en même temps qu’elle est islamophobe et campée dans un nationalisme fermé. Tout cela pourrait sembler confondant de contradictions, mais ne sous-estimez jamais la capacité des conservateurs à s’emparer d’un enjeu politique à leur avantage, même lorsque cela parait le plus contrintuitif. Dans le cas qui nous occupe, deux tactiques sont à leur disposition : l’invisibilisation et l’homonationalisme.

Comme autour de n’importe quel enjeu politique, tout est une question de cadrage. Pour l’Amérique conservatrice qui militait hier contre les droits des personnes trans, l’attentat d’Orlando est une attaque islamiste contre toute l’Amérique. On dira que c’est la liberté qui a été atteinte en son cœur, et que le meilleur moyen de se prémunir de ces attaques est de fermer les frontières, nonobstant le fait que l’auteur de l’attentat soit né à New York et qu’il ait grandi dans une culture incapable de lutter contre sa haine des homosexuels. On prendra bien soin de minimiser qu’il s’agit là d’une attaque homophobe, et que cette attaque s’abreuve à la même haine que celle qui motivait récemment une mère de 12 enfants à hurler que le «diable allait violer vos enfants» dans un Target sous prétexte que la chaîne de magasin avait décidé de respecter les droits des personnes trans. On taira aussi l’origine des victimes, majoritairement latino-américaines, ceux-là même qui sont la cible des commentaires les plus racistes de la part de Donald Trump. Ceux qu’il traite allègrement de «violeurs» et de «criminels». Ça, c’est l’invisibilisation. Et lorsqu’on finira par admettre qu’il s’agissait bel et bien d’un acte homophobe, on se rabattra sur l’homonationalisme, cette croyance en une supériorité nationale fondée sur une soi-disant ouverture à la diversité sexuelle.

C’est ainsi que les principales victimes des attentats de Orlando ne trouveront dans la droite que de faux amis, même lorsque celle-ci revêtira les habits de la vertu. Car si l’islamophobie et l’homophobie s’abreuvent toutes deux de la même ignorance, assènant souvent les mêmes personnes, l’expérience récente nous a appris que la première peut parfois supplanter la seconde au point où la communauté LGBT se trouve soudainement de «nouveaux alliés». Des personnes qui à longueur d’année ne «veulent pas savoir ce qui se passe dans notre chambre à coucher», qui s’énervent devant les initiatives visant à contrer l’hétéronormativité à l’école, qui s’indignent que l’on daigne s’embrasser dans la rue, qui jugent notre désir d’avoir des enfants comme des caprices ou qui ne comprennent pas l’urgence de fournir aux personnes trans des environnements sécuritaires. Ces mêmes personnes n’hésiteront pas à présenter les occidentaux comme des êtres supérieurs, en vertu de leur ouverture légendaire aux minorités sexuelles, face à un orient «barbare», arriéré et homophobe.

Que les grandes religions fomentent la haine à l’égard des homosexuels et que des attaques soient légitimées par des groupes terroristes est condamnable. Mais la communauté LGBT ne trouvera pas d’alliés chez les hypocrites qui instrumentalisent notre cause sans la soutenir, ni chez ceux qui stigmatisent, isolent, excluent et assimilent à la violence des individus en raison de la consonance de leur nom ou de la religion à laquelle ils adhèrent ou dans laquelle ils ont grandi. Ces gens-là ne sont pas nos alliés. Ils se nourrissent de la même haine que les terroristes et les homophobes.

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