Ottawa prévoit une année de plus de déficit
OTTAWA – Jim Flaherty devra tremper sa plume dans l’encre rouge un peu plus longtemps, alors qu’Ottawa reporte à nouveau d’une année le retour à l’équilibre budgétaire.
Dans sa mise à jour économique présentée à Fredericton mardi, le ministre des Finances prévoit mettre fin au déficit budgétaire en 2016-2017, soit un an plus tard que ce qu’il avait envisagé dans son budget du mois de mars dernier.
Pour 2012-2013, le déficit est aussi bien plus important que prévu, à 26 milliards $, soit près de 5 milliards $ de plus que ce qui était inscrit dans le budget du printemps.
Le principal coupable, selon le ministre: le coût des matières premières, intimement lié à la bonne santé de l’économie canadienne. Compte tenu de la faible demande mondiale pour ces produits de base, les prix ont chuté, et avec eux, le produit intérieur brut (PIB) du pays. Les revenus du gouvernement fédéral sont amputés en conséquence.
Ottawa compte donc en moyenne sur des revenus inférieurs de 7,2 milliards $ annuellement pour les cinq prochaines années par rapport à ce qu’il avait prévu au départ.
«Comme je l’ai souvent mentionné, l’équilibre budgétaire n’est pas un fin en soi», a souligné le ministre, ajoutant cependant que moins le Canada consacre de ressources au service de la dette, plus il peut en utiliser comme levier économique.
Malgré tout, le ministre Jim Flaherty se réjouit d’être sur «la bonne voie» pour un retour «à moyen terme» à l’équilibre budgétaire et vante la bonne performance du Canada comparé aux autres pays du G7.
«Cette situation découle du ferme engagement de notre gouvernement à contrôler l’augmentation des dépenses de programmes dans la poursuite de l’équilibre budgétaire», s’est-il félicité.
Pour 2013-2014, M. Flaherty s’attend désormais à un déficit de 16,5 milliards $, pas moins de 6,3 milliards $ de plus que ce qu’il avait estimé huit mois plus tôt. L’année suivante, le déficit devrait reculer à 8,6 milliards $, puis encore à 1,8 milliard $ l’année d’après.
En 2016-2017, la colonne des revenus devrait en principe dépasser celle des dépenses de 1,7 milliard $. Le surplus budgétaire devrait s’élever à 3,4 milliards $ l’année suivante.
Il est à noter que les prévisions de mardi contiennent un «ajustement en fonction du risque» de 3 milliards $. Il n’est donc pas techniquement impossible que le Canada parvienne à équilibrer ses colonnes de chiffres dans trois ans, si l’économie fait vraiment bonne figure.
Pas à l’abri
Dans son discours, M. Flaherty a prévenu que le pays n’était pas «à l’abri des forces présentes à l’échelle mondiale et que nous ne pouvons pas non plus contrôler les chocs économiques venant d’autres pays dont les effets se font sentir ici».
Il a notamment fait référence au «précipice fiscal», soit une hausse d’impôt accompagnée de réductions des dépenses auxquelles pourraient être soumis les Américains à défaut d’un accord politique au Congrès entre démocrates et républicains. Il a encouragé les États-Unis à conclure une entente à court terme pour rassurer les marchés, mais aussi à se pencher sur leurs finances à moyen terme afin de réduire leur déficit.
«Au cas où certains en douteraient, l’incertitude économique qui persiste en Europe et aux États-Unis est bien réelle et nous rappelle fréquemment d’être vigilants», a-t-il dit.
Critiques
L’opposition officielle a sévèrement réprimandé le gouvernement pour ne pas être parvenu à atteindre ses propres cibles. Selon le Nouveau Parti démocratique (NPD), les compressions imposées par les conservateurs ralentissent la croissance et frappent de plein fouet l’économie — un choix idéologique, aux yeux des troupes de Thomas Mulcair.
À un moment où les taux d’intérêt sont bas, Ottawa devrait en profiter pour investir notamment dans les infrastructures, croient les néo-démocrates.
«Sous la gouverne conservatrice, on assiste vraiment à un déséquilibre de l’économie canadienne (…). Maintenant, on met tous nos oeufs dans le panier des ressources naturelles», a soutenu le député néo-démocrate Guy Caron, qui préférerait voir le gouvernement faire davantage d’efforts pour diversifier l’économie.
Du côté des libéraux, on regrette que l’accent ne soit pas mis sur la création d’emplois chez les jeunes. Alors que M. Flaherty a repoussé deux fois la date du retour à l’équilibre budgétaire, rien n’indique qu’il ne se trompera pas à nouveau, a soutenu le libéral Scott Brison.
Chez les bloquistes, on déplore surtout que le gouvernement de Stephen Harper garde le cap sur l’équilibre budgétaire à moyen terme, aux dépens de la frange la plus vulnérable de la population.
La Fédération canadienne des contribuables a elle aussi fustigé M. Flaherty, mais au contraire du Bloc québécois, pour ne pas parvenir à l’équilibre budgétaire assez rapidement.